© REUTERS/Tony Gentile

Immigration : « Paris gifle Rome », selon la presse italienne

La colère italienne transparaît dans la presse transalpine, ce lundi, après que la France a arrêté un convoi de migrants tunisiens à la frontière.

« Fin de l’Odyssée » pour les migrants tunisiens à Vintimille. L’envoyé spécial de La Stampa raconte comment le blocage du trafic ferroviaire à la gare frontalière a été perçu par les passagers. Les autorités françaises ont barré la route au « train de la dignité ». A son bord, des Tunisiens accompagnés de militants français et italiens qui espéraient passer la frontière, de l’Italie vers la France. Faute de train, ils tenteront de marcher sur les rails, « ou de monter à bord de voitures d’Italiens qui traversent la frontière, en leur proposant 100 euros », décrit le journaliste.

Car la France, écrit le quotidien italien, c’est la « terre promise » pour ces migrants munis du permis de séjour temporaire délivré par Rome à quelque 20 000 personnes. Ce document leur permet, en théorie, de circuler dans l’espace Schengen pendant six mois afin qu’ils puissent rejoindre « amis et parents », explique l’Italie. Paris et d’autres capitales européennes, mises devant le fait accompli, se sont irritées de cette initiative, exigeant que les migrants possèdent aussi un passeport et des ressources suffisantes.

La colère est désormais réciproque. La décision française d’interrompre le trafic ferroviaire ouvre un « nouveau duel entre Rome et Paris sur les immigrés », selon le Corriere della Sera. Car la tension monte depuis des mois. Et la réunion bilatérale des ministres de l’Intérieur n’aura pas suffi pour aplanir le différend franco-italien avant le sommet du 26 avril, où le dossier occupera sans doute les discussions entre Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi.

Paris explique son choix par le risque de désordre public, se réfugie derrière cet argument », selon l’hebdomadaire Panorama. « Mais la décision du ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, semble avoir un arrière-goût différent ». Un arrière-goût « populiste », avance le quotidien La Repubblica pour qui « Paris gifle Rome ». « A Paris, à un an de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy affronte les plus mauvais sondages (…) et cherche à récupérer les voix de l’extrême droite en insistant, dans les limites imposées par son poste, sur l’aversion à l’égard des immigrés », affirme le journaliste.

L’éditorial musclé de La Repubblica, intitulé « Les deux populismes » égratigne aussi l’Italie… « Deux populismes s’affrontent en Europe offrant un spectacle pas très édifiant. Je dirais misérable. L’adjectif n’est pas trop fort car au centre de la dispute il y a ces réfugiés, économiques ou politiques – la différence est souvent annulée par le drame humain – qui arrivent tous les jours sur nos côtes après avoir vu souvent se noyer leurs enfants, leurs parents ou leurs amis dans la Méditerranée ».

« A Rome, le gouvernement dépend d’un parti xénophobe, indispensable pour la majorité parlementaire », la Ligue du Nord, « dont un dirigeant (Roberto Maroni, ndlr) est même ministre de l’Intérieur », écrit encore l’éditorialiste. Panorama rejoint cette analyse. Pour l’hebdomadaire, le gouvernement italien s’en prend actuellement à ses partenaires européens, allant jusqu’à s’interroger sur l’opportunité de rester dans l’Union européenne ou de la quitter, dans le but de séduire la base électorale du parti « qui a une aversion historique pour l’Europe des technocrates », selon un politologue cité.

En faisant porter la responsabilité de la crise sur ses voisins européens, qui refusent les demandes italiennes et qui viennent, par la voix de la Commission européenne, de souligner que Paris n’avait enfreint aucune règle ce dimanche, le gouvernement italien pourrait transformer « la défaite à Bruxelles en victoire à domicile ».

Marie Simon, L’Express.fr

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