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Janet Yellen, une « colombe » à tête de la Fed

Le Vif

Première femme à occuper la présidence de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen est une économiste progressiste, fine analyste sur la question du chômage et de la croissance. Plus souple sur la question de l’inflation, ses positions préoccupent les marchés financiers. Portrait.

Alors que le budget du Congrès paralyse une grande partie de l’administration centrale depuis le 1er octobre, la nomination mercredi 9 octobre, de Janet Yellen, intervient à une période de tension économique forte pour les Etats-Unis. La direction donnée à la Réserve fédérale américaine par Janet Yellen est très attendue alors que le plafond de la dette américaine doit être relevé avant le 17 octobre afin d’éviter un défaut de paiement.

Mme Yellen qui a soutenu la trajectoire monétaire ultra-accommodante de Ben Bernanke, dont elle vient de prendre la succession à la tête de la Fed, représente la continuité de cette politique. Bien que la Fed devrait diminuer dès que possible son soutien exceptionnel à la reprise, Mme Yellen serait au contraire susceptible de ne pas réduire trop brutalement le programme d’assouplissement quantitatif de la banque centrale américaine.
William Dudley, président de l’antenne régionale de la Fed de New-York déclarait fin septembre sur la chaîne de télévision CNBC: « Je pense que ce sera bien dans la ligne de la politique monétaire que nous avons eue par le passé ».

Même avis pour Robert Wood, économiste à la banque Berenberg: « Le choix de Janet Yellen va entraîner peu de changement (…). Elle soutiendra peut-être davantage l’emploi et l’économie réelle que Bernanke, mais les différences de politique ne sont pas grandes ».

Une politique économique plus souple

Janet Yellen, démocrate et proche de l’élite économique progressiste, est considérée comme une « colombe ». Plus souple à l’égard de la stratégie de soutien à la croissance qu’a mise en place la Fed, elle privilégie les politiques de soutien de la croissance et de l’emploi sur la lutte contre l’inflation.
Ses positions préoccupent les marchés financiers sur ce sujet, Janet Yellen pouvant faire traîner la réduction du rachat d’obligations. La politique de la Fed consiste, outre le maintien du taux directeur proche de zéro, à injecter dans le circuit financier 85 milliards de dollars par mois.

Soutien indéfectible de la politique monétaire ultra-accommodante de Ben Bernanke, elle représente aujourd’hui la continuité de cette politique, plus préoccupée par le chômage que par l’inflation.
Selon Stan Shamu, stratège de la société de courtage IG, « la nomination de Mme Yellen était certes très attendue, mais elle va néanmoins détourner au moins de manière temporaire l’attention du shutdown », la crise budgétaire américaine.

Son principal adversaire à la présidence de la Fed, Larry Summers était au contraire considéré comme un « faucon », bien plus préoccupé par l’inflation et partisan du rachat du débit d’obligations.
Dans les années 1990 Janet Yellen défendait déjà une approche modérée du resserrement budgétaire, optant pour une inflation de 2% et non de 0%.

Une fine analyste économique

En 2005, alors présidente de la Réserve de la Banque Centrale de San Francisco depuis un an, elle tire la sonnette d’alarme sur le risque de bulle spéculative sur l’immobilier.
Dès la fin 2007, elle est l’une des premières économistes à diagnostiquer une future récession. Elle soutient que « les possibilités d’un étranglement du crédit et que l’économie glisse dans la récession sont des plus réelles ».

Une éducation marquée par la peur du chômage

Janet Yellen, 67 ans, petite femme à la chevelure argentée, décrite comme calme mais déterminée, a su s’imposer à la tête de la réserve fédérale américaine. Un père médecin, une mère institutrice, Janet Yellen a grandi à New-York, dans le quartier de Brooklyn. Ses parents, frappés par la Grande dépression des années 1930, transmettront à leur fille cette peur du chômage de masse.

Major d’économie à l’université De Brown (Rhode-Island) en 1967, elle entreprend quatre ans plus tard un doctorat à Yale (Connecticut). Elle y prend pour mentor, James Tobin, Prix Nobel d’économie, connu pour son idée de taxe sur les transactions internationales. Selon Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, cette femme calme et déterminée a été l’une de ses meilleures élèves en 47 ans d’enseignement.

Le chômage sera très jeune son cheval de bataille. Elle se spécialise sur cette question en étudiant les mécanismes, les causes, ou ses conséquences.

Une carrière exemplaire

Elle entre à la Fed, par la petite porte, en 1977 à sa sortie de Yale, au sein du groupe de chercheurs économistes qui fournissent les analyses et statistiques au directoire de la Banque centrale. Mme Yellen y rencontre son futur mari, George Akerlof. Prix Nobel d’économie en 2001 avec Michael Spence et Joseph Stiglitz, pour ses analyses du marché en situation d’asymétrie d’information, c’est un représentant de la pensée économique du nouveau keynésianisme. Sa critique de la rationalité des marchés lui vaudra d’être mondialement connu.

Janet Yellen, poursuit sa carrière d’économiste comme enseignante à Harvard (Massachusetts) puis à la London School of Economics (Grande-Bretagne) avant de devenir à partir de 1980 membre de la faculté de Berkeley (Californie). Après ses travaux avec son mari sur la rigidité des salaires et des prix, elle travaille sur les conséquences économiques de réunification allemande.

Ce parcours brillant lui permet d’entrer au Conseil des gouverneurs de la Fed en 1994 par l’action du président de l’époque, Bill Clinton. En 1997, il lui demande de prendre la tête du « Council of Economic Advisers », groupe d’économistes chargés de conseiller le président des États-Unis en matière de politique économique, où elle succède au Prix Nobel de l’économie Joseph Stiglitz.

En 2004, de retour à la Fed, elle y devient présidente de l’antenne régionale de San Francisco (Californie). Son ascension se poursuit en 2009, avec sa nomination au poste de vice-présidente du directoire de la Fed avant son accession au poste de présidente ce 9 octobre.

Janet Yellen est avant tout une femme simple et accessible, décrite comme calme mais déterminée Nombreuses sont les personnes qui l’ont approché et qui ont été frappées par sa joie de vivre. On la décrit à la Banque centrale américaine comme méticuleuse, analytique, ferme mais empreint de douceur à la fois. Il n’est ainsi pas rare de la voir déjeuner avec le personnel de la Fed à la cafétéria.

Sa nomination doit toutefois encore être confirmée par le Sénat, ce qui ne devrait pas poser de problèmes.

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