Uhuru Kenyatta © Reuters

Kenya: le président en tête, l’opposition rejette les résultats

Le Vif

L’opposition kényane a annoncé mercredi qu’elle rejetait les résultats provisoires de l’élection présidentielle donnant son candidat Raila Odinga nettement devancé par le chef de l’État sortant, Uhuru Kenyatta.

Raila Odinga lui-même s’est adressé à la presse pour dénoncer « des résultats fictifs ». « Le système a échoué. Nous rejetons les résultats (publiés) jusqu’à présent », a-t-il déclaré.

Sur quelque 11 millions de votes exprimés comptabilisés par la commission électorale (IEBC), sur 19,6 millions d’électeurs inscrits, le président Kenyatta, au pouvoir depuis 2013, était crédité de 55,27% des voix contre 43,93% à M. Odinga, qu’il devançait de plus de 1,2 million de voix.

La coalition d’opposition (Nasa) reproche à la commission électorale (IEBC) de ne pas lui communiquer les procès-verbaux susceptibles de corroborer les résultats transmis électroniquement et diffusés sur le site internet de la commission.

M. Odinga a également accusé la commission électorale d’avoir interdit à ses agents de scanner les procès-verbaux dans certains bureaux de vote.

L’IEBC a indiqué qu’un des deux camps lui avait demandé de cesser la diffusion régulière des résultats partiels. Elle a refusé par souci de « transparence et de responsabilité envers les électeurs et le peuple kényan ».

Vétéran de la politique kényane et candidat pour la quatrième fois à la présidentielle, Raila Odinga avait déjà contesté les résultats des deux précédentes élections en 2007 et 2013.

En 2007, il avait crié à la fraude à l’annonce de la réélection du président Mwai Kibaki. Le Kenya avait alors plongé dans deux mois de violences politico-ethniques et de répression policière, qui avaient fait au moins 1.100 morts et plus de 600.000 déplacés.

– Ferveur démocratique –

En 2013, il avait dénoncé des fraudes après la victoire dès le premier tour de M. Kenyatta, en s’appuyant sur la faillite du système électronique. Il avait saisi la Cour suprême, qui avait tout de même validé les résultats.

Pour l’emporter dès le premier tour, un candidat doit obtenir la majorité absolue et plus de 25% des voix dans au moins 24 des 47 comtés du pays.

Le taux de participation n’a pas été communiqué par l’IEBC. Six autres petits candidats étaient en lice dans cette élection et leurs voix ne pesaient pas plus d’1% au total, toujours selon les résultats partiels de la Commission électorale.

De nombreux observateurs kényans et internationaux ont exprimé des craintes de troubles à l’annonce des résultats de la présidentielle. La campagne avait été acrimonieuse, l’opposition n’ayant eu de cesse d’accuser le camp présidentiel de préparer des fraudes.

Les opérations de vote se sont toutefois déroulées dans le calme. Dès les premières heures du jour mardi s’étaient formées de longues files d’attentes attestant d’une ferveur démocratique que les accusations de fraudes lors des précédentes élections n’avaient pas entamée.

Hormis une vingtaine de bureaux de vote dans la région du Turkana (nord-ouest) rendus difficilement accessibles par d’importantes précipitations, ainsi que des retards à l’ouverture, le vote s’est passé sans encombre dans la plupart des 41.000 bureaux.

Le scrutin a donné lieu au déploiement sans précédent de plus de 150.000 membres des forces de sécurité.

Surtout, malgré quelques problèmes localisés liés à l’identification biométrique des électeurs, le système électronique a semble-t-il fonctionné normalement, contrairement à ce qui s’était passé il y a quatre ans.

Accepter la volonté du peuple

L’opposition, qui n’avait pourtant pas ménagé ses critiques à l’encontre de l’IEBC lors de la campagne, s’était même dite dans un premier temps « largement impressionnée » par son travail.

Les Kényans devaient aussi élire leurs députés, gouverneurs, sénateurs, élus locaux et représentantes des femmes à l’Assemblée. Mais c’est bien la présidentielle, réédition de l’affiche de 2013, qui suscitait le plus de passions.

Les sondages, quelque peu discordants, avaient annoncé un duel serré entre Uhuru Kenyatta, fils du premier président du Kenya indépendant, Jomo Kenyatta, et Raila Odinga, dont le père Jaramogi Oginga Odinga avait brièvement été vice-président du pays, avant d’être écarté du pouvoir par Jomo.

Les deux hommes s’étaient dits confiants en leur victoire, après avoir voté mardi. « Si je perds, j’accepterai la volonté du peuple », avait toutefois tenu à ajouter M. Kenyatta, invitant son adversaire à en faire autant.

Le vote au Kenya se joue plus sur des sentiments d’appartenance ethnique que sur des programmes, et MM. Kenyatta (un Kikuyu) et Odinga (un Luo) avaient mis sur pied deux puissantes alliances électorales.

M. Kenyatta, 55 ans, et son vice-président William Ruto (un Kalenjin) avaient mis en avant leur bilan économique: depuis 2013, le pays a aligné des taux de croissance à plus de 5% et développé ses infrastructures, dont la nouvelle ligne ferroviaire entre Nairobi et le port de Mombasa, sur l’océan Indien.

Raila Odinga avait dénigré ce bilan et s’était de nouveau posé comme le garant d’une croissance économique mieux partagée.

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