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Italie: comment le Mouvement 5 Etoiles, véritable ovni politique, est devenu la deuxième force du pays

Le Mouvement 5 Etoiles (M5S) avait été lancé en 2009 par l’humoriste italien Beppe Grillo pour en finir avec la classe politique traditionnelle. Il est aujourd’hui la deuxième force politique du pays et la première à Rome, où sa candidate a été élue maire dimanche.

Crinière blanche et harangues furieuses contre « le système », Beppe Grillo a commencé par organiser en 2007 des manifestations massives contre la classe politique, intitulées « Vaffanculo Day » (journée du « va te faire foutre »). Le M5S est né en 2009 de ce ras-le-bol général, quand le blog de Beppe Grillo s’est mué, sous l’impulsion du cofondateur Gianroberto Casaleggio – considéré jusqu’à sa mort en avril comme le ‘gourou’ du mouvement -, en un espace de démocratie participative directe, où les militants sont invités à se prononcer sur les orientations politiques et à choisir les candidats.

Le mouvement s’appuie d’abord sur le rejet des partis politiques classiques et sur l’honnêteté de ses membres. Sur le plan national, les mesures de son programme sont très variées: mise en place d’un revenu minimum, référendum pour sortir de la zone euro, mesures strictes contre la corruption, mesures de relance pour les petites et moyennes entreprises, limitation des mandats électoraux, réduction des salaires des hommes politiques et des financements aux partis et à la presse, Internet gratuit pour tous.

S’il s’appuie sur le rejet massif des partis traditionnels comme Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce, le M5S est loin d’être aussi à gauche. En 2014, Beppe Grillo a ainsi réclamé un « tour de vis » sur les visas humanitaires et en début d’année, le M5S a renoncé à la dernière minute à soutenir l’union civile pour les homosexuels -que les militants avaient pourtant validée à 80%- pour éviter, selon les observateurs, de s’aliéner les voix de la droite aux municipales et d’offrir une victoire politique au gouvernement.

Blague de mauvais goût

Le M5S a fait des débuts fracassants en remportant environ 25% des voix aux législatives de février 2013. Depuis, les multiples scrutins locaux partiels ont confirmé que le mouvement s’était implanté dans le paysage politique. Et depuis dimanche, il compte désormais la capitale italienne dans son escarcelle, après l’élection, avec plus de 60% des voix, selon des sondages de sortie des urnes, de sa candidate Virginia Raggi au poste de maire. A 37 ans, cette avocate devient la première femme à la tête de la ville éternelle. Dans les sondages nationaux, le M5S reste la deuxième force politique en Italie derrière le parti démocrate (PD, centre-gauche) du chef du gouvernement Matteo Renzi. Mais il semble plafonner et peine parfois à recruter. Il n’a présenté de candidats que dans 18% des 1.368 communes concernées par les municipales du 5 juin.

Les « Grillini », novices en politique, ont du mal à faire entendre leur voix au Parlement, d’autant que le mouvement refuse toute alliance et leur a aussi longtemps interdit de fréquenter les médias traditionnels, à commencer par les multiples émissions politiques à la télévision. Les élus locaux sont de plus liés par un code de bonne conduite qui les oblige à demander l’autorisation à un comité du mouvement à chaque décision importante. Et des enquêtes judiciaires contre les maires des deux principales villes déjà dirigées par le M5S, Parme et Livourne, sont venues ternir leur image de chevaliers blancs. Le bouillonnant comique s’est encore fait remarquer il y a un mois avec une blague de mauvais goût sur le nouveau maire musulman de Londres. Même s’il a officiellement pris un peu de distance avec la politique, il reste le garant et le juge suprême du mouvement, décrétant à sa guise les expulsions à travers son blog. Son dauphin pressenti, Luigi Di Maio, est en revanche un jeune Napolitain de 30 ans au physique de gendre idéal qui ne cache pas son ambition de prendre rapidement la place de Matteo Renzi.

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