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Inde: visite de la première maternité « low-cost »

Le Vif

Pour lutter contre la mortalité des nourrissons et des femmes en couches, le groupe LifeSpring Hospitals gère 12 maternités privées, mais abordables, au prix d’une drastique chasse au gaspillage. Reportage.

Au rez-de-chaussée de la maternité « low-cost » LifeSpring à Hyderabad, une pharmacie externalisée pour réduire les coûts de fonctionnement.

Chilkalguda, aux environs d’Hyderabad. Ce matin-là, le troisième étage de la maternité LifeSpring Hospitals retentit de pleurs de nourrissons. Assise sur le lit de sa chambre aux murs roses, séparée du palier par un mince rideau, une toute jeune femme, donne l’un de ses premiers biberons à son bébé. Depuis 2009, 22 000 nouveaux-nés ont poussé leur premier cri dans cette clinique à bas coûts et dans les 11 autres, implantées autour de cette ville de l’Inde du Sud, la sixième du pays.

Là-bas, peu de femmes des milieux modestes peuvent s’offrir les services d’une maternité privée. Certaines s’en remettent aux hôpitaux publics saturés. D’autres accouchent chez elles, sans suivi. Résultat, avec 56 000 décès par an, l’Inde compte parmi les dix pays où la mortalité maternelle est la plus élevée. 309 000 bébés meurent aussi dans les vingt-quatre heures qui suivent leur naissance.

Trois millions d’euros investis

Pour combattre ce fléau, le fond philanthropique Acumen et HLL Lifecare, géant public du secteur médical indien, ont investi, en 2009, plus de 3 millions d’euros dans cette chaîne de maternités « low-cost », LifeSpring Hospitals. A Chilkalguda, c’est dans un quartier populaire peuplé de petits commerçants, d’ouvriers et de chauffeurs de rickshaws que LifeSpring est implantée. Au coeur de son marché cible.

Dans son bureau, Sushmit Mitra, directeur des opérations, explique: « Nous ciblons les foyers qui gagnent jusqu’à 9 000 roupies par mois (104 euros) et peuvent donc payer un peu pour désengorger l’hôpital public. » Les patientes parviennent à acquitter 64 euros pour un accouchement normal et 154 pour une césarienne. C’est plus qu’à l’hôpital, mais de 30 à 50% de moins que dans une clinique classique, selon Acumen.

« Une stratégie du « zéro fioriture » »

Pour offrir la même qualité de service, LifeSpring taille donc dans ses dépenses. « Zéro fioriture », résume Vijay Srinivas, à la tête du contrôle de procédure. Tout ce qui ne fait pas partie du coeur de l’activité -le suivi des grossesses jusqu’à la naissance- et augmente inutilement le coût des soins est sous-traité ou surfacturé. A Chilkalguda comme ailleurs, les locaux sont loués de dix à quinze ans.

Finis les frais d’inventaire ou le surcoût lié aux produits périmés. Au rez-de-chaussée de la clinique, la pharmacie est externalisée, comme le laboratoire, où s’affaire une jeune femme en sari rose brodé. Des infirmières multitâches assurent aussi l’accueil: quand un accouchement se déclenche, elles quittent la réception pour assister leurs collègues de permanence au bloc. Elles ne sont titulaires que des deux premiers niveaux du diplôme de la profession, et donc un peu moins payées.

Côté service, « la climatisation et la cantine ne sont pas incluses dans les chambres simples. Les patientes préfèrent les repas maison, ce que rend possible notre installation au coeur des communautés », indique Vijay Srinivas. L’eau filtrée, par contre, n’est pas en option: « Nous ne faisons pas de compromis sur l e confort minimal. »

Un million d’euros de chiffre d’affaires en 2012

Si LifeSpring a construit son modèle économique sur une cible précise -les classes moyennes inférieures-, ses cliniques accueillent toutes les urgences. Quelques chambres privées peuvent héberger les femmes plus fortunées. La fondation LifeSpring, financée par des dons, a offert un accouchement à une centaine de femmes démunies. LifeSpring Hospitals atteint l’équilibre financier. Le groupe a réalisé 1 million d’euros de chiffre d’affaires en 2012.

« Nos dépenses sont couvertes et nous générons suffisamment d’argent pour nous étendre bientôt aux soins pédiatriques et gynécologiques », assure Sushmit Mitra. Les profits ne suffisent pas à financer le lancement de nouvelles structures et leur ouverture a été différée. Mais le groupe devrait bientôt solliciter de nouveaux investisseurs pour assurer la mise de départ.

Par Alexia Eychenne

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