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Hollande-Sarkozy, qui est le plus menteur, ambitieux, copieur…?

Ils ont les travers de leur tempérament. Ils en ont aussi les qualités. Ce match des caractères et des idées dresse le profil de François Hollande et de Nicolas Sarkozy qui vont s’affronter le 6 mai.

Menteur?

Nicolas Sarkozy a fait du bon gros mensonge un art politique, quand son adversaire se cantonne au registre des approximations. Exemples? Le président sortant n’hésite pas à affirmer que François Hollande veut supprimer le quotient familial – il l’a voulu, mais y a renoncé ; que l’accord électoral signé avec les Verts prévoit la régularisation de tous les sans-papiers, ce qui est faux ; que Bernard Thibault est membre du bureau politique du Parti communiste (il est juste adhérent de ce parti) ; qu’il s’est rendu en personne à Fukushima et qu’il n’a jamais voulu livrer de centrale de production d’énergie nucléaire civile à Kadhafi (sur ces deux points, il a dû faire machine arrière) ; que François Mitterrand a pu faire deux septennats grâce à Jean-Marie Le Pen (lequel n’était pas candidat en 1981).

Dans son interview à L’Express, Nicolas Sarkozy affirme qu’il n’a pas pu mener la réforme de la formation professionnelle qu’il voulait, car il ne pouvait « pas l’imposer en même temps que celle des retraites ».

Comme nous objections que la loi sur la formation professionnelle avait été adoptée avant (novembre 2009, alors que celle sur les retraites l’avait été en novembre 2010), il a reconnu que la véritable raison était autre: son trop grand souci du consensus. Parfois, le candidat ment au profit de… son adversaire!

Ainsi, quand il l’accuse de vouloir créer 61 000 postes supplémentaires de fonctionnaires: le chiffre exact est 65 000. Aussi faut-il le prendre très au sérieux quand il dit, dans ses meetings: « Aidez-moi à faire triompher la vérité contre le mensonge. »

Versatile?

Au cours de la campagne, le candidat socialiste n’a jamais hésité à nuancer son propos, voire à changer de cap par souci tactique. Simples précisions apportées au programme – dixit son entourage – ou volte-face, la différence est parfois ténue.

Exemple récent : le smic. En janvier, François Hollande renvoie la question de la revalorisation du salaire minimum à une « conférence sociale » avec patronat et syndicats, habile manière de ne pas s’engager.

En février, il propose de lier l’évolution du smic à la croissance. Et voilà qu’en avril, sur fond de progression de Jean-Luc Mélenchon dans les intentions de vote, il promet un « coup de pouce » à l’été prochain.

Autres exemples: le retour de la retraite à 60 ans, la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, la suppression du quotient familial et celle de la taxe sur les mutuelles ont été avancés… avant de subtiles pirouettes qui en réduisent fortement la portée, quand elles ne signent pas un abandon pur et simple.

Nicolas Sarkozy est plus constant, au point de revisiter des mesures qu’il avait déjà promises en 2007 ou après, mais qu’il n’a jamais mises en oeuvre ou que très partiellement: travail le dimanche, suppression de la prime pour l’emploi, paiement des retraites le 1er du mois et non le 8.

Expérimenté?

Nicolas Sarkozy achève un quinquennat aux multiples tempêtes. Auparavant, il avait occupé plusieurs grands ministères. A un ami qui s’étonnait qu’il ait le temps de regarder tant de films, il a expliqué un jour: « Quand on a été ministre du Budget, de l’Intérieur et de l’Economie, on connaît déjà tous les grands dossiers. »
Pendant la crise financière, le président moquait l’inexpérience de Barack Obama pour mieux souligner que le Britannique Gordon Brown et lui, deux ex-ministres des Finances, savaient de quoi ils parlaient.

François Hollande, qui n’a jamais eu le moindre portefeuille, peine à assumer pleinement sa situation, cherchant toujours à expliquer qu’il avait un poids décisif dans la conduite de l’Etat lorsqu’il était premier secrétaire du PS au côté de Lionel Jospin chef de gouvernement. Le candidat socialiste paraît sur la défensive, or plusieurs grands dirigeants d’aujourd’hui n’ont jamais eu de responsabilités exécutives sur le plan national avant leur accession au pouvoir.

Ambitieux?

François Hollande a affiché deux importantes réformes. D’abord, sa priorité en faveur de l’école. Quoi de plus politique, de plus essentiel, en France, que l’éducation, celle de Jules Ferry, indissociable de notre modèle?

Alors, refonder l’école, c’est un peu sauver la République. Sur ce sujet, qui au départ ne le passionne pas, sa vision est très large: il installera un « grand ministère » de l’Education, de la Jeunesse et de l’Avenir et fera voter une « grande loi d’orientation » à l’automne.
Il veut diviser par deux le nombre de jeunes sortant du système scolaire sans qualification, offrir une solution à chaque jeune déscolarisé. Ses objectifs ont les défauts de leurs qualités. Ils peuvent laisser sceptiques sur leur faisabilité, financière et politique : saurait-il faire bouger le mammouth?

