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Grèce: la fermeture de la télévision publique, « du jamais vu dans une démocratie »

Le Vif

L’annonce de la fermeture des chaînes de la télévision publique grecque ERT, mardi, suscite une forte émotion. Un appel à la grève générale a été lancé pour jeudi. La réaction de Stathis Kouvelakis, chercheur grec en philosophie politique.

Quelle est la portée de la fermeture de la chaine publique ERT?

Annoncer le matin la fermeture de toutes les chaines publique pour le soir même, c’est du jamais vu dans une démocratie parlementaire. Seules les dictatures procèdent de la sorte. Le ton triomphaliste avec lequel le porte-parole du gouvernement, Simos Kedikoglou, a fait cette annonce était particulièrement choquant. Des milliers de gens sont descendus dans les rues tant à Athènes que dans les autres villes et un appel à la grève générale a été lancé pour jeudi. Le climat est explosif.

Pourquoi le gouvernement a-t-il agi de la sorte?

La situation des médias est assez particulière en Grèce. L’audiovisuel est aux mains de grands groupes liés à l’État, comme Mega ou Antenna. Face à eux, la télévision publique offrait un espace de relative ouverture. C’est pourquoi on se demande à Athènes si une décision si radicale n’est pas liée à la lutte politique pour le contrôle des médias et pour la distribution de fréquences au privé. On a l’impression que les autorités se sentent libres de faire n’importe quoi. Il s’agit d’une fuite en avant du gouvernement qui multiplie les mesures autoritaires depuis quelques mois. Le Premier ministre conservateur Antonis Samaras a également procédé de la sorte en brisant des grèves, en procédant à des réquisitions extrêmement brutales. Mais il joue gros.

Le décret qui décide la fermeture des chaines publiques procède de la seule initiative de la Nouvelle démocratie (ND) d’Antonis Samaras. La mesure n’a pas été validée par le parlement. Or le Premier ministre est à la tête d’une coalition avec le Pasok et Dima, qui ne la soutiennent pas.
Non seulement ce coup de force est illégitime sur le plan moral, mais même sa légitimité formelle est en cause. Il sera pourtant difficile à la droite de revenir en arrière sans entraîner sa propre chute.

La télévision publique est accusée d’être un foyer de clientélisme politique…

Il y a sans doute beaucoup à dire sur les méthodes de gestion de la télévision publique. Mais les partis qui sont aux manettes aujourd’hui le sont depuis des décennies. Ils ne peuvent pas faire comme s’ils n’étaient pour rien dans ces pratiques. Ils en portent une bonne part de responsabilité. Ce n’est certainement pas une raison pour procéder comme ils l’ont fait.

Propos recueillis par Catherine Gouëset

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