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Italie: « On aime se faire peur avec l’idée du retour de Berlusconi »

Berlusconi a déclenché une nouvelle crise politique en retirant le soutien de son parti au gouvernement Monti et en annonçant son retour en politique. Mais avec quelles chances de succès? Eléments d’analyse avec Paolo Modugno, enseignant à Sciences Po.

L’Italie se trouve une nouvelle fois confrontée à l’instabilité politique après deux coups de théâtre successifs: l’ancien chef du gouvernement Silvio Berlusconi a annoncé qu’il allait se présenter aux législatives prévues début 2013, tandis que Mario Monti a annoncé sa démission imminente, une fois la loi de Finances adoptée au Parlement. Eléments d’analyse avec Paolo Modugno, enseignant en civilisation italienne à Sciences Po.

Quelle est la portée de l’annonce du retour en politique de Silvio Berlusconi?

Berlusconi essaye de surfer sur la vague anti-Monti. La cote de popularité du « gouvernement technique » de Mario Monti a baissé récemment en raison de la cure de rigueur imposée aux Italiens (mais Monti reste la 3e personnalité politique la plus populaire en Italie après les deux dirigeants du Parti démocrate Matteo Renzi et Pierluigi Bersani …). On aime se faire peur avec l’idée d’un retour de Berlusconi, mais je pense qu’il n’a aucune chance de revenir au pouvoir. Les sondages récents donnent la gauche à 37,8% et le Pôle des Libertés (PDL) de Berlusconi à 18%. L’écart est trop important. Le Pôle est-il capable de survivre à Berlusconi? La vraie question pour la droite est de savoir si le PDL va éclater et, si oui, en combien de morceaux. Lors du vote de confiance par lequel le PDL a privé le gouvernement de Mario Monti de son soutien, au Parlement, le 6 décembre, certains députés de ce parti, dont Franco Frattini, l’ancien ministre des affaires étrangères, n’ont pas suivi la ligne du parti et ont voté la confiance.

Donc la victoire de la gauche est presque assurée?

Tout va dépendre de ce que va décider Mario Monti, s’il choisit ou pas de se présenter aux prochaines élections. Il pourrait décider de se présenter, pour défendre son bilan et essayer de continuer son action de redressement de l’économie italienne. En ce cas, il pourrait se poser en challenger de la gauche.

Quelle pourrait être la marge de manoeuvre de la gauche?

Pierluigi Bersani, vainqueur de la primaire de la gauche le 2 décembre, a conclu un accord de coalition avec le dirigeant de la gauche radicale et écologiste Nichi Vendola. Mais depuis ce scrutin, le candidat du Parti démocrate tente d’élargir son assise vers le centre, eu égard au bon résultat de son challenger de sensibilité plus centriste, Matteo Renzi. On évoque la possibilité d’une alliance avec des personnalités du gouvernement actuel, tels le catholique progressiste Andrea Riccardi, ministre de la coopération (et fondateur de la Communauté de Sant Egidio), ou Corrado Passera, ministre du développement économique, lui aussi catholique, un libéral qui est sensible aux questions sociales. Bersani parviendra peut-être à les attirer, mais que se passera-t-il si Monti décide de se lancer dans la course aux législatives?

Quels sont les obstacles à une candidature de Monti à sa propre succession ?

L’éventuelle candidature de Monti se heurte à plusieurs problèmes. D’abord un problème technique: en tant que sénateur à vie, il ne peut pas se présenter comme candidat aux législatives. Une autre difficulté pourrait venir de ses relations avec le président de la République, Giorgio Napolitano, une personnalité de poids en Italie. Il est le garant de la stabilité. C’est lui qui a ourdi la chute de Berlusconi et organisé l’arrivée de Monti à la tête du gouvernement, il y a un an. Il serait paradoxal que l’homme ainsi amené au pouvoir par Napolitano joue désormais contre le camp du président, la gauche [Napolitano est un ancien poids lourd du parti communiste, qui a donné naissance, après une lente évolution, au Parti démocrate de Pierluigi Bersani]. Si Monti choisit de ne pas se lancer dans la course, il pourrait en revanche succéder à Napolitano à la présidence, puisque ce dernier ne sera pas candidat à un second mandat, en mai prochain.
Propos recueillis par Catherine Gouëset, L’Express

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