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Islande: le Premier ministre démissionne

Le Vif

L’Islande était mardi au bord de l’éruption politique après les révélations des « Panama Papers » sur les avoirs du Premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson qui apparaît de plus en plus isolé et vient de démissionner.

Premier haut dirigeant emporté par le scandale des « Panama Papers », le Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson va démissionner après des révélations sur ses placements offshore qui ont jeté dans la rue des milliers de manifestants en colère.

« Le Premier ministre a informé le groupe parlementaire du (Parti du progrès) qu’il allait démissionner de ses fonctions de Premier ministre », a déclaré en direct mardi à la télévision Sigurdur Ingi Johannsson, vice-président du parti et ministre de l’Agriculture.

Le Parti de l’indépendance, qui apporte une majorité parlementaire au Parti du progrès et dont plusieurs cadres sont au gouvernement, doit donner son accord à ce passage de témoin.

M. Gunnlaugsson, qui devrait conserver la présidence de sa formation, était sous forte pression depuis les révélations des « Panama Papers » faisant état d’avoirs placés dans un paradis fiscal via une société écran.

L’opposition de gauche avait déposé une motion de censure au Parlement et des milliers de personnes avaient manifesté lundi soir devant le Parlement.

Différer la dissolution du parlement

Revenu précipitamment des Etats-Unis, le président Olafur Ragnar Grimsson a refusé d’ajouter la crise à la crise et différé la dissolution du Parlement appelée de ses voeux par le chef du gouvernement.

« J’ai fait savoir au Premier ministre que je ne pourrai y consentir avant de m’être entretenu avec les responsables des autres partis pour connaître leur position », a déclaré M. Grimsson dans une allocution télévisée.

Son refus est sans précédent dans l’histoire de l’Islande, la plus ancienne démocratie parlementaire du monde, analyse le constitutionnaliste Björg Thorarensen. M. Grimsson se pose ainsi en « gardien » de la stabilité gouvernementale, selon lui.

M. Gunnlaugsson, dont des milliers de manifestants avaient réclamé la démission lundi en jetant du « skyr », un fromage blanc local, devant le Parlement, s’était dit prêt mardi matin à dissoudre et convoquer des législatives anticipées si le Parti de l’indépendance, allié au Parti du progrès (au pouvoir), le lâchait.

Alors que l’opposition de gauche a déposé une motion de censure, le Parti de l’indépendance apparaît de fait divisé et d’autant moins favorable à une dissolution que son président et ministre des Finances, Bjarni Benediktsson, est lui aussi éclaboussé par les « Panama Papers ».

Le ministre de l’Intérieur Olöf Nordal (Parti de l’indépendance) et d’actuels ou anciens conseillers municipaux de la capitale Reykjavik appartenant à la même formation sont également mis en cause et les élus craignent un vote-sanction des électeurs. L’un d’eux a démissionné mardi après-midi.

Selon le site internet du quotidien Morgunbladid, ni les instances du Parti du progrès ni celles du Parti de l’indépendance (19 sièges chacun sur 63) n’avaient été averties de la démarche du Premier ministre en vue de dissoudre l’Althing.

« Il n’a même pas consulté son groupe parlementaire avant de s’engager dans cette voie. Je trouve cela complètement irresponsable », a déclaré au journal le député Thor Thordarson, du Parti de l’indépendance.

Pour la première fois mardi, des proches du Premier ministre l’ont publiquement désavoué. Evoquant « une crise de confiance » de la population, des élus de sa circonscription d’Akureyri l’ont exhorté à « renoncer à ses fonctions ».

Des millions de dollars au soleil

D’après des documents dévoilés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), M. Gunnlaugsson, 41 ans, a détenu des millions de dollars dans une société ayant son siège aux îles Vierges britanniques, appelée Wintris, avec son épouse Anna Sigurlaug Palsdottir, fille d’un riche concessionnaire automobile.

Quand il a été élu député en avril 2009, M. Gunnlaugsson a omis cette participation dans sa déclaration de patrimoine. Il a cédé ses parts, soit 50% du capital, à son épouse fin 2009 pour un dollar symbolique.

Selon le rapport publié par l’ICIJ sur son site internet, M. Gunnlaugsson « a continué à cacher » l’existence de ses actifs quand il est devenu Premier ministre, en « violation des règles éthiques » de l’Islande. L’intéressé affirme n’être tenu de déclarer que des « activités commerciales ».

Wintris a même été créancière des principale banques islandaises en faillite après la crise financière de 2008, auxquelles elle réclamait 500 millions de couronnes (3,5 millions d’euros aux taux de change actuels).

M. Gunnlaugsson, qui a percé en politique après avoir été à la tête d’un mouvement de fronde contre les créanciers de l’Islande, s’est défendu de toute volonté de fraude. Ses avoirs, plaide-t-il, ont toujours été déclarés au fisc islandais.

Il a expliqué ne pas avoir en avoir révélé l’existence plus tôt afin de ne pas faire de la fortune de sa compagne une question politique.

Ecoeurés, les Islandais, qui espéraient révolues les pratiques douteuses ayant conduit à la crise des années 2000, devaient de nouveau manifester ce mardi à 17h00 heure locale (17h00 GMT).

Valdis, un glacier de la capitale, a mis en vente une meringue à base de sorbet de citron et de glace à la vanille baptisée Wintris. « Elle est amère, avec une pincée d’arrogance » et vendue « hors taxes », promet l’enseigne.

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