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Joue-la comme Victoria Beckham…

Le Vif

On voit les femmes de footballeur arpenter les boutiques de luxe, portant, sur leurs plastiques parfaites, l’équivalent du salaire annuel d’un ouvrier. On les croit oisives. Erreur : épauler un champion, c’est un travail de pro. A plein-temps.

Quand un entraîneur rencontre une femme de footballeur, que se racontent-ils ? Des histoires d’intendance, à en croire la scène rapportée par la star du PSG, dans son livre Moi, Zlatan Ibrahimovic (JC Lattès). Alors que la star joue à l’Inter de Milan, José Mourinho croise donc sa compagne, et lui lance : « Helena, tu n’as qu’une mission : nourris Zlatan, fais-le dormir, et rends-le heureux. » Pas sûr que ce conseil ait beaucoup amusé cette Suédoise de caractère, qui, à 25 ans, s’offrait déjà sans l’aide de quiconque un manoir. Normal pour une femme qui a été, dans une vie antérieure, directrice marketing pour diverses sociétés, et qui était fière de son indépendance financière lorsqu’elle a connu Zlatan – huitième joueur le mieux payé du monde, d’après le classement 2013 de France Football, avec 17,5 millions d’euros annuels.

On les imagine volontiers oisives, manucurées au petit poil, le cheveu brillant et la bouche gloussante, plus probablement shampouineuses que directrices de recherche au CNRS, forcément « bien goalées » et plutôt peu farouches. Ces clichés, la chaîne de télévision britannique ITV 1 les a exploités durant cinq saisons avec la série Footballers’ Wives, consacrée à l’existence pas si glamour des compagnes de stars de première division anglaise. Le slogan du programme ? « Elles sont jeunes, elles sont riches, elles sont sexy, elles ont tout ce qui va avec l’argent et la célébrité. Et pourtant… »

Savoir – et vouloir – faire preuve de dévotion Et pourtant… Vivre au côté d’un athlète n’est pas une sinécure. Car si la plupart ne travaillent pas, c’est qu’elles occupent déjà un emploi à plein temps – bichonneuse de champion. « On envie leur statut parce qu’à 22 ans elles conduisent de chouettes cabriolets, portent des Louboutin et arborent des sacs à 5 000 euros, remarque Pierre Ménès, figure du Canal Football Club, sur Canal +. Je ne les plains pas, mais elles doivent aussi faire preuve de dévotion. » Selon lui, « le coeur de la machine, c’est le corps et le mental de leur conjoint. Elles doivent donc surveiller ce qu’il mange, s’il se repose suffisamment (même quand le couple a un bébé), et éviter que son esprit ne soit pollué par les menus détails de la vie quotidienne. » Ce que l’on appelle l' »entraînement invisible ». Un vrai boulot qui exige souvent de se mettre soi-même entre parenthèses. Sans compter les inquiets qui, une fois rentrés le soir, refont le match, ballon après ballon, et qu’il faut rassurer durant des heures…

En manque de repères affectifs, ils se casent jeunes

La plupart des stars du ballon rond ont commencé à travailler très tôt. A 13 ans, ils sont entrés en centre de formation, parfois loin de chez eux, et se sont jetés dans une compétition violente avec ce que cela implique de pression, d’effort, de travail. Ils n’ont pas eu d’adolescence. Pas d’occasion de draguer. Pas le temps de glander. Une ambiance de caserne. Résultat, beaucoup d’entre eux, en manque de repères affectifs, voire de figure maternelle, se casent rapidement. Leur première copine, une amie d’enfance parfois, peut alors devenir leur pilier, la figure omnipotente d’un foyer dans lequel les enfants arrivent vite aussi. Cette précocité matrimoniale est encouragée par les entraîneurs, qui y voient un gage de réussite. « L’entourage est primordial », reconnaît Patrick Rampillon, directeur du centre de formation du Stade rennais Football Club, le premier de France depuis 2005. Si important, même, qu’un entraîneur star comme Alex Ferguson, manager de Manchester United, en Grande-Bretagne, mène des enquêtes sur les nouveaux poulains qu’il compte s’offrir. Il veut tout savoir : comment le joueur dort, s’il est poli, s’il aime sortir… Et qui est sa copine.

