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Italie: les scénarios pour sortir du chaos

Le Vif

Le flou règne toujours en Italie, au surlendemain des élections législatives qui débouchent sur un blocage politique. La marge de manoeuvre de Pier Luigi Bersani, arrivé en tête à l’Assemblée, s’annonce mince.

« Nous n’avons pas gagné même si nous sommes arrivés premiers. » En prenant acte du blocage institutionnel auquel est confrontée l’Italie depuis les élections de lundi, Pier Luigi Bersani a ouvert mercredi la voie à des tractations pour tenter de former malgré tout un gouvernement.

Mais les possibilités qui s’offrent au leader du Parti démocratique sont minces. L’alliance avec Mario Monti élaborée pendant la campagne s’avère inutile: au Sénat, l’ex-Président du conseil n’a recueilli que 18 sièges à la tête de l’Union du centre. Ajoutés aux 113 du Parti démocrate, ils ne permettent pas d’obtenir la majorité absolue de 158 sièges, dont a besoin la gauche pour compléter sa victoire à la Chambre basse.

Pier Luigi Bersani doit alors se tourner vers le Mouvement 5 Étoiles (M5S) de Beppe Grillo, trublion de la campagne, dont le jeune parti est devenu lundi le premier du pays, en nombre de voix. Nul ne sait encore vraiment comment comptent légiférer ses députés néophytes, issus de la société civile. Seul espoir pour Bersani: que certains d’entre eux, notamment issus du milieu associatif proche de la gauche, s’affranchissent de la ligne protestataire du parti et se laissent convaincre d’appuyer le Parti démocrate sur quelques dossiers.

Une alliance au cas par cas pour quelques réformes clés

« L’idée de Bersani serait de leur demander de soutenir de l’extérieur un gouvernement dirigé par lui, pour mener quelques réformes clés: celle de la loi électorale, une loi anticorruption bloquée jusque-là par Silvio Berlusconi ou celle sur les conflits d’intérêts », explique Fabio Liberti, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Cet axe entre le centre gauche et les députés « Grillini » « aurait surtout l’avantage de mettre Berlusconi hors jeu avant de nouvelles élections, au cours desquelles Bersani pourrait rejouer la partie contre le Mouvement 5 Étoiles », poursuit le chercheur.

Pour les séduire, Bersani a déjà évoqué mercredi des thèmes chers aux partisans de Beppe Grillo: réforme des institutions, réduction du coût de la vie politique ou défense des classes populaires. Mais rien ne dit que le M5S ait intérêt à aider le centre gauche. « Ils ont fait faillite aussi bien à gauche qu’à droite. Ils peuvent durer sept ou huit mois, mais nous serons un véritable obstacle pour eux », a lancé Beppe Grillo sur son blog mardi, fidèle à son positionnement de campagne. « C’est lui le grand gagnant de ces élections, rappelle Fabio Liberti. Les membres de son parti n’ont intérêt à aider Bersani que pour mieux montrer que ce sont eux qui ont la main. »

Eviter le « governissimo » avec Berlusconi

Le second scénario, que le leader de centre gauche cherche pour l’instant à éviter à tout prix, c’est l’option d’une vaste majorité -governissimo- qui engloberait le Peuple de la Liberté (PDL) de Silvio Berlusconi. Contrairement à ce dernier, qui s’est dit tenté par l’option d’une coalition du centre gauche à la droite. « Berlusconi savait qu’il n’allait pas gagner ces élections. Il voulait ne pas perdre, ce qu’il a réussi », rappelle Fabio Liberti. Toujours est-il que pour l’instant, Bersani a dit « non », même si son refus variera peut-être, suivant l’issue de ses négociations avec le Mouvement 5 étoiles…
Comme le soutien au cas par cas des « Grillini », la grande coalition ne permettrait toutefois que de mener des réformes urgentes, dont celle de la fameuse loi électorale responsable de l’impasse, avant d’autres élections. Or un nouveau scrutin annoncerait d’autres casse-têtes. Bersani reprendra-t-il la tête de la coalition de gauche? Celle-ci s’alliera-t-elle avec les centristes de Monti pour former un plus large front pro-européen? Beppe Grillo peut-il encore améliorer son score? Autant de questions qui obscurcissent un peu plus l’horizon.

Par Alexia Eychenne

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