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Kenya : décès de l’otage française

Le Quai d’Orsay a annoncé ce mercredi que la Française enlevée au Kenya dans la nuit du 1er octobre, et depuis détenue en Somalie, était décédée. On ne connait pas encore la date ni les circonstances de sa mort.

Marie Dedieu, sexagénaire française, enlevée au Kenya dans la nuit du 1er octobre, est décédée, selon le ministère des Affaires étrangères française. On ne connait pas encore la date ni les circonstances de son décès. Le point sur l’affaire.

L’annonce du décès

Près de trois semaines après l’annonce de son enlèvement sur l’île de Manda, le ministère des Affaires étrangères a annoncé ce mercredi que Marie Dedieu était décédée.

« Les contacts à travers lesquels le gouvernement français cherchait à obtenir la libération de Marie Dedieu, retenue en Somalie depuis le 1er octobre, nous ont annoncé son décès sans que nous puissions en préciser la date, ni les circonstances », a déclaré dans un communiqué le porte-parole du ministère, Bernard Valero. Il a également demandé la restitution du corps.

Qui était-elle?

Agée de 66 ans, Marie Dedieu était arrivée il y a une quinzaine d’années dans l’archipel de l’océan Indien, vivant d’abord sur la principale île de Lamu, avant de faire construire une maison il y a sept ans sur celle de Manda, qui lui fait face.

A cause d’un accident, cette Française, grande figure de la lutte féministe, était devenue tétraplégique et devait se déplacer en fauteuil roulant. Mais c’était surtout son état de santé – elle serait atteinte d’un cancer qui inquiètait son entourage. « Elle doit prendre des médicaments toutes les quatre heures. Je suis sûr qu’elle souffre beaucoup » sans son traitement, avait expliqué Abdul Alim, un de ses proches amis, au moment de son enlèvement.

Le compagnon de Marie Dedieu s’appelle John Lepapa, un Kényan de 39 ans d’origine massaï. Il l’assistait et la suivait à chacun de ses retours en France. Elle retournait au pays pour rendre visite à son père, âgé, qui vit Lorraine.

Comment s’est déroulé l’enlèvement?

C’est dans la nuit du 1er octobre que l’enlèvement a eu lieu. Vers 3 heures du matin, un groupe d’hommes armés se rend au domicile de Marie Dedieu. Selon le compagnon de la victime, présent lors de l’agression, les ravisseurs étaient six à terre et quatre dans le bateau. Une employée de Marie Dedieu qui se trouvait dans un bâtiment adjacent, a expliqué être tombée nez-à-nez avec un homme armé alors qu’elle allait aux toilettes. « J’ai commencé à crier et cinq autres sont entrés », a-t-elle ajouté, précisant avoir été emmenée dans la maison de sa patronne.

Selon les premiers éléments de l’enquête, les ravisseurs étaient en contact avec un des employés de Marie Dedieu. « L’homme, qui se trouve en détention, travaillait au domicile de la femme (enlevée) et il nous aide dans l’enquête », a indiqué une source policière. « Il y a des éléments que nous voulons qu’il clarifie car il a un rôle crucial dans cette enquête ».

Des hôteliers ont mis en cause « la négligence » et « l’incompétence » du dispositif de sécurité autour de Lamu. Les forces de sécurité kényanes ont mis du temps avant de pouvoir trouver un bateau leur permettant de poursuivre les ravisseurs. Leur embarcation a ensuite chaviré lors d’une fusillade avec les malfaiteurs, et deux des huit soldats à bord sont portés disparus, selon des sources locales.

Ce que l’on sait de Lamu, Kenya


L’archipel de Lamu, qui compte trois îles, Lamu, Manda et Pate, à 100km de la Somalie, a subi l’influence des marchands arabo-persans qui fréquentaient le littoral est-africain. La ville de Lamu, fondée au XIVe siècle est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2001 pour son architecture swahili. La région est une destination touristique haut de gamme.

Lamu est située sur un archipel

« Manda est un petit paradis. Il y a une centaine d’habitants: des Swahilis, bien sûr, quelques Italiens, des Français qui possèdent une maison sur l’île et les touristes de passage. C’est une communauté minuscule, tout le monde se connaît », raconte le cinéaste Elie Chouraqui qui y a connu Marie Dedieu.

Elle avait fait construire la maison traditionnelle swahili sur l’île de Manda où elle a été enlevée. Après l’enlèvement le 10 septembre d’un couple de touristes britanniques, dans leur bungalow d’une résidence de luxe, puis celui de Marie Dedieu, le Quai d’Orsay a déconseillé « formellement de séjourner dans l’archipel de Lamu et dans sa région ».

Le tourisme est une des trois principales sources de devises du Kenya. Plus d’un million de touristes ont visité le pays l’an dernier, pour un chiffre d’affaires de 570 millions euros.

Qui l’a enlevée?

Le chef de l’administion de Lamu au Kenya estime assure que cet enlèvement « a dû être (perpétré par) les shebab », les insurgés islamistes somaliens. Ces derniers détiennent déjà un otage français, un agent des services de renseignement français enlevé le 14 juillet 2009 à Mogadiscio.

Les ravisseurs, qui parlaient semble-t-il somali, peuvent également être des bandits ou des pirates, susceptibles de monnayer ensuite leur otage auprès des shebab, nuance une source proche de l’enquête.

Où se trouvait-t-elle?

A l’annonce de l’agression, « les forces de sécurité sont entrées en action et ont poursuivi les ravisseurs qui se dirigeaient vers Ras Kamboni à bord d’un bateau rapide, » affirme un communiqué du gouvernement kényan. « Dans la fusillade qui a suivi entre les ravisseurs et la marine kényane, plusieurs ravisseurs ont été blessés mais ont réussi à entrer dans Ras Kamboni », en Somalie. Ce petit village côtier proche de la frontière avec le Kenya, est un ancien bastion des shebab, qui n’est plus aujourd’hui a priori sous le contrôle d’aucun groupe bien défini.

Comment se sont déroulées les recherches?

Le gouvernement kényan a envoyé des émissaires dans le village somalien où serait retenue la sexagénaire française enlevée près de Lamu, afin de négocier sa libération.

Les services secrets français ont également été dépêchés sur place pour la retrouver. Les agents de la DGSE vont tenter d’établir un contact avec les ravisseurs et vérifier que ceux-ci détiennent bien Marie Dedieu, en obtenant ce qu’ils appellent dans leur jargon des « preuves de vie » (vidéo, enregistrement audio, photo, effets personnels). Ils entreprendront eux-mêmes de négocier ensuite, a-t-on ajouté.

Y a-t-il eu des précédents?

Le mois dernier, un couple de quinquagénaires britanniques avait été attaqué en pleine nuit dans leur bungalow du Kiwayu safari village, un hôtel de luxe situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de l’île de Lamu. Le mari avait été tué lors de l’agression. Sa femme aurait depuis été emmenée en Somalie par des pirates. « On pouvait penser qu’il ne s’agissait que d’un « coup de main » isolé », estime Elie Chouraqui; mais l’enlèvement de la Française sonne désormais « la fin d’une certaine insouciance » dans cette zone d’ordinaire « paradisiaque ».

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