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Italie: Beppe Grillo, le bouffon ne fait plus rire

Muriel Lefevre

A l’approche des résultats définitifs des législatives, le comique reconverti en candidat populiste attire et inquiète. Portrait

Les élections législatives se poursuivent ce lundi en Italie, où rien n’est moins sûr que l’émergence d’une majorité stable, face à la percée attendue d’un vote protestataire contre cette austérité qui a plongé la troisième économie de la zone euro dans la récession. Après une première journée de scrutin, dimanche, où près de la moitié des Italiens ont déposé leur bulletin dans l’urne, les bureaux de vote seront ouverts jusqu’à 14 heures.

Quatre grandes coalitions s’affrontent: celle des centristes dirigés par le chef du gouvernement sortant Mario Monti, une autre par son prédécesseur (centre-droit) Silvio Berlusconi, la troisième par le leader de la gauche Pier Luigi Bersani et enfin une dernière, menée au pas de charge par le trublion de la vie politique italienne, l’ex-comique Beppe Grillo.

Selon les derniers sondages disponibles, le Parti démocrate de Pier Luigi Bersani partait favori, avec près de 34% des intentions de vote – qui ne seront peut-être pas suffisants pour garantir par la suite la stabilité politique. Le leader de gauche pourrait en effet l’emporter à la Chambre des députés, mais sans disposer d’une majorité suffisante au Sénat, au poids politique identique et régi par des règles électorales différentes. L’hypothèse inquiète les marchés et les partenaires européens de l’Italie. Beppe Grillo, le seul à avoir fait une vraie campagne de terrain en sillonnant l’Italie à bord de son camping-car dans un épique « tsunami-tour », pourrait considérablement troubler le jeu.

Beppe Grillo, on le déteste … ou on l’adore

Les Italiens le détestent… ou ils l’adorent! Impossible de rester indifférent devant Beppe Grillo, ce clown hurlant que les médias continuent à appeler « il comico » (l’acteur comique). Ce Coluche particulièrement volcanique serait à la tête du troisième parti du pays.

A 64 ans, l’infatigable Grillo hurle chaque jour sa colère, partagée par des foules immenses rassemblées sur les places des villes italiennes: « C’est fantastique, tous ces parapluies! Le tsunami s’étend. Nous sommes une épidémie! » s’est-il écrié, il y a quelques jours, sur la piazza Maggiore de Bologne. C’est là que tout avait commencé, le 8 septembre 2007, avec un « Vaffanculo Day », lors duquel tous les politiques, de droite comme de gauche, étaient invités à aller « se faire f… ».

A ses débuts, le mouvement n’a guère été pris au sérieux: le comique populiste s’exprimait sur son site Internet, pour l’essentiel, et organisait, de temps à autre, un amusant bain de foule. Aujourd’hui, Grillo ne fait plus rire personne. En mai 2012, lors des municipales, ses « grillini » (petits grillons) ont remporté la victoire dans plusieurs villes, dont Parme. Puis, aux régionales d’octobre, le M5S est devenu le premier parti en Sicile. Et maintenant, à l’issue de ce « Tsunami Tour », comme Grillo appelle sa campagne, le Parlement italien pourrait se remplir de grillini. Grâce, surtout, au vote des 18-23 ans.

Quelques slogans et un vague manifeste

De nombreux jeunes reconnaissent qu’il est agressif et même vulgaire, mais ils applaudissent ses prises de position sur l’écologie, la transparence, la lutte anticorruption, le rejet de l’austérité et des délocalisations… La crise et une profusion de scandales politico-financiers sont passées par là. Le programme du mouvement, toutefois, se borne à quelques slogans et à un vague manifeste, « Vingt points pour sortir de l’obscurité », qui prévoit en particulier un généreux « revenu de citoyenneté » de 1 000 euros par mois, trois ans durant, pour chaque Italien qui en aurait besoin. Financé comment? Mystère! D’autant que l’abolition de l’agence chargée de percevoir les impôts est le dernier point de la liste. De ce texte, qui n’engage que ceux qui y croient, la plupart des grands journaux italiens n’ont même pas parlé…

Tout ce succès semble monter un peu à la tête de Grillo, derrière lequel se cacherait un certain Gianroberto Casaleggio, spécialiste de marketing sur le Web et cerveau véritable du mouvement. Sa récente invitation à Al-Qaeda de bombarder le Parlement n’est pas passée inaperçue… Il s’est empressé, ensuite, de démentir ses propos. Hélas pour lui, tout est sur le Web.

De notre correspondante Vanja Luksic avec Belga

Il a dit… « Israël est une dictature militaire prête à déchaîner la troisième guerre mondiale. » « Je veux un Etat avec des couilles. » « Eliminons les syndicats, qui sont des structures aussi vieilles que les partis. » « Nous, Italiens, nous sommes sous occupation américaine, coupable en partie de la crise économique européenne. » « Le Vatican est la plus grande multinationale du monde avec 2 millions d’employés au noir. »

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