Jonathan Holslag

Il n’y a pas de doute possible: la Chine prépare la guerre

Jonathan Holslag Jonathan Holslag est professeur en relations internationales à la VUB.

« Jusqu’à présent, la Chine préférait les moyens économiques pour mener cette guerre », écrit Jonathan Holslag, professeur en relations internationales à la VUB. « Pour la confrontation militaire, elle attendait d’être assez forte. La question se pose à présent : ce point est-il atteint ?

La semaine dernière, Taïwan a constaté en se réveillant qu’on avait ouvert quatre nouvelles routes aériennes au-dessus de son territoire ou du moins au-dessus de ce que Taïwan considère comme son territoire. La décision a été prise par le gouvernement chinois. Il y a longtemps que Pékin estime que Taïwan lui appartient tout entier, et pourtant Taipei était surpris : il y a quelques années, les deux parties s’étaient mis d’accord de réguler ensemble le trafic aérien au-dessus du détroit de Taïwan. L’entêtement de la Chine vient surtout confirmer une loi très ancienne de la diplomatie : généralement les accords internationaux continuent à exister tant qu’ils sont dans l’intérêt du plus fort.

La Chine souhaite montrer à Taïwan qui est le chef. Ce signal n’est pas inattendu. Le gouvernement taïwanais a annoncé qu’il dépenserait 20% de son budget en Défense d’ici 2025. Celui-ci lui permettra d’acheter de nouveaux missiles, des avions de combat et des systèmes de guerre électronique. Pékin n’apprécie pas que le resserrement des liens entre Taïwan et les États-Unis. Le Congrès américain souhaite permettre plus d’échanges officiels et sortir Taïwan de son isolement diplomatique. Le président Trump a suggéré que les navires de guerre pourraient entrer dans les ports taïwanais. L’attitude prudente qui caractérisait les gouvernements américains est bel et bien terminée.

La Chine n’accepte pas cette évolution. « Le jour où un navire de guerre américain entre dans un port taïwanais, sera le jour de la réunification de la Chine et de Taïwan. Militairement », estime un diplomate chinois basé à Washington. Depuis l’année passée, les avions de combat et bombardiers chinois tournoient régulièrement autour de l’île. À l’est, la marine chinoise est présente de manière presque permanente pour montrer que là aussi le continent peut frapper. Il y a deux semaines, le président chinois Xi Jinping a assisté à un exercice militaire déployant d’après les estimations 600 000 soldats, et simulant entre autres des débarquements amphibies. « L’Armée populaire de libération doit être prête à faire des sacrifices », a déclaré Xi.

Nous devons prendre la rivalité entre Pékin et Taipei au sérieux. Aujourd’hui, on regarde surtout la Corée du Nord, mais au fond l’Asie de l’Est est traversée par une longue ligne de front, de la Corée du Nord par le Japon et Taïwan jusqu’aux Philippines. Le long de cette ligne de rupture géopolitique, la Chine et les États-Unis se querellent au sujet du leadership. Alors que les tensions y sont permanentes, l’épicentre se déplace sans cesse. Une fois c’est en mer de Chine du Sud, puis en Corée du Nord ou autour de Taïwan. Grâce à cette stratégie, la Chine empêche les tensions de dégénérer.

Il n’y a pas de doute possible: la Chine prépare la guerre

Il n’y a pas de doute possible: la Chine prépare la guerre. Pour la confrontation militaire, elle attendait d’être assez forte. À présent, la question se pose : ce point est-il atteint ? Je présume que non. La modernisation de l’armée chinoise est impressionnante, et l’écart avec les Américains se réduit. Mais la plupart des experts chinois sont d’accord : pour l’instant, leur pays peut, peut-être, gagner une guerre locale de courte durée, mais certainement pas un conflit prolongé avec les Américains.

Ce qui joue aussi c’est que la stratégie d’amadouement économique continue à bien fonctionner. Plus l’économie de Taïwan s’affaiblit et sa main-d’oeuvre travaille sur le continent, par exemple, plus l’influence de Pékin grandit. Cela ne vaut pas uniquement pour Taïwan : le long de toute la ligne de rupture géopolitique citée ci-dessus, on voit grandir l’influence économique chinoise. Aux Philippines, là où la Chine a promis des milliards d’investissements. Et au Japon aussi : bien que les premières semaines de 2018 la marine japonaise ait rapporté une présence chinoise renforcée en mer de Chine orientale, le Premier ministre japonais Shinzo Abe tente presque désespérément d’inviter Xi Jinping à l’anniversaire de leur relation diplomatique et de favoriser leur relation économique.

Rien n’est prévisible en politique internationale. Mais s’il n’en tient qu’aux Chinois, ils opteront encore quelque temps pour cet amadouement économique efficace. La meilleure victoire, c’est celle pour laquelle il ne faut pas combattre.

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