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Grèce : le « mouvement des patates » déclare la guerre à la vie chère

Des tonnes de pomme de terre à prix cassés grâce à la vente directe au consommateur : le « mouvement des patates » secoue la Grèce ankylosée par des années de spirale inflationniste qu’ont favorisée des citoyens peu regardants à la dépense.

Les images d’élégantes en talons traînant un filet de pommes de terre jusqu’à leur voiture, de familles entassant des filets dans leurs chariots, ont fait le tour des médias grecs.

Samedi, comme le week-end précédent, un collectif d’habitants de Pieria (nord) a livré des dizaines de tonnes de pommes de terre commandées directement aux producteurs en court-circuitant les intermédiaires.

Réservables sur internet, les stocks ont été vendus en quelques heures. Les pommes de terre sont proposées à 25 centimes d’euro le kilo contre 70 au moins au supermarché, un prix également favorable aux agriculteurs auxquels les intermédiaires proposaient 10 à 15 centimes le kilo, selon les initiateurs du projet.

L’huile d’olive, le riz, la farine

La démarche a été copiée dans les villes de Volos, Larissa, Veria et jusque dans la banlieue d’Athènes. Le groupe de Pieria vise désormais des achats groupés d’huile d’olive, de riz, de farine.

Evangelia Kekelia se sent moins seule. Cette passionaria de la défense du consommateur, secrétaire générale d’une des principales associations grecques du secteur, KEPKA, a longtemps eu l’impression de prêcher dans le désert. « Les Grecs n’ont aucune culture de l’action collective. Ils critiquent mais attendent tout des autres », déplore-t-elle.

Une étude comparative menée par KEPKA, en 2008 puis 2009, dans une même enseigne de supermarché à Berlin et Athènes a désigné la capitale allemande comme 30% moins chère pour la plupart des produits de base, selon Mme Kekelia.

En 2008, une enquête européenne de la Chambre de commerce grecque recoupait cette analyse. Les Grecs payaient alors la farine 1,40 euro contre 0,49 à 1,09 euro ailleurs dans l’UE.

Or, malgré la cinquième année de récession consécutive qui se profile en Grèce et des baisses de revenus généralisées, « les prix ne baissent pas vraiment », observe Angelos Tsakanikas de l’institut patronal IOBE.

Le gouvernement a prévu pour 2012 un ralentissement de l’inflation à 0,6%, mais en 2010, celle-ci avait fait un bond de 4,7% après une rafale de taxes décidées dans le cadre de la cure d’austérité administrée au pays.

Et Athènes a gagné entre 2010 et 2011 dix places dans le classement des villes les plus chères du monde, rapportait mi-février le journal Ta Nea, citant The Economist.

Les importateurs/distributeurs imposent des prix élevés

La structure oligopolistique du marché grec est l’une des clefs d’explication du coût de la vie, explique un bon connaisseur de l’économie du pays. « Les petits commerçants sont très nombreux mais les marchands de gros et les importateurs/distributeurs, en nombre réduit, imposent des prix élevés », note cet observateur, rappelant la dépendance de la Grèce aux importations.

« Ce pays ne connaît pas la concurrence », s’agace Evangelia Kekelia assurant qu’à cause des transporteurs routiers grecs, l’une des nombreuses professions protégées que le gouvernement a entrepris de libéraliser, « un trajet entre Athènes et le nord du pays revient au même prix qu’un transport jusqu’à Amsterdam ».

Elle dénonce également les pratiques des multinationales qui « facturent leurs produits aux filiales grecques à des prix anormalement élevés ».

Des dérives auxquelles l’Etat grec n’a opposé que son laxisme et le consommateur sa passivité.

Le Vif.be, avec Belga

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