Non contente de surveiller l’alimentation, le sommeil, le bien-être de son précieux mari, la femme d’un joueur assure aussi l’intendance, façon super-assistante. Stéphane Burchkalter, responsable du service juridique de l’Union nationale des footballeurs professionnels, qui gère les litiges auxquels peuvent être confrontés les sportifs (primes non versées, complications immobilières, contrats défaillants), les connaît bien, ces épouses. « C’est avec elles que nous réglons les problèmes, jamais avec eux. La plupart sont très carrées et fortes mentalement, d’autant que, entre les entraînements, les mises au vert, les soins, les stages, les déplacements, elles restent souvent seules. » Et quand leur compagnon rentre, il veut se reposer et trouver une famille heureuse. Douce image d’Epinal.

L’entraîneur convoquait les épouses en début de saison Super-nounous et geishas à la fois, ces perles doivent faire tourner la maison en gardant le sourire. Après tout, elles mènent aussi une vie de luxe. « Les joueurs ont deux grosses sources de dépenses : les nanas et les concessionnaires automobiles, confie un observateur. Quand ils ont un peu dérapé, ils se font pardonner en achetant une nouvelle voiture à leur copine ! » Et les dérapages, ça ne manque pas ! Guy Roux, ancien entraîneur de l’AJ Auxerre, convoquait, lui, les épouses de ses joueurs à chaque début de saison. Au programme, conseils en diététique (« Quand on rentre à la maison à 2 heures après un match, c’est bien agréable de trouver une petite tarte dans le frigo ! »), en gestion du ménage (« Les carrières sont brèves, il faut penser au lendemain »). Et une forte incitation à ne jamais quitter le terrain. Carton rouge à celles qui envisageraient de prendre, par exemple, des vacances hors de celles prévues par le club : « La nature a horreur du vide, et parfois, si l’on s’absente, on est remplacée. Et là, c’est le drame… » Selon lui, si Mme Ribéry n’avait pas laissé son mari seul un jour d’anniversaire, il n’y aurait pas eu d’affaire Zahia…

Les sollicitations, il est vrai, sont énormes, et les sorties de route quasi obligées, depuis que les footeux, hier un peu ringards, sont devenus des stars. En France, le virage date de 1998, avec la victoire de la Coupe du monde. « En soirée, les filles se jetaient sur eux, raconte un cameraman. Ils repartaient les poches pleines de numéros de téléphone. » A l’époque, les journalistes sportifs sortaient facilement en boîte avec les joueurs. Les petites histoires de troisième mi-temps se déroulaient sous leurs yeux mi-envieux, mi-goguenards. Et les secrets restaient bien gardés – solidarité masculine oblige. Depuis, l’omerta est rompue. Dans son livre Zidane, une vie secrète, Besma Lahouri révèle que l’idole aurait eu une aventure avec une chanteuse. La presse people a osé évoquer certaines liaisons. Puis, les histoires se sont succédé, de Zahia, donc, à l’attaquant de l’Olympique lyonnais Bafétimbi Gomis, accusé en juin dernier de viol en réunion (ce qu’il dément). Pour certaines, les footballeurs sont devenus des proies. « Les michetonneuses séduisent les joueurs en boîte et tentent de s’acheter une assurance-vie par une grossesse, ou en les faisant chanter », raconte un fin connaisseur du milieu. En Grande-Bretagne, le procédé est connu. En France, il reste encore assez nouveau. Pour Chérif Ghemmour, journaliste à So Foot, « puissance financière et puissance sexuelle vont de pair, comme pour les rock stars ou les politiques. Les plus sages passent un contrat moral avec leur douce moitié. Et certaines véritables histoires d’amour peuvent durer. » Malgré des rumeurs d’infidélité, David et Victoria Beckham affichent quinze ans de bonheur conjugal et quatre enfants. Vic est définitivement une grande pro.

LAURENCE DEBRIL

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