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Incendie sur un ferry : Panique et colère à bord, racontent les survivants

« C’était la panique à bord mais la colère m’a donné le force de rester en vie », raconte Urania, rescapée de l’incendie du ferry Norman Atlantic, tandis que Philippe s’émeut encore jusqu’aux larmes pour avoir « vu la mort en face ».

« C’était la panique à bord car on était plus de 400 personnes à devoir sortir par une unique sortie de secours », raconte avec émotion une jeune femme grecque, Urania Thiréou, hébergée à l’hôtel Nettuno de Brindisi (sud-est), après avoir été secourue sur le ferry. « Il y avait des membres de l’équipage, mais eux aussi étaient paniqués, il était impossible d’organiser tout ce monde », ajoute-elle, deux jours après la catastrophe qui a fait au moins dix morts, selon un bilan provisoire.

La jeune femme déplore surtout le manque d’organisation des secours à bord du navire dans les premiers moments et redoute un bilan bien plus élevé. « Des gens ont sauté au début dans la plus grande chaloupe de sauvetage, ils l’ont mise à l’eau, mais on nous a dit ensuite qu’ils n’ont pas été retrouvés », affirme-t-elle.

La jeune femme a été transportée dans un hôpital militaire après 23 heures passées à bord du ferry en flammes, puis a été transportée à l’hôtel dans l’attente de rentrer en Grèce. « Je n’ai pas eu peur de mourir à ce moment-là, j’ai compris que je devais rester positive. J’étais aussi en colère, cette colère m’a tenu en vie, m’a donné de la force, mais quand la nuit est revenue, j’ai perdu de mon courage », ajoute Mme Thiréou.

La jeune Grecque a remercié les secouristes, les autorités, mais a tenu à rendre un hommage particulier « aux camionneurs présents à bord du navire, qui ont tenté à plusieurs reprises, noirs de fumée, de relier le câble du remorqueur au ferry ». Deux marins albanais ont trouvé la mort quand l’un de ces câbles s’est brisé net pendant les opérations de sauvetage.

« Je me suis trouvé mal, il restait à la fin 30 hommes à évacuer. On avait l’eau à deux mètres, le feu sous le plancher. J’ai failli tomber dans les pommes et on m’a hélitreuillé », raconte pour sa part Philippe Moyses, de Bordeaux. « Je n’ai rien, c’était l’angoisse. Mais là où on a vu la mort en face, c’est quand on n’était plus que 30. Là on a dit: ‘ça y est, on y passe' », poursuit-il, les yeux encore humides d’émotion. « Ce matin je me suis levé, j’avais dormi comme un loir, je me suis mis au bord du lit, j’ai 62 ans, et j’ai pleuré tout seul », raconte encore Philippe, en revivant les moments de la tragédie.

Ce passager français, ils étaient dix au total, tient lui aussi à donner un « coup de chapeau »: les pilotes des hélicoptères militaires italiens ont effectué un travail difficile dans des conditions de quasi-tempête, souvent de nuit et bravant d’abord les hautes flammes et ensuite une épaisse fumée noire.

Faute de bagages, perdu dans l’incendie du ferry, Philippe porte des sandales offertes par la Croix rouge locale. « Je m’en vais avec l’ambassadrice acheter des chaussures », lance-t-il en quittant l’hôtel où une équipe de diplomates français se trouvaient pour apporter leur aide et attendre un autre Français rescapé, se trouvant à bord du navire militaire San Giorgio, dont le retour à terre est prévu en fin d’après-midi.

Le San Giorgio, qui a participé toute la matinée mardi à la recherche d’éventuels disparus, a recueilli plus de 180 rescapés à son bord.

10 morts, mais incertitudes sur d’éventuels disparus

L’incertitude demeure sur le bilan des victimes de l’incendie d’un ferry dimanche au large de l’Albanie, pour l’instant arrêté à dix morts, obligeant les autorités maritimes à poursuivre les recherches d’éventuels disparus en mer.

Au total, 427 personnes, dont les 56 membres d’équipage, ont été sauvées des flammes, selon les autorités italiennes. Le ferry, toujours immobilisé par des remorqueurs à une quinzaine de miles de la côte albanaise est désormais totalement évacué après le départ de son commandant lundi après-midi, dernier à quitter le navire. Mais des dizaines de passagers du Norman Atlantic attendaient toujours mardi matin leur retour sur la terre ferme.

La plupart des rescapés sont indemnes, bien que certains souffraient d’hypothermie ou de problèmes respiratoires. Le navire militaire italien San Giorgio, qui accueille à son bord plus de 180 rescapés, était toujours mardi matin sur la zone de l’accident, à la recherche d’éventuels disparus. Attendu dans la matinée dans le port de Brindisi (sud-est), il pourrait en fait ne regagner ce port de l’Adriatique qu’en toute fin de journée, a indiqué à l’AFP un officier de la marine militaire italienne.

L’incertitude entourant le nombre précis des passagers ayant embarqué à bord du ferry reste totale, d’autant que le navire a fait une escale en Grèce après son départ du port grec de Patras. La liste d’embarquement du navire, battant pavillon italien et affrété par la compagnie grecque Anek, faisait état dans un premier temps de 478 personnes à bord, mais la compagnie a ramené ce chiffre dans la soirée à 475. Le chiffre de 458 circule également dans les médias italiens.

Il est « absolument prématuré » de parler de disparus, avait souligné lundi soir le ministre italien des Transports, Maurizio Lupi, soulignant les « doutes » qu’il avait sur l’exacitude de ce manifeste d’embarquement. Certains des rescapés n’étaient même pas sur cette liste, a-t-il expliqué, alors que la présence de passagers clandestins est évoquée. Sur les 371 passagers récupérés, 234 sont Grecs, 54 Turcs, 22 Albanais et 22 Italiens. Trois résidents belges ont également été évacués à Bari, d’après les Affaires étrangères belges.

Le procureur de Bari s’attend à découvrir de nouvelles victimes

L’épave du ferry incendié Norman Atlantic, une fois récupérée, révélera probablement d’autres victimes, a affirmé mardi le procureur de Bari (sud-est), Giuseppe Volpe.

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