Pierre Nkurunziza © Reuters

L’élection présidentielle au Burundi a été « paisible mais pas crédible »

La mission d’observation électorale de l’ONU au Burundi (Menub) a conclu lundi que le scrutin présidentiel du 21 juillet s’était globalement déroulé dans le calme mais n’était pas « libre, crédible et inclusif ».

Dans leur rapport préliminaire publié lundi, les observateurs ont souligné que le scrutin avait été marqué par des violences et que les libertés d’expression, de réunion et d’association « ont été sévèrement entravées ».

De même, ajoute la mission, « la liberté de la presse a fait l’objet de sévères restrictions ». Elle note en particulier que « les médias publics n’ont pas assuré une couverture équilibrée aux candidats en compétition ».

Le rapport note aussi que l’élection a eu lieu « dans un climat de profonde méfiance entre les partis politiques » à la suite de la décision du président sortant Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat.

La Menub a constaté cependant que « les Burundais se sont rendus dans les bureaux de vote dans le calme dans la plupart des cas ».

La mission, ajoute le rapport, « a conclu que même si le jour du scrutin était paisible et les opérations conduites d’une manière adéquate, l’environnement général n’était pas propice aux déroulement d’un processus électoral libre, crédible et inclusif ».

La mission avait rendu le même verdict pour les précédentes élections législatives et locales tenues fin juin.

Ces conclusions rejoignent celles d’autres observateurs internationaux, dont ceux de la Communauté est-africaine.

Selon les résultats proclamés vendredi par la Commission électorale burundaise, le président Nkurunziza a été réélu au premier tour, avec 69,41% des voix, pour un troisième mandat que ses adversaires jugent contraire à la Constitution.

La décision fin avril du président de se porter candidat a plongé le pays dans une profonde crise politique émaillée de violences qui ont fait plus de 80 morts.

Le principal opposant siège à l’Assemblée nationale, un choix qui provoque des remous

Le principal opposant burundais, Agathon Rwasa, a pris part lundi en tant que député à la première session de l’Assemblée nationale fraîchement élue, disant vouloir « jouer le jeu » pour aider à sortir son pays de la crise, un choix qui crée des remous dans l’opposition.

Selon des sources concordantes, cette session a été précédée ce week-end par des combats dans le Sud-Ouest, opposant l’armée à un groupe armé non identifié en provenance de République démocratique du Congo (RDC) voisine.

A Bujumbura, expliquant sa présence sur les bancs de l’Assemblée, M. Rwasa a déclaré: « on doit se rendre à l’évidence, le forcing de Nkurunziza (le président réélu) a bien réussi ». « Faut-il abandonner à leur sort tous ces gens qui ont voté pour nous, quand bien même les résultats publiés ne sont pas si réalistes que ça? « , a-t-il ajouté.

En dépit d’une crise politique sans précédent depuis la fin de la guerre civile (1993-2006), déclenchée par la candidature controversée du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, le pouvoir burundais a organisé des législatives et communales le 29 juin et une présidentielle le 21 juillet.

Les trois scrutins, décriés par l’opposition et la quasi-totalité de la communauté internationale, ont été remportés haut la main par le camp présidentiel. Pierre Nkurunziza a été réélu avec plus de 69% des voix.

L’ensemble de l’opposition, dont Agathon Rwasa, avait dit boycotter les scrutins, mais la Commission électorale (Céni) avait maintenu leurs candidatures.

L’opposition juge ce troisième mandat anticonstitutionnel et contraire à l’accord de paix d’Arusha qui avait permis de mettre fin à la guerre civile.

« Tant que les négociations n’ont pas encore abouti, autant jouer le jeu (…) tout sera fixé par l’aboutissement du dialogue entre les parties », a ajouté, confiant, M. Rwasa, réfutant se livrer à un « double langage ».

Principal allié de M. Rwasa dans ce processus électoral, Charles Nditije, absent de l’hémicycle lundi, comme ses dix partisans élus députés, a dit refuser de « s’associer à la mascarade électorale organisée par Nkurunziza et sa Céni ».

Pour cette première session, 104 des 121 députés élus étaient présents.

« La rupture n’est pas encore consommée (avec Agathon Rwasa), mais nous ne comprenons pas la logique politique qui guide son action », a indiqué M. Nditije. « Entrer à l’Assemblée nationale aujourd’hui signifie une reconnaissance des résultats des élections », a-t-il estimé. « Agathon Rwasa va s’aliéner l’opposition burundaise, ses militants (…) et même la communauté internationale ».

Un dirigeant de l’opposition a lui estimé que « la décision de Rwasa est une trahison ».

L’annonce fin avril de la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat a déclenché un mouvement de contestation, émaillé de violences qui ont fait plus de 80 morts et ont poussé quelque 170.000 personnes, selon l’ONU, à fuir dans les pays voisins.

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