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« Il est clair que la Turquie ne doit pas devenir membre de l’Union européenne »

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Angela Merkel souhaite stopper la procédure d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Où en sont les négociations, officiellement lancées il y a douze ans ?

Lors du débat télévisé qui l’opposait à son principal rival pour les élections fédérales du 24 septembre, la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé être favorable à un arrêt des négociations sur l’adhésion à l’UE de la Turquie. Elle a très nettement durci le ton à l’égard du président Recep Tayyip Erdogan. Pour Merkel, « il est clair que la Turquie ne doit pas devenir un membre de l’Union européenne ». Elle a ajouté vouloir « discuter avec (ses) collègues » de l’Union européenne « pour voir si nous pouvons parvenir à une position commune sur ce point et si nous pouvons mettre fin aux négociations d’adhésion ». Retour sur un processus d’adhésion long et chaotique.

Long processus d’adhésion

La Turquie a déposé sa candidature pour intégrer l’Union européenne en 1987, mais n’a été reconnue officiellement candidate à l’adhésion par le Conseil européen qu’en 1999. Les négociations devaient alors débuter dès lors que la Turquie aurait satisfait aux « critères de Copenhague ». Ils rassemblent les conditions que tout pays candidat à l’adhésion à l’UE doit remplir. Parmi ces critères, définis en 1993, on retrouve trois points primordiaux, précisés sur le site législatif de l’UE EUR-Lex :

  • la présence d’institutions stables garantissant la démocratie, l’état de droit, les droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection.
  • une économie de marché viable et la capacité à faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l’intérieur de l’UE.
  • l’aptitude à assumer les obligations découlant de l’adhésion, notamment la capacité à mettre en oeuvre avec efficacité les règles, les normes et les politiques qui forment le corpus législatif de l’UE et à souscrire aux objectifs de l’union politique, économique et monétaire.
Le Premier ministre turc Erdogan se rend à un sommet avec l'Union européenne à Bruxelles en décembre 2004.
Le Premier ministre turc Erdogan se rend à un sommet avec l’Union européenne à Bruxelles en décembre 2004.© REUTERS

Après l’approbation de l’Union européenne fin 2004, les – longues – négociations peuvent enfin débuter, en 2005. S’en suit alors l’ouverture d’une série de « chapitres », 35 en tout, qui concernent l’appareil législatif de l’UE (politiques, droits, finances, santé…). La progression du pays candidat est alors jugée, par thématique. La moitié d’entre eux nécessitaient de très gros efforts de la Turquie pour y parvenir, selon l’évaluation initiale de la Commission européenne.

Gel des négociations

Les pourparlers ont déjà connu un premier blocage important en 2007, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, concernant cinq de ces chapitres. La France de François Hollande lèvera son véto sur un de ces chapitres en 2013, voulant donner un « nouvel élan » aux relations UE-Turquie.

Mais les négociations patinent. En 2012, Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre de la Turquie, annonce que son pays retirera sa demande d’adhésion s’il n’obtient pas le statut de membre d’ici l’an 2023.

En novembre 2016, c’est le Parlement européen lui-même qui met un coup d’arrêt aux négociations. Il justifie cette décision à travers deux évènements : les accords concernant la crise migratoire en Europe, grand point de discorde entre l’UE et la Turquie, et les mesures prises par le pays suite à la tentative de coup d’Etat, jugées répressives par l’Europe. Les négociations sont donc au point mort depuis des mois, notamment à cause de l’évolution politique en Turquie, dont le pouvoir est accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire. De son côté, Erdogan a émis la possibilité en avril dernier d’une consultation populaire sur l’éventuelle poursuite des négociations.

Recep Tayyip Erdogan et Angela Merkel lors du sommet du G20 à Hambourg en juillet 2017.
Recep Tayyip Erdogan et Angela Merkel lors du sommet du G20 à Hambourg en juillet 2017.© REUTERS

Tensions Allemagne – Turquie

Pour arrêter définitivement les négociations, il faudra cependant une décision unanime de tous les pays membres de l’Union européenne. Si tous les pays n’adoptent pas une position claire sur le sujet, on se dirige plutôt vers un rejet qu’une adhésion. Et il semblerait que l’Allemagne soit bien décidée à lancer le processus. Les autorités du pays dénoncent depuis des mois les purges effectuées par le pouvoir turc, après le putsch manqué de 2016. L’Allemagne accuse Ankara d’avoir mis en détention 12 citoyens allemands, possédant pour certains aussi la nationalité turque, pour des raisons politiques.

Les relations diplomatiques entre les deux pays sont de plus en plus tendues. Tout récemment, Erdogan a provoqué une levée de boucliers en Allemagne en appelant l’importante communauté turque du pays, qui représente près de trois millions de personnes, à ne voter ni pour les conservateurs d’Angela Merkel, ni pour les sociaux-démocrates de Martin Schulz, lui aussi favorable à un arrêt du processus d’adhésion. Un comportement qualifié « d’ingérence » par les autorités allemandes.

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