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G-B : l’ex-ministre des Affaires étrangères accusé de complicité de torture

Abdelhakim Belhaj, commandant militaire de Tripoli accuse Jack Straw, ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement de Tony Blair, d’avoir autorisé son transfert en Libye où il a subi des mauvais traitements.

L’ex-ministre travailliste Jack Straw aurait autorisé les services secrets britanniques à donner à la CIA les informations permettant d’arrêter Abdelhakim Belhaj, commandant militaire de Tripoli et Sami al-Saadi, un ex-opposant libyen. Il aurait, par ailleurs, autorité la CIA à faire escale sur l’île britannique de Diego Garcia, dans l’Océan indien avant de les livrer au régime de Mouammar Kadhafi.

Abdelhakim Belhaj a été arrêté, en 2004, avec son épouse Fatima, à Bangkok, en Thailande. A cette époque, le leader du Groupe islamique combattant libyen vivait en exil en Asie. Alors qu’il cherchait à se rendre au Royaume-Uni pour demander l’asile politique, il avait été interpellé par les services secrets américains et britanniques qui considéraient le groupe qu’il dirigeait comme proche d’Al-Qaida. Renvoyé en Libye, il avait été emprisonné dans la prison d’Abu Salim, proche de Tripoli. Sami al-Saadi, affirme, quant à lui, que des agents britanniques ont participé à son interpellation à Hong Kong en 2004.

« Sous-traitance » de la torture

Ces arrestations ont été réalisées dans le cadre de la politique américaine d’extraordinary rendition (restitutions extraordinaires). Utilisées depuis 1995, mais intensifiées après les attentats du 11 septembre, ces opérations menées par la CIA visent à transférer les terroristes présumés dans des pays où la torture est pratiquée. Les nations alliées aux Etats-Unis dans la « guerre » contre le terrorisme (Maroc, Jordanie, Afghanistan, Ouzbékistan, Syrie, Libye…) constituaient de véritables bases de sous-traitance de la détention. Dans un rapport de 2006 sur ce sujet, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne notaient que sept Etats membres, dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et la Turquie, pouvaient être « tenus pour responsables, à des degrés divers, de violations des droits des personnes ».

La plainte déposée en civil contre Jack Straw par les deux opposants libyens est une première, selon les avocats de Abdelhakim Belhadj : aucun ministre des Affaires étrangères n’a été poursuivi pour une affaire d’une telle ampleur. La déposition fait suite à la publication d’un article dans le Sunday Times du 15 avril. Selon certaines sources, citées par les journalistes, les services secrets britanniques auraient mis au courant le ministre de l’interception de Abdelhakim Belhadj par la CIA en vue de le remettre au régime libyen. Les avocats du Libyen réclament à Jack Straw des documents cités dans cet article, les notes envoyées à l’époque au régime libyen ainsi que ses notes personnelles entre 2004 et 2010.

Jack Straw s’est refusé pour le moment à tout commentaire. Interrogé, l’année dernière, par la BBC, il avait déclaré :  » Le gouvernement travailliste était opposé à la torture et à toute méthode similaire (…) Nous n’avons pas été complices ni n’avons fermé les yeux. (…) Aucun ministre des Affaires étrangères ne peut connaître tous les détails de ce que les services de renseignement font à un moment donné « .

Fin 2011, les deux héros de la révolution libyenne avaient déjà entrepris des poursuites en justice contre le chef des services secrets de l’époque, Mark Allen, et le gouvernement britannique.
1,2 million d’euros pour éviter une embarrassante audition ?
Selon le quotidien The Guardian, le MI6 avait, d’ailleurs, offert plus de 1,2 million d’euros à Abdelhakim Belhadj afin d’éviter une embarrassante audition devant la justice.

Une lettre compromettante de Sir Mark Allen, datée du 18 mars 2004, avait été découverte à Tripoli. Le chef du contre-espionnage écrivait à Moussa Koussa, ex-chef des renseignements du colonel Kadhafi: « Je vous félicite pour l’arrivée sécurisée de Abu Abdullah al-Sadiq [un nom utilisé par Belhadj]. C’était la moindre des choses que nous puissions faire pour vous et pour la Libye afin de démontrer la relation remarquable que nous avons construite pendant des années. »

Le MI6 avait cependant assuré qu’il avait obtenu le feu vert du ministère des Affaires étrangères pour ces  » restitutions extraordinaires « .

Marina Rafenberg, L’Express.fr

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