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Jean-Marc Ayrault, 5 choses à savoir sur le nouveau Premier ministre français

Jean-Marc Ayrault est devenu ce mardi le 19e Premier ministre de la Ve République , sur décision de François Hollande. LeVif.be dessine son portrait en cinq traits de caractère.

Le terrain, plutôt que les bancs des grandes écoles

Ni Ena, ni HEC, pas même un petit passage par Sciences-Po. Jean-Marc Ayrault n’est pas un Premier ministre comme les autres. Prof d’allemand, il a passé la quasi-totalité de sa scolarité dans le public. Surtout, il accède à Matignon sans aucune expérience gouvernementale.

Son CV, il l’a forgé sur le terrain, en cumulant de nombreux mandats: conseiller général, maire d’une petite commune, puis de Nantes depuis 1989, député depuis 1988, président du groupe PS à l’Assemblée depuis 1997. Il a ainsi réussi à survivre à la tête du groupe PS, une pétaudière animée par les courants et sous-courants, pendant quinze ans. Cette longévité étonne, mais s’explique par un goût pour le terrain, une grande capacité d’écoute et une discrétion qui l’éloigne de toute polémique.

Une ligne politique de centre gauche

Certes, Jean-Marc Ayrault s’est toujours abstenu d’appeler, comme Vincent Peillon ou Ségolène Royal, à un rapprochement PS-MoDem. Certes, à Nantes, il n’a pas engagé le MoDem dans sa majorité. Mais il a toujours veillé à bien traiter les centristes. Ainsi, il a accordé le statut de groupe autonome aux trois élus municipaux MoDem, depuis bienveillants à son égard. Jean-Marc Ayrault n’incarne aucun courant clairement déterminé au sein du PS, mais son profil réformiste est à rapprocher de celui de François Hollande. Pas franchement un gauchiste. Tout le contraire du Ayrault jeune, qui analysait la société par le prisme marxiste, qui était entré au PS par le CERES de Jean-Pierre Chevènement et qui s’était placé dans les pas de Jean Poperen, leader le plus à gauche du parti socialiste. Il a même décidé de prénommer sa première fille Ysabelle, comme celle de l’ancien dirigeant chilien Salvador Allende.

Une ancienne mais prudente proximité avec Hollande

La carrière nationale de Jean-Marc Ayrault décolle réellement en 1997, année de l’arrivée au pouvoir de Lionel Jospin. Au même moment, ou presque, François Hollande débarque à la tête du PS. Les deux travaillent régulièrement ensemble et se retrouvent pour les petits-déjeuners de la majorité à Matignon. Ils partagent la même sensibilité politique et sont tous les deux des élus locaux, qui labourent leur circonscription. Le courant passe entre eux. Pourtant, Ayrault garde ses distances, refusant de se lier à une chapelle. Tôt dans la primaire PS, dès juin 2010, il participera néanmoins aux réunions des hollandais, au milieu des plus fidèles, tels Kader Arif, Stéphane Le Foll ou Faouzi Lamdaoui.

Un oeil sur tout le monde

En 2002, un ancien allié de Jean-Marc Ayrault devenu opposant disait de lui : « Sa force, c’est de n’être d’aucune coterie, ce qui ne le rend redevable envers personne. » Plutôt que de nouer des alliances tous les quatre matins, le député-maire de Nantes préfère garder un oeil sur chacun.

Aux municipales de 2001, il avait ainsi intégré à sa liste une ancienne encartée UDF, dont le mari avait lui-même été candidat aux cantonales face à Brigitte Ayrault, sa femme.
Avec le milieu associatif, il procède de la même façon. Il les lie à lui par un accord « gagnant-gagnant »: des subventions en échange d’un travail collectif, qui interdit la critique publique.

Un timide qui sait trancher

« La timidité, j’en souffre. Je suis réservé par nature. Assez pudique comme les Nantais », confiait Jean-Marc Ayrault. Il n’y a qu’à le voir se triturer les doigts quand vous lui parlez, pour s’en convaincre.

Cette timidité pourrait passer pour un manque de charisme, voire une difficulté à prendre les décisions. Pourtant, Ayrault maire comme Ayrault président du groupe PS à l’Assemblée sait trancher. « Il consulte beaucoup, mais au final, il distribue seul les questions d’actualité à chacun », notait ainsi un député socialiste il y a quelques mois. Avantage de cette nature discrète, quand il élève la voix en public, on lui tend plus volontiers une oreille. Les dernières semaines de législature ont ainsi été marquées par quelques gueulantes dans l’hémicycle. La plus mémorable, celle poussée lorsque Bernard Accoyer a refusé un changement de questions d’actualité demandé au dernier moment par Ayrault. Ce dernier voulait que le député Bernard Cazeneuve puisse interroger le gouvernement sur l’affaire Karachi. L’incident avait provoqué une suspension de séance. Il n’a par ailleurs pas hésité à se fâcher avec ses alliés écologistes en soutenant avec force le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dans la région nantaise. Une position qui pourrait compliquer les relations avec les éventuels ministres écolos.

Par Matthieu Deprieck

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