Radovan Karadzic © EPA

Karadzic, un psychiatre devenu maître de la purification ethnique

Le Vif

Psychiatre de formation, Radovan Karadzic a incarné tout au long de sa vie des rôles divers, poète, président, puis guérisseur, mais il restera dans les annales de l’histoire comme l’un des artisans des pires crimes de guerre commis en Europe depuis la Seconde guerre mondiale.

Arrêté en juillet 2008 à Belgrade après 13 ans de cavale, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie pendant la guerre intercommunautaire (1992-95) doit répondre de génocide devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).

Au moment de son arrestation, il est méconnaissable: barbe blanche fournie et cheveux longs, il se fait appeler Dragan Dabic et se présente comme un spécialiste en médecine alternative.

Monstre mégalomaniaque pour les Croates et les Musulmans de Bosnie, qui le rendent responsable de la mort des dizaines de milliers de personnes, Karadzic, aujourd’hui âgé de 70 ans, est en revanche pour les Serbes un « héros » de la guerre de Bosnie.

Dimanche, plusieurs centaines de personnes ont ainsi assisté à l’inauguration d’une cité universitaire à Pale, près de Sarajevo, portant le nom de Karazic. « Nous avons dédié cette cité à l’homme qui a indubitablement posé les fondements de la Republika Srpska, Radovan Karadzic, le premier président de la République », a déclaré le président de l’entité des Serbes de Bosnie (RS), Milorad Dodik, critiquant une nouvve fois le travail du TPIY.

Découverte d'un charnier dans la région de Srebrenica, par le pathologiste américain, John Gerns en 1996.
Découverte d’un charnier dans la région de Srebrenica, par le pathologiste américain, John Gerns en 1996.
© Belga

Richard Holbrooke, architecte des accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre en Bosnie, le décrivait comme « un des pires » hommes du monde. « Il croyait vraiment aux théories racistes (…) Il aurait fait un bon nazi », avait déclaré l’ancien diplomate américain après l’arrestation de Karadzic.

Pour le général britannique Michael Rose, commandant des forces de l’ONU en Bosnie en 1994, Karadzic était « un menteur accompli, intrinsèquement paranoïaque, un buveur invétéré qui s’était adonné à l’alcoolisme ».

‘Mille visages ‘

Né le 19 juin 1945 à Petnjica, un village pauvre du Monténégro, Karadzic avait cinq ans lorsqu’il rencontre pour la première fois son père, emprisonné par le pouvoir communiste yougoslave pour avoir participé au mouvement royaliste serbe des Tchetniks pendant la Seconde guerre mondiale.

A 15 ans, il arrive à Sarajevo où il entame des études de médecine en 1964, puis se spécialise dans la psychiatrie. Poète à ses heures, il écrit des pièces de théâtre et joue de la musique folklorique serbe.

Son mentor, le psychiatre Ismet Ceric, le décrit comme un homme possédant « mille visages différents » et souffrant vraisemblablement d’un trouble de la personnalité.

Au début des années 1990, Karadzic fonde son Parti démocratique serbe de Bosnie, aujourd’hui encore une des principales formations du pays.

Son projet de partition de la Bosnie s’accélère avec l’organisation, en mars 1992, d’un référendum sur l’indépendance de la Bosnie, que les Serbes boycottent. Ce scrutin lui fournira l’excuse pour lancer ses opérations militaires.

Ses troupes se livrent alors à une campagne de nettoyage ethnique effrénée, qu’il orchestre et au cours de laquelle plus d’un million de non-Serbes sont expulsés de leurs maisons. Le conflit fait au total près de 100.000 morts et plus 20.000 femmes ont été violées.

Fin 1995, Karadzic est écarté des négociations de paix à Dayton par son ancien allié, l’homme fort de Belgrade Slobodan Milosevic. En juillet 1996, la communauté internationale l’oblige à limiter ses apparitions publiques.

Karadzic, un psychiatre devenu maître de la purification ethnique
© Reuters

Karadzic choisit alors la clandestinité. Selon certaines informations, il se cachait, dans un premier temps, dans des monastères orthodoxes de la région.

Mais personne ne s’attendait à ce qu’un des fugitifs les plus recherchés de la planète vive au coeur de la capitale serbe déguisé en guérisseur.

Karadzic est inculpé notamment pour son rôle dans le siège de Sarajevo qui a duré 44 mois et pendant lequel quelque 10.000 civils ont été tués et pour le massacre de près de 8.000 musulmans à Srebrenica (est) en juillet 1995.

Impénitent, il déclarait aux juges du TPIY fin 2012: « J’ai fait tout ce qui était humainement possible pour éviter la guerre et réduire la souffrance humaine ».

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