Hollande s’attaque ensuite à un autre gros morceau: le dialogue social, peu satisfaisant en France. Il propose d’accorder une grande autonomie aux syndicats et au patronat et a promis de consacrer cette nouvelle liberté en l’inscrivant dans la Constitution. Question : jusqu’où ira-t-il dans cette voie sans froisser une légitimité concurrente, celle des élus politiques?

Le candidat anticipe probablement le succès de ces deux réformes quand il fait la promesse – téméraire – d’inverser la courbe du chômage. Alors que le FMI table sur une hausse du nombre des demandeurs d’emploi jusqu’en 2013 au moins. En 2007, Nicolas Sarkozy avait promis de ramener le taux de chômage à 5 % à la fin du quinquennat. Il est aujourd’hui à 9,8 % et, si la crise est une explication, elle n’est pas une consolation.

Provocateur?

Nicolas Sarkozy a multiplié piques, attaques et bravades à l’adresse des syndicats. Longtemps, le chef de l’Etat s’est forgé l’image d’un homme de dialogue, organisant moult sommets sociaux à l’Elysée ou affichant sa complicité avec la CGT de Bernard Thibault. Depuis son entrée en campagne, Nicolas Sarkozy a voulu se réinventer en candidat capable de nourrir un lien direct avec les Français, assez courageux pour surmonter les blocages des corps intermédiaires.

Très vite, il suggère de recourir au référendum pour faire avancer les réformes que refuseraient les partenaires sociaux. Sa proposition agace. Mais l’exaspération est à son comble lorsqu’il accuse des équipes syndicales de terrain – celle d’ArcelorMittal, à Florange, notamment – de « trahir la confiance des salariés », « en faisant de la politique au lieu de [les] défendre ».

François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dénonce cette « démagogie populiste ». Nicolas Sarkozy n’en a cure, son objectif de campagne est atteint. Le 23 avril, il en rajoute en annonçant un grand rassemblement autour du « vrai travail » le 1er mai. S’il est élu, il aura bien des difficultés…

Dépensier?

François Hollande, s’il est élu, engagera 15 milliards d’euros de nouvelles dépenses et réduira les impôts de 5 milliards. Nicolas Sarkozy, lui, se contente de 4 milliards d’un côté et de 5,5 de l’autre.
Au total, 20 milliards pour la gauche et 9,5 milliards pour la droite.
Par ailleurs, les deux candidats se sont engagés à modérer l’augmentation de l’ensemble des dépenses afin de faire disparaître les déficits.

Là encore, Hollande est moins économe: avec lui, la hausse s’élèverait à 1% par an ; avec Sarkozy, à 0,4% seulement. Un quinquennat hollandais ferait progresser les dépenses de 165 milliards en cinq ans. Un nouveau mandat sarkozyste, de 100 milliards.

Ce constat mérite toutefois deux nuances. D’abord, le candidat du PS a posé comme condition à certaines réformes (ou à leur ampleur) le retour de la croissance. Ensuite, la modération de son concurrent doit être relativisée. Nicolas Sarkozy a le mérite d’être le plus précis dans les économies qu’il entend réaliser, mais l’Institut Montaigne a pointé une tendance à la survalorisation de celles-ci. Pourrait-on vraiment trouver 13 milliards dans l’assurance-maladie, ou 6 milliards en poursuivant la révision générale des politiques publiques?

Drôle?

Le socialiste l’emporte haut la main: ses mots d’esprit sont souvent subtils, son sens de la repartie est quasi inégalable. Il lui arrive de rire de lui-même, ce qui n’est pas donné à tous les responsables politiques. En tant que non-expert, Lionel Jospin avait assuré au premier secrétaire du PS de l’époque que son humour le perdrait.

De son côté, Nicolas Sarkozy, après avoir rappelé que les Français n’enverraient pas Guy Bedos à l’Elysée, s’est mis, dans la dernière ligne droite, à faire quelques sketchs au cours de ses petits meetings, ceux que la télévision ne peut retransmettre. Avec de vrais airs de Louis de Funès. Et il a marqué d’un humour inédit son passage au Petit Journal de Canal +.

Macho?

Pour les deux, la parité est une figure imposée plus qu’une conviction intime. François Hollande n’a pas pu éviter un petit couac sur le sujet, lorsqu’il a indiqué que ce serait « un bon principe que d’avoir autant d’hommes que de femmes dans un gouvernement », tout en précisant que « cela ne veut pas dire que les responsabilités seraient les mêmes »! Nicolas Sarkozy a certes promu des femmes dans son gouvernement, mais il s’est peu à peu éloigné de ses engagements de 2007 et a toujours gardé un entourage très majoritairement masculin. Pour les deux, confiance est un mot du genre masculin.

Copieur?

