Déception et épuisement moral, au sortir de leur RDV à la Prefecture, le 4/12/17: l'Argentin Ivan Jankowiec et son avocate, Me Sophie Mazas, entendent saisir la Cour de justice de l'Union européenne, si la justice française les déboute, demain jeudi, à Montpellier. © Rosanne Mathot

Ivan, ce « migrant » OVNI qui embarrasse le droit communautaire

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Il n’y a aucun précédent, dans l’Union européenne: le cas d’Ivan Jankowiec est un OVNI. Bloqué en France, interdit de circuler dans l’UE pendant six mois, pourtant pacsé à une Française, doté d’une promesse de contrat de travail et en passe d’obtenir sa carte de séjour espagnole, l’Argentin Ivan Jankowiec est le jouet de l’administration française. Après avoir écrit au président Macron, Ivan et son avocate comptent saisir la justice européenne, afin de faire jurisprudence.

Plus d’un mois après l’assassinat de son beau-frère Joaquim, dans une rue de Montpellier, Ivan Jankowiec est épuisé, abattu, sans forces. « Ce jeune homme est venu en France, pour assister à un enterrement. Pas pour y vivre! Il veut simplement rentrer chez lui, en Espagne!« , souligne, en rouge, son avocate, Me Sophie Mazas. Comme son client, elle a les traits tirés, la mine sombre et la colère -pudique- à fleur de peau. Mardi, Ivan a écrit au Président de la République française, Emmanuel Macron, espérant obtenir un dénouement sage, dans cette histoire qui commence à avoir des relents de ridicule. Le même jour, il était reçu à la préfecture de l’Herault: dossier bloqué.

Pourtant, Ivan n’a pas commis le moindre délit ou le moindre crime. Ni en France, ni en Espagne, ni en Argentine. « Quand je l’ai appelé, pour lui dire que Joaquim avait été assassiné, il a sauté dans l’avion. Evidemment qu’il n’a pas pris tous ses papiers avec lui! », raconte sa belle-mère, domiciliée en France, une sud-américaine dévastée par la mort de son fils Joaquim, et par la situation inouïe de son gendre.

Un sans-papiers. Point barre

Interpelé, début novembre, par la police française, dans le train qui le ramène en Espagne, Ivan (qui n’a pas sur lui sa promesse de contrat de travail espagnol et son PACS) se retrouve illégalement enfermé dans un centre de détention, à Marseille: c’est un sans-papiers. Un migrant. Point barre.

Ivan restera enfermé quatre jours, dans des conditions qu’il estime « épouvantables ». Pas d’eau chaude. Des WC à la turque. Une cellule partagée. Téléphone confisqué. Pas de coup de fil possible à un avocat. Finalement libéré, grâce au forcing de l’association pro-migrants « Forum réfugiés », le voilà, en France, sous le coup d’une OQTF (Obligation de quitter la France) et d’une IRTF (Interdiction de Retour sur le Territoire Français, pour les migrants illégaux). L’OQTF et l’IRTF: c’est de cela qu’il sera question, demain, jeudi, à 14h00, devant le Tribunal administratif (TA) de Montpellier. Le dossier est costaud. Rien ne semble faire barrage. Ivan a tous les papiers qu’il faut. Et pourtant, lorsque ce dernier demande à son conseil quelles sont ses chances d’un dénouement heureux, son avocate est embêtée: « Il y a cinq ans de cela, j’aurais dit qu’on avait 80 à 90% de gagner sur ces deux dossiers. Aujourd’hui, je ne suis plus sûre de rien. »

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