A l'origine du Kazakhgate : la vente d'hélicoptères français au Kazakhstan. © Reuters

Kazakhgate : où sont passés les 5 millions ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Nouvelles révélations dans le dossier Sarkozy-Chodiev-De Decker : les enquêteurs français suspectent des commissions occultes. L’argent du milliardaire belgo-kazakh a transité via des sociétés de plusieurs paradis fiscaux, dans lesquelles on retrouve un intermédiaire belge. Et cinq millions d’euros ont été mystérieusement retirés par l’avocate de Chodiev.

Le Kazakhgate met en scène le président Sarkozy qui, pour pouvoir vendre des hélicoptères français au Kazakhstan en 2011, aurait manigancé un incroyable complot visant à accélérer, la même année, l’adoption par le Parlement belge de la transaction pénale élargie. But de la manoeuvre : permettre au milliardaire belgo-kazakh Patokh Chodiev, qui était intervenu à l’Elysée dans d’autres marchés importants avec le pouvoir d’Astana, d’échapper juste à temps à un procès public devant le tribunal correctionnel de Bruxelles pour y répondre de corruption dans le scandale Tractebel (fin des années 1990).

Selon une note révélée par Le Canard Enchaîné, l’Elysée aurait mis en place une cellule très discrète, début 2010. A sa tête, Jean-François Etienne des Rosaies, un obscur chargé de mission du cabinet Sarkozy, et Catherine Degoul, une énergique avocate niçoise, accoutumée à fréquenter l’Elysée. Défendant Chodiev à partir de ce moment-là, cette dernière a réuni une équipe d’avocats à Bruxelles, parmi lesquels Armand De Decker, alors vice-président du Sénat, qui venait de retrouver sa toge noire à bavette blanche.

Le libéral belge affirme avoir exercé son métier de conseiller et nie avoir influencé le travail parlementaire. Quoiqu’il en soit, au final, la transaction pénale élargie aux délits financiers a été adoptée en avril 2011, après bien des pressions en commissions de la Chambre et du Sénat. Le 17 juin, Chodiev signait un accord avec le parquet général de Bruxelles, en s’acquittant de 23 millions d’euros contre l’extinction des poursuites pénales à son égard. Un mois plus tard, la France passait les contrats « hélicoptères » avec le gouvernement kazakh.

En octobre dernier, les journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ont révélé que Catherine Degoul et Etienne des Rosaies avaient été mis en examen. Ils expliquent que les limiers de l’Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) ont découvert d’importants mouvements de fonds douteux : en 2011, l’avocate a reçu plusieurs versements de Chodiev, soit au total 7,5 millions d’euros. Une partie a servi à rétribuer officiellement les avocats belges. Etienne des Rosaies, lui, a reçu, en tout, un million d’euros : 306 000 euros ont été virés sur son compte, le 5 octobre 2011. Selon nos informations qui confirment celles du Monde, il aurait reçu le reste via des paradis fiscaux. Catherine Degoul aurait, par ailleurs, retiré cinq millions d’euros en espèces.

A quoi ont-ils servi ? A corrompre quels agents publics étrangers (selon les termes de la mise en examen de Me Degoul) ? Ce qu’on sait, c’est que, pour rétribuer discrètement des Rosaies de la plus grosse part de ce qui lui était réservé, l’avocate aurait utilisé des structures enregistrées à l’île de Man et dans les îles Vierges britanniques, dans certaines desquelles on retrouve le nom d’un intermédiaire belge : Guy Vanden Berghe, 71 ans, ingénieur à la retraite. Il a, lui aussi, été mis en examen à Paris, en septembre.

Par Thierry Denoël, avec Yann Philippin de Libération

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine : ce que nous avons découvert sur Guy Vanden Berghe et sur la montage des structures de Catherine Degoul sur l’île de Man.

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