Le candidat de droite n’a pas peur de faire de la « triangulation » – mot savant du vocabulaire politique pour dire qu’il copie ses concurrents.

A François Hollande, il a ainsi emprunté l’encadrement des loyers sur le modèle allemand ; il a également épousé son offensive antiriches. Après la taxation à 75 % des revenus de plus de 1 million d’euros, lancée par le socialiste, le candidat UMP a riposté avec l’impôt minimal sur les grands groupes et la taxation des exilés fiscaux.

L’alignement s’est poursuivi avec la question de la Banque centrale européenne (BCE): le 15 avril, Nicolas Sarkozy affirme qu’il veut réorienter son rôle dans un sens plus favorable à la croissance.
Surprise, car le chef de l’Etat avait pris l’engagement de ne pas aborder publiquement le sujet, afin de ne pas froisser son partenaire allemand. Double surprise, même, car le candidat UMP marche sur les traces de Hollande, qui a déjà fait cette promesse dans son projet, présenté le 26 janvier. Mais l’emprunt de Sarkozy à son adversaire est moins flagrant qu’il n’y paraît.

En 2007 déjà, le candidat UMP voulait réformer les statuts de la BCE. Face à la difficulté de la tâche, il y avait renoncé. Sur ce sujet, droite et gauche ont une inspiration commune. La seule différence tient à son expression : prudente quand elles sont au pouvoir, très explicite quand elles font campagne.

Imaginatif?

Copier les autres n’empêche pas Nicolas Sarkozy d’être créatif. Il part toujours d’un principe: ce n’est pas parce que cela n’a jamais été fait qu’il ne faut pas le tenter.

Au contraire, tout ce qui est neuf lui paraît supérieur, presque par définition, puisqu’il s’agit avant tout de casser les codes.

Ce fut longtemps l’un de ses atouts. Après dix ans de présence sur le devant de la scène publique, son imagination commence toutefois à se tarir sérieusement: les grosses surprises promises pour sa campagne ont rarement été à la hauteur.

Il n’empêche, le chef de l’Etat continue d’échafauder des scénarios de réformes. Il n’est pas encore réélu qu’il a, par exemple, façonné un dispositif détaillé pour l’élection de nouveaux membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.

Répressif?

Nicolas Sarkozy en a toujours fait sa marque de fabrique. La fin de campagne l’a encouragé sur cette pente. Le candidat a accumulé les gages en faveur de la Droite populaire, avec l’objectif à peine caché – mais vain – de plumer la volaille FN.

Le président – qui a constamment manifesté son empathie avec les victimes – propose de leur accorder le droit de contester les décisions pénales, tant aux assises qu’en correctionnelle. Il veut aussi étendre aux « réitérants » (ceux qui commettent plusieurs délits différents) la loi de 2007 sur les peines planchers, concernant actuellement les seuls récidivistes (délits identiques). Enfin, il annonce la construction de 24 000 places de prison supplémentaires.

Sur le terrain sécuritaire, François Hollande n’avance qu’une proposition: le doublement du nombre de centres éducatifs fermés.

Mitterrandien?

François Hollande, bien sûr, place ses pas dans ceux du seul président socialiste de la Ve République, se référant sans cesse à l’épopée de 1981, adoptant jusqu’à ses attitudes en meeting. Nicolas Sarkozy, lui, emprunte au Mitterrand de 1988 (sa « Lettre aux Français »). Interrogé par France Inter, le 17 avril, sur sa cote de popularité en berne, il a invoqué… François Mitterrand, qualifié jadis d' »homme le plus haï de France ».

Gaulliste?

Bien que formé au RPR, Nicolas Sarkozy ne s’était jamais réclamé des mânes de Charles de Gaulle. Aujourd’hui, à l’écouter dans ses meetings, le plus gaulliste, c’est lui!

« La France de Victor Hugo et du général de Gaulle […], cette France, c’est la vôtre », a-t-il proclamé, le 15 avril, sur la place de la Concorde, autre symbole gaulliste.

François Hollande n’est pas en reste. Dans son livre Changer de destin (Robert Laffont), il « confesse » avoir regardé « avec respect » cet « homme d’Etat qui confondait sa personne et le destin national ».

Chiraquien?

Sarkozy a succédé à Jacques Chirac à l’Elysée ; Hollande, en Corrèze. Mais le président sortant n’a cessé de faire de son prédécesseur un antimodèle, tandis que le socialiste s’est bien gardé de critiquer la gestion tranquille de Jacques Chirac pendant ses deux mandats.

Ce n’est donc pas parce qu’il essayait d’égaler Hollande sur le terrain de l’humour que l’ancien chef de l’Etat a dit vouloir voter pour le socialiste. Comme le reste du clan, à l’exception de son épouse, Bernadette. C’est à elle que son mari a donné procuration pour voter le 22 avril…

Par François Koch, Agnès Laurent, Corinne Lhaïk, Eric Mandonnet, Marie-Caroline Missir, Romain Rosso, L’Express.fr

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