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Israël-Palestine: les négociations de paix ont-elles une chance d’aboutir?

Alors que les discussions ont été relancées lundi soir entre Israéliens et Palestiniens à Washington, près de 20 ans après les accords d’Oslo, le point sur les principaux enjeux de ces négociations. Sans optimisme.

Au terme d’une gestation de neuf mois, les nouvelles négociations israélo-palestiniennes ont-elles une chance de donner naissance à un accord de paix? Israéliens et Palestiniens ont repris lundi soir à Washington leurs discussions directes, gelées depuis trois ans. Le secrétaire d’État américain John Kerry, qui est l’artisan de cette reprise, a exhorté les deux parties à trouver un « compromis raisonnable » pour faire la paix. Mais les obstacles sont si nombreux sur le chemin de la paix qu’il est difficile d’être optimiste, alors que chacun des deux partenaires semble surtout s’efforcer de ne pas apparaître comme celui qui aura fait échouer le dialogue.

Quelle échéance ? Après plus de six décennies de conflit et de multiples échecs de relance du processus de paix, le département d’État a prévenu que ces négociations pourraient durer « au moins neuf mois », tout en refusant de parler de « date-butoir ». Les Palestiniens s’inquiètent du fait que cette absence d’échéance ne soit qu’une nouvelle façon de faire traîner en longueur un « processus de paix » qui en 20 ans n’a pas avancé, s’est ensablé, au point de menacer la solution à deux Etats, comme s’en est inquiété l’Union européenne en février dernier.

Pourquoi les précédentes négociations ont-elles échoué? Les dernières négociations de paix directes israélo-palestiniennes avaient capoté en septembre 2010, au bout de trois semaines, en raison de la poursuite de la colonisation israélienne à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Depuis, le nombre de logements construits dans les colonies s’est multiplié, au point qu’en 2011, Israël a pris, selon B’Tselem, le contrôle de 50% du territoire de la Cisjordanie. « C’était une erreur de signer les accords d’Oslo (en 1993) avant un arrêt de la colonisation, s’est exclamé le député indépendant Moustapha Barghouthi, défavorable aux actuels pourparlers, le nombre de colons dans les territoires occupés étant passé depuis de 150.000 à 600.000 ».

Qui sont les acteurs de la négociation? Pour superviser les pourparlers, John Kerry a nommé comme émissaire spécial un ancien ambassadeur en Israël, Martin Indyk. Conseiller du président Bill Clinton pendant les négociations de Camp David en 2000, il a été membre du principal groupe de pression américain pro-israélien American Israel Public Affairs Commitee (Aipac).

Côté israélien, c’est la ministre de la Justice Tzipi Livni, qui est en charge des négociations. Elle espère pouvoir conclure un dossier qu’elle avait suivi il y a cinq ans, lorsqu’elle détenait le portefeuille des Affaires étrangères. Mais Tzipi Livni aura du mal à imposer ses vues à un cabinet très marqué droite depuis les dernières législatives, en janvier. Sa renommée internationale est supérieure à son poids politique dans son pays, son parti n’ayant obtenu que 6 députés sur 120.

Saëb Erakat, qui conduit l’équipe palestinienne à Washington a fait partie de presque toutes les équipes de négociateurs avec Israël depuis 1991. Sa position auprès des Palestiniens est fragilisée après de la divulgation en 2011 par la chaïne Al-Jazeera d’archives sur les pourparlers avec Israël de 1999 à 2010 montrant les négociateurs palestiniens, prêts à des concessions importantes sans contreparties apparentes d’Israël sur certains dossiers cruciaux, comme Jérusalem-Est et le sort des réfugiés.

Quels sont les principaux points litigieux? – Un Etat palestinien : les Palestiniens veulent proclamer un Etat souverain sur l’ensemble des territoires palestiniens occupés par Israël depuis juin 1967: Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza. Israël réclame la démilitarisation de cet Etat, une présence militaire à long terme sur une partie de son territoire, le contrôle de son espace aérien et de ses frontières extérieures.

Les Palestiniens exigent un retrait israélien de tous les territoires occupés depuis 1967, mais sont disposés à accepter des modifications frontalières mineures sur la base d’échanges de territoires équivalents avec Israël. Tel Aviv exclut en revanche catégoriquement un retour aux frontières d’avant 1967 mais est prêt à des retraits en Cisjordanie. Israël entend annexer les blocs d’implantations où vivent la grande majorité des 360.000 colons juifs, hors Jérusalem-Est.

– Le gel de la colonisation. Les Palestiniens exigent le gel de la colonisation, qui compromet la continuité territoriale du futur Etat. Israël a vaguement laissé planer la promesse d’une suspension partielle des constructions, mais le poids du lobby des colons au sein du gouvernement ne laisse guère de doute sur la marge de manoeuvre des négociateurs israéliens.

– Le statut de Jérusalem: Israël considère Jérusalem, y compris sa partie orientale, comme sa capitale « indivisible et éternelle » et se refuse à tout partage de la ville. Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est, dont l’annexion n’a jamais été reconnue par la communauté internationale et où vivent 280.000 Palestiniens et plus de 200.000 Israéliens, leur capitale.

– Le sort des réfugiés : plus de cinq millions de réfugiés palestiniens sont enregistrés officiellement, en grande majorité des descendants des quelque 760 000 Palestiniens ayant fui ou été chassés de leur terre à la création d’Israël en 1948. Les Palestiniens exigent qu’Israël reconnaisse au moins le « principe » d’un droit au retour des réfugiés, conformément à la résolution 194 de l’Assemblée générale de l’ONU. Israël refuse catégoriquement l’application de ce « droit au retour ». Benjamin Netanyahu veut que les Palestiniens reconnaissent Israël « comme l’Etat du peuple juif » afin, selon lui, de garantir que la question des réfugiés sera résolue dans le cadre du futur Etat palestinien.

– Le contrôle de l’eau : Israël se réserve une grande partie des nappes phréatiques dans le sous-sol de la Cisjordanie. Les Palestiniens réclament un partage équitable.

Pourquoi les négociations ont-elles repris maintenant? Après l’admission de la Palestine à l’ONU à l’automne dernier avec 138 votes « pour » et huit « contre », la récente initiative de l’Union européenne excluant les territoires occupés de sa coopération avec Israël, Tel Aviv ressentait peut-être le besoin de renouer avec la communauté internationale: « Nous risquions de tout perdre, y compris nos ultimes alliés, et d’être mis au banc des nations », estime le ministre de l’intérieur, Gideon Sa’ar.

Selon Haaretz, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a consenti à la libération de centaines de prisonniers palestiniens et maintiendra pendant les négociations le ralentissement de la construction dans les colonies de Cisjordanie observé depuis le début de l’année, mais « il reste un grand point d’interrogation sur les intentions de Netanyahu ». »Si ce qui l’intéresse est seulement un processus de paix, il aura gagné quelques mois de calme avant que son bluff ne soit découvert. Mais s’il vise vraiment un accord de paix, il devra pour la première fois présenter des positions claires et expliquer où selon lui finit Israël et où commence la Palestine », commente le journal.

Il y a sans doute « une autre raison pour laquelle la diplomatie américaine, l’Union Européenne, la Ligue arabe – qui a relancé son plan de paix – ont fait un tel effort pour la reprise des pourparlers, explique le correspondant de France Télévision en Israël, Charles Enderlin. Tous craignent l’effondrement de l’Autorité autonome et l’annonce par l’OLP, qu’en raison de l’importance de la colonisation, la paix avec Israël est impossible ».

Catherine Gouëset, avec AFP

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