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L’attentat en Libye : Les grandes puissances n’ont que peu de moyens d’action

La marge de manoeuvre de Barack Obama est très restreinte après l’attaque qui a coûté la vie en Libye à quatre Américains, dont l’ambassadeur des Etats-Unis. L’analyse de Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales.

Comment les Etats-Unis peuvent-ils réagir à l’attaque du consulat en Libye qui a fait quatre morts, dont l’ambassadeur Christopher Stevens? LeVif.be a interrogé Bertrand Badie, politologue spécialiste des relations internationales et Professeur à Sciences Po.

La mort de l’ambassadeur américain est un coup dur pour la diplomatie américaine…

C’est un événement d’une grande gravité. La dernière fois qu’un ambassadeur américain a été tué remonte à 1979 en Afghanistan. Voilà qui risque de mettre la diplomatie américaine en difficulté, sans toutefois provoquer de bouleversement.
La marge de manoeuvre de Barack Obama est en effet très restreinte. En pleine campagne électorale, son adversaire Mitt Romney ne va pas manquer d’utiliser cette crise pour lui reprocher sa tiédeur à défendre les intérêts américains, comme il l’a déjà fait dans un premier communiqué.

Comment les Américains peuvent-ils réagir?

Les auteurs de l’attaque qui a coûté la vie à l’ambassadeur sont des acteurs non étatiques et non clairement identifiables. Barack Obama devra probablement se limiter à réagir de manière rhétorique. Une action militaire symbolique, à l’image du raid américain de 1986 après le bombardement d’une discothèque fréquentée par des soldats américains à Berlin n’aurait pas de sens. À cette époque-là, c’était l’Etat libyen de Kadhafi qui était visé. Aujourd’hui, les auteurs de l’attaque qui a coûté la vie à l’ambassadeur sont des acteurs non étatiques et non clairement identifiables. Frapper la Libye qui peine à se stabiliser après la chute du régime de Kadhafi serait se tromper de cible. Hillary Clinton s’est d’ailleurs empressée, après les excuses des autorités libyennes, de pointer une attaque commise par un « petit groupe sauvage ».
Une opération militaire irait également à l’encontre de la politique que Barack Obama essaie de mettre en oeuvre depuis qu’il est aux affaires: mettre fin aux interventions militaires initiées par ses prédécesseurs, que ce soit en Irak, en Afghanistan, comme empêcher les Israéliens d’entreprendre une action offensive contre l’Iran.

Les pays occidentaux semblent de plus en plus impuissants face à ce type d’événements?

Cette situation souligne en effet la raréfaction des moyens d’action des grandes puissances dans les crises régionales. Elles prennent conscience que l’usage de la force n’est pas d’une grande utilité pour résoudre ces crises face à des acteurs non étatiques comme en Libye ou au Mali.

Cette attaque révèle aussi la fragilité de la Libye…

Depuis l’intervention de l’Otan en 2011, la Libye est devenue le champ de manoeuvre de quantité de groupes non étatiques, dont des salafistes et des réseaux proches d’Al Qaïda. Reste à savoir si ceux qui ont attaqué le consulat savaient que l’ambassadeur était présent et si celui-ci a été volontairement visé ou non. Dans un cas, il s’agirait de l’accomplissement d’une stratégie témoignant d’une escalade anti-américaine, dans l’autre de la dramatique conséquence d’une émeute. S’agit-il d’un pion avancé pour faire passer un message, dans une région où l’antiaméricanisme reste virulent, alors que l’Occident met la pression sur la Syrie et l’Iran?

Propos recueillis par Catherine Gouëset, L’Express

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