Jonathan Pollard © Reuters

Israël: L’étrange histoire de cet espion devenu « légende »

Le Vif

La salle de prières de la synagogue ne porte pas, comme d’autres, le nom d’un généreux donateur ou d’un personnage biblique, mais celui de Jonathan Pollard, une icône de l’extrême droite israélienne sur le point d’être libérée d’une prison américaine au bout de 30 ans.

« Celui qui essaie d’aider Israël et en paie le prix est à la fois un héros et un martyr », affirme Daniel Louria, directeur de l’association Ateret Cohanim, qui a rénové cette synagogue de Jérusalem-Est au coeur d’un quartier palestinien. Ex-analyste de la marine américaine, Jonathan Pollard a été condamné en 1987 à la prison à perpétuité pour espionnage au profit d’Israël. Agé de 61 ans, il doit être libéré ce vendredi à la grande satisfaction d’Israël où il n’a cependant pas toujours été populaire.

Son accueil en héros dans le pays duquel il a pris la nationalité en 1995, n’est d’ailleurs pas d’actualité, la justice américaine l’ayant interdit de sortir du territoire pendant cinq ans. Son histoire débute en 1984 quand M. Pollard offre des renseignements aux services secrets israéliens dont le contenu n’a jamais été dévoilé. L’espion a toujours affirmé n’avoir transmis que des informations vitales à la sécurité d’Israël que les Américains n’avaient pas données à leur allié, dont des images satellites du QG de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à Tunis. Certains ont affirmé que des motifs pécuniaires auraient motivé la trahison de Pollard, également soupçonné d’avoir transmis des informations à l’Afrique du sud et des documents sur la Chine à sa première femme, Anne, pour ses besoins professionnels personnels.

Victime, héros

Dans les années qui ont suivi sa condamnation, le gouvernement israélien a nié toute implication dans cette affaire tandis que le grand public avait une position mitigée, a déclaré à l’AFP un ancien diplomate israélien. « La ligne officielle était de l’ignorer », affirme ce diplomate sous couvert de l’anonymat. Il explique que, comme à cette époque Jonathan Pollard n’avait que la citoyenneté américaine, et pas encore israélienne, faire pression pour sa libération aurait pu mettre l’ensemble de la communauté juive américaine dans le collimateur du gouvernement américain. Mais dans les années 1990, des militants d’extrême droite ont entamé une campagne pour soutenir le détenu, le présentant comme une « héros » national et obtenant que lui soit accordé la nationalité israélienne. Devenu religieux en prison, Jonathan Pollard commence à utiliser un langage nationaliste affirmant son désir d’aider l’Etat d’Israël. Sa seconde femme Esther, qu’il a épousée en prison, lance une campagne auprès des autorités israéliennes pour sa libération. Pour Mark Shaw, auteur d’une livre sur le sujet, les déclarations de Pollard et la campagne de sa femme ont rendu plus difficile d’obtenir une grâce américaine.

‘Clémence’

D’autres campagnes pour sa libération, menées par la gauche israélienne et des diplomates américains comme l’ancien chef de la diplomatie Henri Kissinger, ont en revanche mis en avant la longueur, jugée disproportionnée, de sa peine. L’argument a été repris par plusieurs gouvernements israéliens successifs, le Premier ministre actuel Benjamin Netanyahu tentant quant à lui d’inclure sa libération dans les négociations de paix avec les Palestiniens jusqu’à leur arrêt en avril 2014.

L’annonce fin juillet par les Etats-Unis de sa remise en liberté conditionnelle avait alimenté les spéculations, niées par les responsables américains, d’une possible compensation pour Israël après la signature en juillet de l’accord sur le nucléaire iranien entre Téhéran et les grandes puissances. Pour Ofer Zalsberg, analyste israélien du think-tank International Crisis Group, « la majorité des Israéliens juifs soutiennent aujourd’hui, pour des raisons variées, sa libération ». « Pour certains, à droite, parce qu’ils pensent que ce qu’il a fait était juste, et pour d’autres, plus à gauche, qui appellent à la clémence parce qu’ils estiment qu’il a purgé sa peine ».

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