Mobutu Sese Senko (1977) © BELGAIMAGE

Il y a vingt ans, le maréchal Mobutu décédait en exil au Maroc

La République démocratique du Congo (RDC) célèbrera discrètement jeudi le 20e anniversaire de la mort de celui qui a dirigé le pays durant 32 ans d’une main de fer, le maréchal Mobutu Sese Seko, considéré aujourd’hui comme le principal responsable de la crise morale qui sévit toujours dans l’ex-Zaïre.

L’ancien président, renversé quelques mois plus tôt par l’avancée de la rébellion de l’Alliance des Forces démocratiques pour la Libération du Zaïre (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila, le père de l’actuel chef de l’Etat, est décédé à l’hôpital militaire de Rabat le 7 septembre 1997. Emporté par un cancer de la prostate à l’âge de 66 ans – il ne pesait plus que 40 kilos -, il vivait en exil au Maroc depuis son départ de son fief de Gbadolite (Equateur, nord) le 18 mai 1997, deux jours après avoir fui Kinshasa en compagnie de sa proche famille et de quelques fidèles.

Seul le roi Hassan II du Maroc, son allié et ami, avait accepté de donner asile au « vieux léopard ». Il était devenu bien encombrant pour ses anciens soutiens occidentaux après l’échec patent de la transition démocratique qu’il avait lancée le 24 avril 1990, avec l’abandon du parti-Etat qu’il avait fondé, le Mouvement populaire de la Révolution (MPR).

Jusque-là, le maréchal-président avait régné sans partage sur le Congo, après s’être emparé du pouvoir lors d’un coup d’Etat militaire, le 24 novembre 1965, cinq ans à peine après l’indépendance du pays.

A ce moment, le destin du Congo s’annonçait comme extrêmement prometteur, grâce surtout aux immenses richesses dont dispose le pays.

La spirale s’est inversée en descente vers l’abîme lors de la « zaïrianisation » de l’économie, en 1973. Après les nationalisations réussies du secteur minier, cette confiscation des biens étrangers (belges, grecs, libanais, …) pour les confier à des proches du pouvoir a mené l’économie manufacturière à la mort et a fait fuir de nombreux investisseurs étrangers.

Parallèlement, le président Joseph Désiré Mobutu, devenu Sese Seko Kuku Ngbendu Waza Banga (« guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne ne puisse l’arrêter ») au nom de l’authenticité zaïroise, instaure « la plus grande kleptocratie au monde », en siphonnant à son profit et celui de son vaste entourage jusqu’à 95% des ressources de l’Etat, un sommet atteint en 1992.

Ancien sergent dans la Force publique à l’époque coloniale, journaliste occasionnel, participant début 1960 à la Table ronde qui mena à l’indépendance du Congo, Mobutu fut longtemps l’ami de la Belgique – et de sa famille royale -, de la France et des Etats-Unis, en tant que pion dans la stratégie dictée par la Guerre froide et destinée à contenir la progression du communisme en Afrique. Devenu moins utile après la chute du Mur de Berlin et moins défendable en raison de la démocratisation en Europe de l’est, le dictateur a progressivement perdu ses appuis occidentaux et s’est retrouvé marginalisé.

Sapé par des décennies de prédation, son régime n’a pas résisté à la tentative d’introduction du multipartisme décrétée par le maréchal, s’installant dans une crise durable, émaillée de pillages et de violences.

Le coup de grâce aura pour origine l’afflux, en 1994, de centaines de milliers de Hutu rwandais, dont des responsables du génocide, chassés de leur pays par l’avancée du Front patriotique rwandais (FPR, la rébellion dominée par les Tutsi) arrivée au pouvoir à Kigali – où elle l’occupe toujours. Leur présence dans des camps proches de la frontière fournit en octobre 1996 au Rwanda le prétexte d’une offensive contre le Zaïre, dissimulée sous les traits d’une rébellion locale. Elle mène l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila à Kinshasa en sept mois et au renversement de l' »homme aux toques léopard ».

Le régime de Kabila-père sera lui-même victime d’un renversement d’alliance qui plonge le pays, entre-temps rebaptisé RDC, dans une longue guerre régionale, impliquant de multiples groupes armés et jusqu’à sept pays africains (Zimbabwe, Namibie, Angola et Tchad, alliés du gouvernement de Kinshasa, et Rwanda, Ouganda et Burundi soutenant les différents mouvements rebelles).

L’ex-Zaïre n’en est sorti qu’en 2003, avant de connaître l’élection en 2006 du président Joseph Kabila, le fils du tombeur de Mobutu, qui fut réélu en 2011, lors d’un scrutin entaché de fraudes, et qui s’accroche au pouvoir après la fin de son second mandat, le 19 décembre dernier.

Vingt ans après la disparition du deuxième président congolais, nombre d’ex-mobutistes ont retrouvé les allées du pouvoir, parfois en devenant même ministre.

La dépouille du maréchal repose pour sa part toujours à Rabat, dans le carré chrétien du cimetière de la capitale marocaine.

L’Assemblée nationale congolaise s’était pourtant prononcée en 2007 à l’unanimité pour son rapatriement, avec les honneurs dus à la fonction qui fut la sienne.

« Mais le moment n’est pas encore là pour son rapatriement. Les conditions ne sont pas encore remplies. Nous ne voulons surtout pas une récupération politique autour de ça. Ça doit être un moment de concorde et non un moment d’exploitation politique », affirmait l’an dernier l’un de ses fils, François-Joseph Nzanga Mobutu.

Son parti, l’Union des démocrates mobutistes (UDEMO), avait coutume d’organiser le 7 septembre une « eucharistie de requiem » en la cathédrale Notre Dame du Congo de Kinshasa et dans les chefs-lieux des provinces du pays.

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