Luigi Di Maio © Reuters

Italie: un programme commun populiste anti-Europe

Le Vif

Les populistes en Italie ne prévoient plus de sortie unilatérale de la monnaie unique européenne, mais affichent leur refus de l’austérité prônée par Bruxelles, au risque d’isoler le pays.

Baisse drastique des impôts, revenu de citoyenneté à 780 euros, soutien aux familles… le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) et la Ligue (extrême droite) misent sur la relance de la demande pour accélérer la croissance, et faire ainsi baisser l’énorme dette publique de 2.300 milliards d’euros.

Un pari risqué, car ce surcroît de dépenses –même si ses défenseurs assurent qu’il sera en partie compensé par la lutte contre l’évasion fiscale et le gaspillage de fonds publics — pourrait au contraire faire dérailler le déficit public, qui a atteint 2,3% en 2017 et devait descendre à 1,7% en 2018 et 2019.

L’institut Oxford Economics évalue le coût des principales mesures — revenu de citoyenneté, réductions d’impôts et abaissement de l’âge de la retraite — à 100 milliards d’euros par an.

Mais les deux partenaires évoquent seulement « un recours approprié et limité au déficit budgétaire ».

Le chef de file du M5S, Luigi Di Maio, a expliqué à la presse que les deux alliés entendaient aussi réclamer à Bruxelles une partie des 20 milliards d’euros que l’Italie verse chaque année au budget européen.

Le programme annoncé vendredi matin « inclut une liste de mesures irresponsables et économiquement nocives mais pas de menace directe à l’appartenance de l’Italie à l’euro », estime Holger Schmieding, analyste chez Berenberg.

Même si, selon lui, une vraie crise n’est pas encore en vue pour le moment, « il faut se préparer à beaucoup de bruit, dont des heurts entre Rome et Bruxelles », note-t-il.

Nostalgie d’un âge d’or

Le vice-président de la Commission européenne, Jyrki Katainen, a mis en garde cette semaine le futur gouvernement italien contre toute velléité d’entorse au pacte européen de stabilité et de croissance.

Ses règles « s’appliquent à tous les Etats membres de l’UE », a prévenu M. Katainen, interrogé sur le risque de voir le budget italien déraper.

Même discours du côté du directeur du FMI pour l’Europe, Poul Thomsen, ou du commissaire européen Valdis Dombrovskis, qui affirmait il y a quelques jours: « L’Italie a le deuxième (ratio de) dette le plus élevé (en Europe), au-dessus de 130% du PIB. Donc il est très clair qu’en période de croissance économique, l’Italie doit mettre cette dette sur une trajectoire à la baisse ».

« Afin de consolider la croissance », la Ligue et le M5S jugent de leur côté « prioritaire de pousser la Commission européenne à dissocier les investissements publics productifs du déficit courant », remettant ainsi en cause le modèle de calcul actuel.

Plus généralement, les deux partis disent vouloir « revoir, avec les partenaires européens, le cadre de la gouvernance économique », y compris la monnaie unique, « basé sur la prédominence des marchés ».

Plus qu’un euroscepticisme, ils affichent leur nostalgie d’un âge d’or de l’Europe, sans vraiment le dater, quand « les Etats européens étaient mûs par une intention sincère de paix, de fraternité, de coopération et de solidarité ».

Ils ont ainsi mis de l’eau dans leur vin après les premières ébauches qui évoquaient noir sur blanc l’idée d’une sortie de la zone euro et l’effacement de quelque 250 milliards d’euros de dette publique italienne détenus par la Banque centrale européenne (BCE).

En revanche, ils demanderont à la BCE « d’étendre le statut en vigueur des principales banques centrales du monde pour parvenir à une union monétaire adaptée aux équilibres géopolitiques et économiques cohérents avec les objectifs de l’union économique ».

Ils entendent également réclamer « un renforcement du rôle et des pouvoirs du Parlement européen, unique institution européenne à avoir une légitimité directe ».

Ils souhaitent enfin l’institution d’une « citoyenneté de l’Union », qui soit l’expression de l’égalité entre les citoyens européens, et une lutte efficace contre le dumping à l’intérieur même de l’UE.

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