Ksenia Sobtchak prononce un discours lors d'une manifestation à Moscou en 2012. © REUTERS

Ksenia Sobtchak, l’opposante idéale pour Vladimir Poutine

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Elle se présente à l’élection présidentielle russe comme la candidate de la protestation. Mais sa candidature pourrait bien arranger le Kremlin et diviser l’opposition.

Ksenia Sobtchak a annoncé ce mercredi qu’elle se présenterait à l’élection présidentielle qui aura lieu en Russie au mois de mars 2018. La jeune femme, « it girl » et figure télévisuelle dans son pays, se considère comme libérale. Elle prend régulièrement part à des manifestations de l’opposition et s’est déclarée comme candidate à la contestation ‘contre tous’. « Au cours des 17 dernières années, une toute nouvelle génération a grandi, qui veut voir une Russie différente, civilisée et européenne », confie-t-elle sur la chaîne télévisée où elle a annoncé sa candidature.

La « Paris Hilton russe »

Ksenia Sobtchak sur le tapis rouge des MTV Movie Awards en Russie en 2007.
Ksenia Sobtchak sur le tapis rouge des MTV Movie Awards en Russie en 2007. © REUTERS

Ksenia Sobtchak a construit une carrière à succès comme star de télévision, ce qui lui a longtemps valu le surnom de « Paris Hilton russe ».

Elle s’est fait connaître dans Dom-2, une émission où les participants formaient des couples et discutaient de leurs relations autour d’un feu de camp. Elle s’est ensuite illustrée dans une émission nommée « La blonde en chocolat » où ses jurons lui ont attiré les foudres des bien-pensants. Elle a appris les arts du cirque dans « Cirque avec les Stars », a publié plusieurs livres de conseils de mode et créé un parfum nommé « Comment épouser un millionnaire ».

Après avoir incarné la jeunesse dorée de la première décennie de l’ère Poutine, la jeune femme s’est rapprochée d’Alexeï Navalny, la figure la plus proéminente de l’opposition à Vladimir Poutine, lors des manifestations de 2011-2012. La même année, elle quitte le show de téléréalité Dom-2 pour animer une émission de débat sur MTV-Russie, supprimée quand elle a tenté d’inviter l’opposant. Elle est aussi devenue depuis l’un des principaux visages de la chaîne d’opposition Dojd.

Caution « légitimé » de l’élection

Très vite, des voix se sont élevées pour dénoncer un « coup monté » du Kremlin pour reprendre la main à l’approche du scrutin. Selon les analystes, sa candidature ressemble fort à une campagne de pseudo-opposition soutenue par le Kremlin, dans le but de renforcer la crédibilité et la légitimité de l’élection. Pour participer officiellement au scrutin, elle doit récolter les 300.000 signatures nécessaires et remplir toute une série de critères. Le porte-parole de Poutine a déclaré que c’était le cas, ce qui peut apparaitre comme une sorte de bénédiction de la part du Kremlin.

Sa candidature ouvre également la voie à des divisions parmi les différents mouvements et représentants de l’opposition au gouvernement russe actuel. Surtout quand on sait qu’ Alexeï Navalny sera absent du scrutin puisque la commission électorale russe a décidé qu’il ne serait éligible qu’à partir de 2028 « à cause de son passé judiciaire ». Pour le politologue Konstantin Kalatchev, la candidature de Ksenia Sobtchak s’explique par la « volonté de créer de l’intérêt pour les élections » tout en créant un contre-feu à Alexeï Navalny. « C’est une tentative de construire une candidate libérale et séduisante de manière artificielle », explique-t-il à l’AFP. Sobtchak considère Navalny comme un « ami et allié » et espère qu’elle aura son soutien. Elle a en outre dit qu’elle serait prête à retirer sa candidature s’il parvenait à se faire accepter officiellement comme candidat à l’élection.

Opposante ou marionnette du Kremlin ?

Malgré son statut « d’opposante », Sobtchak s’est jusqu’à présent gardée d’émettre des critiques directes à l’encontre de Vladimir Poutine. Elle l’a d’ailleurs rencontré récemment pour l’interviewer dans le cadre d’une émission de télévision sur son père, Anatoli Sobtchak, qui était un des mentors de l’actuel président russe. Ce dernier a d’ailleurs à maintes reprises parlé de sa dette politique envers Sobtchak.

Poutine, ami proche de la famille Sobtchak

Le père de Ksenia Sobtchak, Anatoli, fut au début des années 1990 le premier maire libéral de Saint-Pétersbourg. Son adjoint s’appelait Vladimir Poutine, un ancien officier du KGB dont il appréciait les compétences. A la mort d’Anatoli Sobtchak, en 2000, celui qui était devenu président russe était présent à l’enterrement aux côtés de Ksenia et de sa mère.

Ksenia Sobtchak n’a jamais caché ses liens personnels avec Vladimir Poutine, bien que sa famille ait démenti les rumeurs selon lesquelles il aurait été son parrain.

Ksenia Sobtchak en octobre 2017.
Ksenia Sobtchak en octobre 2017.© REUTERS

Du côté de l’opinion publique, beaucoup de Russes trouvent invraisemblable le fait qu’elle ait choisi de se battre indépendamment pour la présidence. Surtout qu’un journal russe annonçait le mois dernier que l’administration présidentielle envisageait de lui demander de se présenter. Ce que la principale intéressée nie en bloc. « C’est un mensonge. Je n’ai eu aucun contact direct ou indirect avec l’administration présidentielle à ce sujet. Je n’ai pas besoin de leurs bénédictions, je peux décider quoi faire moi-même », a-t-elle argumenté sur son blog. En 2012, la candidature du milliardaire Mikhaïl Prokhorov, arrivé troisième avec 8%, avait déjà été interprétée comme orchestrée par le Kremlin pour calmer la vague de protestations accompagnant la réélection de Vladimir Poutine.

Quoi qu’il en soit, la candidature de Ksenia Sobtchak peut être vue par le Kremlin comme un moyen de conférer une certaine légitimé et une consistance à la course à la présidence. En effet, les principaux « challengers » de Poutine sont des hommes d’environ 70 ans, issus de partis qualifiés « d’opposition dirigée », qui n’offrent pas une réelle opposition et soutiennent globalement la politique de Poutine. Ce dernier n’a d’ailleurs pas encore officiellement déposé sa candidature, mais il est certain qu’il briguera un quatrième mandat de six ans.

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