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Krassni Bor, « le Tchernobyl chimique »

Le Vif

Les écologistes l’appellent le « Tchernobyl chimique »: Krassni Bor, un site de stockage de déchets toxiques situé à seulement 30 km de Saint-Pétersbourg, menace selon eux l’équilibre écologique de la deuxième ville de Russie.

« La situation est grave depuis plusieurs années et rien ne change », s’inquiète Viktoria Markova, une militante écologiste locale. Pendant 29 jours, cette mère de famille de 50 ans a mené une grève de la faim pour attirer l’attention des autorités sur Krassni Bor, « Forêt rouge » en russe, dont les déchets menacent de contaminer l’eau potable de Saint-Pétersbourg.

« Nous ne voulons pas que le site soit maintenu en état », assure-t-elle alors que Krassni Bor, le plus grand site d’élimination de déchets industriels dangereux du nord-ouest de la Russie, retient dans ses bassins à ciel ouvert près de deux millions de tonnes de déchets toxiques.

« Avec les récentes chutes de neige, très abondantes, et le début du dégel, le niveau des bassins a fortement augmenté. Ils ont même débordé à certains endroits », précise Mme Markova à l’AFP.

Si ces eaux empoisonnées atteignent le ruisseau Bolchoï Ijorets, en contrebas de Krassni Bor, « elles se mélangeront aux eaux de pluie puis se retrouveront dans la Neva et les robinets des habitants de Saint-Pétersbourg », ajoute-t-elle.

Un scénario catastrophe loin d’être irréaliste: mi-février, l’Agence russe de surveillance des ressources naturelles (Rosprirodnadzor) a annoncé que la concentration de substances dangereuses dans le canal encerclant Krassni Bor dépassait les normes autorisées.

Le Parquet local a de son côté annoncé le 11 février avoir donné six mois à l’entreprise Polygon Krassni Bor, qui exploite le site, pour réparer plusieurs barrages et un conteneur de stockage de déchets.

Invités par des militants écologistes à une conférence de presse commune, le directeur de l’entreprise et les autorités de Saint-Pétersbourg ont manqué à l’appel.

« Le sujet de Krassni Bor reste fermé au public. Nous ne pouvons obtenir aucune information », a regretté lors de cette conférence de presse le militant écologiste Anatoli Poliakov. Le chef de l’administration de Telmana, un village proche de Krassni Bor, estimait lui que « les autorités font croire qu’il n’y a pas de problème et ne font rien de sérieux pour le résoudre ».

Un site vétuste

Ouvert en 1970, ce site de stockage traite les déchets toxiques provenant d’entreprises chimiques, médicales et industrielles, dont le nombre est en croissance dans la région.

Il occupe 73 hectares et se situe à deux kilomètres du village de Krassni Bor, à une trentaine de kilomètres au sud du centre-ville de Saint-Pétersbourg et de son prestigieux musée de l’Ermitage. Mais alors que ce type de site de stockage de déchets ferme de coutume au bout de 20 ans, Krassni Bor est ouvert depuis 45 ans, même si le site n’accueille plus de nouveaux déchets depuis 2014.

« Auparavant, le surplus des déchets était simplement déversé dans la forêt à la tombée du jour et les week-ends. La nouvelle direction, en place depuis octobre, a cessé ces pratiques illégales », reprend Viktoria Markova.

La militante écologique a arrêté sa grève de la faim, reconnaissant que « les autorités ont commencé à examiner la situation » et à « payer les arriérés de salaire du personnel ».

Mais l’entreprise, au bord de la faillite, n’arrive plus à gérer les déchets chimiques contenus dans les bassins.

« L’un des bassins fait 27 mètres de profondeur. C’est l’équivalent d’un immeuble de sept étages alors que sa superficie correspond à celle d’un stade », raconte la militante écologiste.

Emblématique, Krassni Bor n’est pas un cas unique en Russie. « Il y a plusieurs centaines de sites de stockage de déchets toxiques potentiellement dangereux en Russie », rappelle Alexeï Kisselev, militant écologique de Greenpeace, citant notamment les sites de Dzerjinsk, centre industriel à 370 km à l’est de Moscou.

« Mais on peut dire que par ses dimensions et son état, Krassni Bor est un cas exceptionnel », ajoute-t-il.

Il y a trois ans, le Premier ministre Dmitri Medvedev était monté au créneau, promettant de fermer Krassni Bor. Selon les estimations des experts, il faudrait 60 milliards de roubles (près de 700 millions d’euros) pour procéder aux travaux préliminaires à la fermeture. « La situation à Krassni Bor n’est pas simple mais pas du tout critique », affirme à l’AFP pour sa part l’administration de Saint-Pétersbourg, qui rejette toute possibilité de fuite et affirme « contrôler la situation ».

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