Kubilaï Khan © wikipedia

Kubilaï Khan, le Mongol qui se fit empereur de Chine

Le Vif

Huit siècles après la naissance du conquérant du plus vaste empire jamais bâti, les héritiers du Mongol Kubilai Khan, petit-fils de Gengis Khan, forment un peuple divisé entre sa terre d’origine et la Chine qu’il conquit. Mais pour tous, Kubilai est une gloire nationale.

Ce mercredi c’est l’anniversaire des 800 ans de Kubilai Khan célébré à Oulan-Bator. En Chine, une statue a été érigée près de sa capitale d’été. L’empire mongol a atteint sous Kubilai une taille gigantesque, allant de la péninsule coréenne à l’Europe de l’est, en passant par la Perse et l’Irak. En conquérant la Chine, Kubilai, qui accueillera Marco Polo, y fondera la dynastie des Yuan (1271-1368), la première créée par un étranger non Han, l’ethnie chinoise d’origine. Elle sera renversée au bout de 89 ans et les Chinois, à leur tour, conquirent la Mongolie. Les soubresauts géopolitiques du XXè siècle – effondrement du système impérial chinois et fondation de l’Union soviétique – ont donné naissance à une Mongolie indépendante, rapidement mise sous tutelle par Moscou. « Kubilai Khan, en tant que Mongol, aurait eu les pires difficultés à établir son contrôle sur la Chine. Il s’est donc proclamé empereur de Chine », épousant des pans entiers de sa culture, relève pour l’AFP John Man, spécialiste de l’histoire mongole.

‘Ironie de l’Histoire’

« C’est une des plus grandes ironies de l’Histoire: la Chine moderne tire la plupart de ses frontières – à l’exception de celle avec la Mongolie – d’un +barbare du Nord+, de Kubilai Khan ». Le Chine ne s’affirme pas moins comme la plus vieille civilisation du monde et a « sinisé » ses envahisseurs en les déclarant chinois, notamment les Mandchous (1644-1911) ensuite.

La Mongolie moderne n’a que trois millions d’habitants. Mais près du double des membres de l’ethnie mongole vivent en Chine. Quelques nations divisées, comme l’Allemagne, sont parvenues à se réunifier, mais en dépit des fantasmes de quelques ultra-nationalistes mongols, la formation d’un Etat mongol unifié est impossible en raison de la faiblesse géopolitique de la Mongolie et de sa dépendance économique à l’égard de la Chine, estime D. Shurkhuu, de l’Institut des affaires internationales d’Oulan-Bator. « C’est une question très sensible politiquement, particulièrement pour les hommes politiques mongols », dit-il à l’AFP. Des deux côtés de la frontière, les Mongols partagent pourtant la même fierté de leur histoire commune. « Gengis Khan est l’ancêtre de l’ethnie mongole et des Mongols », déclare Baigali, une guide sur le site supposé du mausolée où serait enterré le conquérant et grand-père de Kubilai, en Mongolie intérieure chinoise. Pour les historiens étrangers, la tombe de Gengis Khan n’a jamais été localisée et reste un grand mystère. Pour Baigali (un seul nom, ndlr), les deux peuples n’en font qu’un pour l’essentiel, même si, en Chine, l’écriture mongole reste traditionnelle et verticale, tandis qu’en Mongolie « extérieure », c’est l’alphabet cyrillique, hérité de l’URSS, qui est en vigueur. « Ils se croient supérieurs à nous parce qu’ils sont des Mongols purs tandis que nous sommes sinisés », glisse-t-elle, sous-entendant des rivalités.

‘Je suis Tamur’

Hada, un dissident d’ethnie mongole qui a passé près de 20 ans en prison en Chine avant d’être relâché en décembre, estime que son peuple a été marginalisé par les autorités communistes et « rétrogradé… au rang de minorité ethnique ». « Il est incontestable qu’ils sont le peuple originaire d’une grande nation », écrivait-il ce mois-ci sur une publication en ligne d’une organisation de défense des droits des Mongols de Chine, basée aux Etats-Unis.A ses yeux, il s’agit pour les autorités chinoises de « réduire la confiance en soi nationale » et de détourner les Mongols des « aspirations à l’autodétermination ». Des accusations rejetées par Pékin qui met en avant les progrès économiques et la hausse du niveau de vie de ses minorités. Les éleveurs mongols en Chine s’insurgent sporadiquement contre la dévastation de leurs steppes par les industries minières. L’un d’eux, Tamur, s’est pendu cette année en un geste de désespoir qui a eu un fort écho en Mongolie. « Je suis Tamur », proclamait sur une pancarte à Oulan-Bator un militant, Munkhbayar Chuluundorj, en référence au « Je suis Charlie » de Paris. Selon lui, « il y a beaucoup de Tamur en Mongolie intérieure qui veulent préserver leurs terres des visées du gouvernement chinois ». Et les liens culturels, dit-il, traversent la frontière. « Tous les Mongols de l’extérieur sont fiers de Gengis Khan et se veulent ses descendants », dit-il.

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