© Belga

Italie : les studios de Cinecittà en danger

Les travailleurs des célèbres studios italiens protestent depuis des mois. Ils accusent la direction de mettre en danger les activités cinématographiques au profit du développement industriel de la zone. Pour eux, ça serait un morceau d’histoire qui s’écroule.

Les studios de Cinecittà, pierre angulaire de l’histoire du cinéma mondial, seraient à risque. Les privés, qui gèrent ces espaces, prévoient en fait d’utiliser une partie de cette zone pour le lancement d’un nouveau plan industriel. Plus précisément, il s’agit un projet de modernisation prévoyant l’éclatement des studios en plusieurs points non loin de la capitale, avec un nombre croissant de sous-traitants et la construction d’un hôtel destiné aux équipes de tournage. Les négociations concernant la liquidation et le début de travaux ont commencé en avril.

C’est à partir de ce moment qu’une forte protestation des travailleurs et des dépendants des studios a commencé. Ils craignent qu’à cause de cette restructuration la production cinématographique soit arrêtée pour faire place à des activités purement entrepreneuriales.
Luigi Abete, patron des studios, défend sa décision. Il trouve qu’elle est nécessaire afin de moderniser Cinecittà et de lui rendre à nouveau sa dimension internationale.

Toutefois, selon les représentants des quelque 220 salariés des studios, le plan pourrait entraîner la suppression de postes d’ingénieurs du son, de concepteurs de décors et de costumiers qui ont des décennies d’expérience. Certains ont travaillé avec Federico Fellini qui y tourna de nombreux films, de Casanova à La nave va… Ou avec Martin Scorsese qui y a planté le décor de Gangs of New York, dont certaines façades sont encore intactes. Les protestataires, qui vivent sous des tentes devant le bâtiment, menacent de rester sur place jusqu’à ce que la direction abandonne son plan. Pour eux, c’est un morceau d’Italie qui s’écroule.

Le monde de la culture et du cinéma se mobilisent

L’association des réalisateurs italiens a adressé une lettre ouverte au président de la République Giorgio Napolitano, signée par de grands metteurs en scène internationaux et louant « l’extraordinaire professionnalisme » des artisans de Cinecittà. Parmi les signataires, on trouve Ettore Scola, Giuseppe Tornatore, Bernardo Bertolucci, Ken Loach et Vanessa Redgrave.

« Cinecitta est le coeur de la culture cinématographique en Italie et à l’étranger, un atout inestimable pour le pays tout entier ». Ainsi commence l’appel qui vient d’être lancé. Les employés sont en train d’occuper les toits des établissements cinématographiques. Et l’initiative en ce moment est au coeur de la lutte dans la capitale.

Pour Roberto Cappannelli, un ingénieur du son de 47 ans, qui a rejoint Cinecittà après avoir décroché son diplôme à l’Institut Rossellini à Rome, « c’est comme une famille ici. J’ai grandi dans ces studios ». « On défend nos emplois, mais on défend aussi une partie du patrimoine italien. Nous devons le sauver, pour l’Italie et pour tous les amoureux du cinéma dans le monde », plaide-t-il.

La direction conteste

Des allégations qualifiées d' »absolument fausses » par le patron des studios Cinecittà, Luigi Abete, qui est aussi président de BNL, l’une des plus importantes banques italiennes. « Si nous voulons rester sur le marché et attirer des productions internationales, nous devons développer nos services, comme les autres studios », déclarait dans une récente interview M. Abete qui a acheté Cinecittà lors de sa privatisation dans les années 1990. Il défend sa décision de construire sur le site un hôtel et un centre de remise en forme. « Ou nous restons en phase avec le monde extérieur ou nous restons immobiles pendant que tout change dehors et nous risquons vraiment de fermer », argumente-t-il, jugeant la position des syndicats « absurde et rétrograde ».

Un peu d’histoire

Les studios de Cinecittà ont été construits en 1937 sur ordre du dictateur fasciste Benito Mussolini pour rivaliser avec les grands studios hollywoodiens d’alors. L’âge d’or de Cinecittà va commencer et cela durera jusqu’au milieu des années 60 : durant cette quinzaine d’années, environ 150 films seront tournés sur les lieux (tels Hélène de Troie en 1956, Ben-Hur en 1959 ou Cléopâtre en 1962). Les années 70 et l’avènement de la télévision ont d’une manière sonné le glas du cinéma de salle obscure. Cinecittà prend alors le virage de la production d’émissions télévisées et de séries ou téléfilms. Aujourd’hui, l’activité cinématographique y est toujours présente pour des films de qualité, mais les méthodes de travail artisanales de ses salariés sont jugées surannées par la direction, et de moins en moins de films y sont tournés.

A.M.V. avec L’Express.fr

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire