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Hollande: « Je vais vous confier un secret, j’aime les gens »

Au Bourget, devant 19 000 supporteurs, s’est tenu le premier grand meeting du candidat PS à la présidentielle. Avec un objectif: reprendre la main. Opération réussie.

Il devait rassurer ses troupes après des semaines de turbulences et de couacs. C’est chose faite. Le candidat du PS n’a pas perdu de temps. Une heure et demi de discours. « Je veux parler la France », lance-t-il en préambule devant 19000 supporteurs, dont le ban et l’arrière-ban du PS d’aujourd’hui (Ségolène Royal, Martine Aubry, Laurent Fabius) et d’hier (Lionel Jospin, Edith Cresson).
Le verbe solennel, la gestuelle déterminée, il remonte le fil de son existence depuis ses premières années, quand, enfant à Rouen, il fut élevé dans une « famille plutôt conservatrice ». « La gauche je ne l’ai pas reçue en héritage, je l’ai choisie », confie-t-il. Puis, il rappelle ses premiers combats électoraux dans une terre acquise à Jacques Chirac, la Corrèze. Le storrytelling est clair: le rendez-vous de 2012 est un aboutissement, le fruit d’une vie, mais s’il n’est pas « un vorace du pouvoir », assure-t-il.

Déjà dans l’après-présidentielle

Se raconter pour mieux se démarquer de ses adversaires. « Je vais vous confier mon secret: j’aime les gens quand d’autres sont fascinés par l’argent. » Suivez son regard. Reprenant un thème cher à François Mitterrand, Hollande a taclé, sans jamais le nommer Nicolas Sarkozy. Il n’a pas non plus désigné nommément Marine Le Pen. Ou François Bayrou.

Non, François Hollande faisait mine de se projeter déjà dans la France d’après mai 2012. Par moments, il semblait anticiper une victoire, annonçant d’ores et déjà les contours de son quinquennat: un premier déplacement en Allemagne pour prôner auprès d’Angela Merkel une renégociation du traité européen – l’intéressée appréciera; une participation au sommet de l’Otan pour annoncer le départ des troupes d’Afghanistan; une première série de mesures pour réguler le système financier.

Sur ce sujet, François Hollande a haussé la voix: « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, de visage. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. » C’est l’occasion pour lui d’entrer de plain-pied dans son programme. Et qu’importe si ses proches répétaient depuis plusieurs jours qu’il ne fallait pas attendre de cette réunion du Bourget la présentation de son projet.

À gauche toute

Le voilà qui égrène sans attendre les grands axes de son projet dans une ambiance survoltée, où les mots de l’orateur étaient sans cesse recouverts par les vociférations des cornes de brume. Europe, nucléaire, fiscalité, logement. François Hollande a balayé tous les sujets. Déterminé – il s’est à peine arrêté de parler pour savourer les « François président » -, il a tracé sa route, et tant pis s’il a fallu égratigner les siens. Ainsi, sur le 21 avril 2002, il a affirmé « avoir tiré toutes les leçons de cette blessure ». Ajoutant: « Je ne laisserai pas les ouvriers aller vers une famille politique, qui n’a jamais rien fait pour eux ». Au premier rang, Lionel Jospin n’a pas dû en perdre une miette.

Moqué pour son « flou » ou ses accents de « radical-socialiste », François Hollande a cette fois-ci dévoilé des tonalités de gauche décomplexée, prônant l’encadrement des loyers, la fin des bonus financiers et la fiscalité pour les plus hauts revenus. Quitte à mobiliser avec un brin de mauvaise foi l’Histoire à son profit. L’élu a ainsi salué l’esprit de résistance de ces Corréziens pendus à Tulle en 1944, un événement célébré chaque année dans son département. La voix vibrante, Hollande dit avoir chaque nom en tête. Et ajout « Eux, ils ne demandaient pas de stock-options. »

Par Matthieu Deprieck et Marcelo Wesfreid

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