© Jef Boes

« Israël doit comprendre que son immense crédit historique de la Deuxième Guerre mondiale s’est peu à peu épuisé »

De l’Ukraine à Gaza, de la Libye à l’Irak: le tonnerre de la guerre résonne à nouveau un peu partout en cette année de centenaire de la Première Guerre mondiale. L’ancien secrétaire général de l’OTAN, Willy Claes (76), y voit les traces d’un système en crise : « Le monde se rue droit dans le mur avec une rapidité étonnante ».

L’optimisme devrait être une obligation morale, mais devant l’incessant ballet de nouvelles peu réjouissantes, cette sagesse populaire a du mal à tenir le cap. Depuis la chute du mur de Berlin, jamais le monde n’avait eu l’air si désolé.

En tant qu’ancien secrétaire général de l’OTAN, Willy Claes (SP.A) fut l’un des derniers belges qui eurent son mot à dire dans des conflits militaires d’envergure internationale.

Willy Claes: « Saviez-vous que dans les années septante avec mon collègue André Cools (PS) nous avions réinsufflé de la vie dans l’ancienne internationale socialiste. C’était une drôle d’équipe. Le chancelier autrichien Bruno Kreisky, qui était d’origine juive, n’hésitait jamais à s’ouvrir aux Palestiniens. Le parti travailliste israélien a fini par le rejoindre sur ce point. Lors du congrès suivant à Lisbonne les représentants de l’OLP ont été abattus dans le même hôtel que celui où nous logions. Les meurtriers ne furent jamais retrouvés. »

À cette époque le parti travailliste avait encore du pouvoir politique à Tel-Aviv et Jérusalem. Aujourd’hui la gauche israélienne ne représente plus grand-chose.

Claes: « Depuis que la Russie permet aux juifs russes d’immigrer vers Israël, le pouvoir s’est dirigé vers la droite de l’échiquier politique. C’est pour cela que le parti travailliste a perdu de sa superbe »

Le gouvernement de Netanyahu parle d’une « opération de défense » à Gaza. Cela semble très Orwéllien.

Claes: « A la vue des actions effectuées à Gaza , je n’arrive pas à me départir de l’impression que dans les cercles du pouvoir ont a laissé tomber le concept d’un double état. Je crains que pour de nombreux Israéliens on doive chasser les Palestiniens de ce qui reste des territoires autonomes. Dit de façon cynique : que les Jordaniens se débrouillent avec leurs « nouveaux » immigrants palestiniens. Je ne dis pas que tous les Israéliens le souhaitent, mais je crains que cela soit le souhait d’une nouvelle majorité qui se dessine dans le pays. »

Même les responsables des Nations unies dénoncent cette violence disproportionnée d’Israël.

Claes: « La critique sur l’action israélienne est plus vive que jamais, et cette fois pas seulement dans les pays arabes, mais aussi à l’ouest. Israël ne doit pas perdre de vue que le gigantesque crédit historique construit après la Deuxième Guerre mondiale est presque épuisé. Netanyahu et consorts feraient bien de tenir compte du fait que la situation risque de devenir inconfortable à très court terme. Tout le monde est conscient que la position de l’Europe et des États-Unis faiblit et qu’ils ont de moins en moins à dire. Je ne sais pas qui d’ici 20 ans seront les puissants défenseurs d’Israël. »

Walter Pauli

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