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IVG tardives aux Etats-Unis: le Dr Carhart résiste

Le Vif

Quatre ans après l’assassinat du Dr Tiller, abattu le 31 mai 2009 d’une balle dans la tête par un militant anti-IVG, seuls 4 médecins pratiquent encore des avortements tardifs aux Etats-Unis – une opération très controversée.

L’un d’entre eux, le Dr LeRoy Carhart, qui opère au Maryland, décrit son quotidien lourd de menaces. « Pour faire ce que je fais, il faut des convictions profondes. Et ignorer le mal dont sont capables les autres. » La voix tremblante du Dr Carhart trahit son émotion. La douleur est pourtant vieille de vingt-et-un ans.

Le 6 septembre 1991, le médecin septuagénaire s’en souvient comme hier: « On a mis le feu à ma ferme, ma voiture, mon tracteur. J’avais des chevaux, 17 sont morts. » Un acte de vengeance et de protestation que le Dr Carhart ne parvient toujours pas à expliquer. « Entre ces gens-là et Al Qaïda, il n’y a aucune différence. Ce ne sont que des fanatiques. » Les membres les plus extrémistes du lobby « anti-IVG » ne reculent devant aucune méthode pour imposer leur point de vue.

Une clinique sur cinq fait l’objet de manifestations continuelles
Aux Etats-Unis, l’avortement est autorisé par la Cour suprême depuis 1973 mais l’opinion semble réservée: en 2009, selon un sondage Gallup, 1 Américain sur 2 était hostile à l’avortement. Résultat: chaque Etat demeure libre d’adapter la loi. Pour le médecin, il s’agit d’un facteur d’inégalités: « Le Dakota du Nord est l’Etat le plus restrictif. Depuis le mois de mars, l’avortement y est interdit au-delà de six semaines de grossesse. » Sur les 50 Etats américains, 9 autorisent l’avortement tardif, au-delà de 20 semaines de grossesse. En vingt ans, 487 lois ont été votées aux Etats-Unis pour réduire les possibilités de recours à l’IVG. Depuis, 1000 établissements qui permettaient l’avortement ont fermé et une clinique sur cinq fait l’objet de manifestations continuelles de la part des opposants à l’avortement.

« Les tentatives de mettre fin à l’IVG tardive augmentent chaque année, souligne le Dr Carhart. Il s’agit d’un problème de santé publique que l’on cherche à ignorer. » Il ajoute: « Si je pratique ces interventions, c’est seulement pour ces femmes, qui savent que leur enfant est très malade, qu’il aura une vie courte et douloureuse ». Aux Etats-Unis, les IVG tardives représentent chaque année 1% du total des avortements. Un faible taux que le médecin justifie par la difficulté d’accès aux centres médicaux: 86% des comtés ne sont pas dotés de centres d’IVG. Les listes d’attente sont telles que de nombreuses femmes ne parviennent pas à avorter dans les temps. C’est donc vers ces établissements d’IVG tardives qu’elles doivent se tourner.

Pour subir cette opération, certaines viennent d’Europe ou d’Amérique du Sud. « Elles représentent 4% de mes patientes, confie le Dr Carhart. S’il n’y avait pas le prix du transport à assumer, elles seraient sûrement plus nombreuses. » Chassé du Nebraska puis de l’Iowa, le médecin opère désormais au Maryland, où il fait encore l’objet de menaces. Des harcèlements quotidiens: « Il y a quelques jours, des gens sont venus chez moi à 2 heures du matin. » Et il ajoute: « Enfin, rien de vraiment particulier… » Cette routine, le Dr Carhart s’y est habitué. Quant à savoir à quel moment cet homme de 72 ans passera la main, il répond, comme s’il s’agissait d’une évidence: « Quand je trouverai quelqu’un pour prendre la relève ». En attendant, les candidats se font rares.

Erwan Morice

Un fait divers sordide ravive les tensions A l’heure où l’IVG tardive est de plus en plus contestée aux Etats-Unis, la récente affaire Kermit Gosnell ravive le débat. Le 15 mai, le Dr Gosnell a été condamné à la prison à perpétuité pour le meurtre de trois nouveaux nés, dans sa clinique de l’Etat de Philadelphie, la « Women’s Medical Society ». La loi stipule qu’un nourrisson en vie après un avortement tardif doit être traité comme s’il était né naturellement. Or, le Dr Gosnell a tué trois de ces bébés en plongeant des ciseaux dans leur moelle épinière. Tandis que les militants anti-IVG soulignent la cruauté de cette pratique médicale, les partisans de l’IVG, eux, voient dans cette tragédie une conséquence du manque de moyens consacrés à l’avortement tardif.

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