François Hollande. © Reuters

« Hollande ne parvient pas à assumer la fonction de président »

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Pour Vincent Laborderie, assistant à l’UCL, 2014 est l’année du virage social-libéral de François Hollande. Et l’étalage de ses mésaventures sentimentales confirme l’idée qu’il y a « erreur de casting ».

Vincent Laborderie, politologue français, assistant à l’UCL, décrypte pour Le Vif/L’Express le bilan de l’année 2014 pour François Hollande et le gouvernement français.

Levif.be : 2014 restera-t-elle comme l’année où la France a pris un virage social-libéral avec la mise en application du Pacte de responsabilité et avec l’accession au poste de Premier ministre de Manuel Valls, le départ d’Arnaud Montebourg et son remplacement par Emmanuel Macron à l’Economie ?

Vincent Laborderie : Le virage est effectivement tout à fait clair, mais il ne concerne pas que la gauche française. Traditionnellement, le PS français était, avec le PS wallon, l’un des derniers partis socialistes à ne pas avoir modifié son discours et à ne pas avoir fait sa mue sociale-démocrate. Même si la rupture avec le capitalisme était, dans la pratique, abandonnée depuis 1983, le discours perdurait. François Hollande décrivant « la finance » comme son premier ennemi durant sa campagne électorale en est la meilleure illustration. Le contraste avec un Manuel Valls allant proclamer à Londres « My government is pro-business » est saisissant. Même si elle est moins forte, la pratique évolue aussi avec une stratégie « sociale-libérale » qui n’a plus besoin de se cacher. Valls et Macron se situent sur la même ligne que Matteo Renzi en Italie sur ce point.

Les mesures du nouveau gouvernement ont suscité des oppositions à l’intérieur du Parti socialiste français. Pensez-vous que cette fronde restera contenue ?

C’est la grande question et il est très difficile d’y répondre actuellement. Il y aura logiquement un bras de fer entre les « frondeurs » et le gouvernement. Les premiers tenteront d’infléchir la politique du second en menaçant de le faire chuter. Mais cette menace n’est pas très crédible. Le PS – frondeurs compris – serait laminé en cas d’élections anticipées. Et je serais très étonné qu’un changement de cap et de direction se produise à l’intérieur du parti socialiste, qui conduirait Hollande à changer de Premier ministre. Pour le meilleur et pour le pire, la France reste dans un régime présidentiel.

François Hollande avait promis d’infléchir la politique européenne en adjoignant un solide volet croissance à la politique de rigueur budgétaire. A-t-il échoué et, si oui, pourquoi ?

Il a effectivement échoué, pour l’instant. Probablement parce qu’il a eu raison trop tôt sur ce point. Au moment où il est arrivé au pouvoir, le débat sur la relance au niveau européen avait véritablement pris seulement en France. Les choses ont bien évolué depuis.

L’année a également été émaillée de « scandales » (Thomas Thévenoud, Aquillino Morelle, Kader Arif). En France, la gauche est-elle aussi sensible à la tentation de l’enrichissement et aux privilèges que la droite ?

Bien sûr, et ça ne concerne pas que la France. Le problème vient surtout de personnes qui n’ont jamais travaillé en dehors de la politique et qui n’ont plus vraiment le sens des réalités. Beaucoup de mandataires, de gauche comme de droite, ont eu une sorte de parcours tout tracé qui les amène à considérer les avantages dont ils disposent et leurs rémunérations – parfois exorbitantes par rapport au travail fourni – comme tout à fait normaux.

Les aventures et déboires sentimentaux de François Hollande, étalés sur la place publique, ont-ils eu un impact sur son crédit ou sur sa politique ?

Non, pas vraiment. Cela aurait pu avoir un réel impact si François Hollande avait été populaire au moment où ces éléments avaient été révélés. En l’occurrence, ça l’a enfoncé encore un peu plus, mais la partie non-politisée de l’électorat avait déjà une mauvaise image de lui. Cela a simplement confirmé l’idée globale que, comme président de la République, François Hollande est une erreur de casting : au-delà de la politique qu’il mène, il ne parvient pas à assumer la fonction. Mais les choses peuvent encore changer d’ici à 2017.

Lire l’analyse sur la situation en France à l’occasion de la rétrospective « 2014, l’année de toutes les provocations » dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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