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François Fillon écrase la primaire de droite

Le Vif

Le conservateur François Fillon a triomphé à la primaire de la droite en France avec son programme libéral et ses « valeurs françaises », prenant une sérieuse option dans la course à la présidentielle de 2017.

Avec une gauche au pouvoir en miettes, l’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy (2007-2012) pourrait affronter au second tour de la présidentielle, le 7 mai, la candidate d’extrême droite Marine Le Pen. Même si la victoire du populiste américain Donald Trump a donné des ailes à cette dernière, les sondages la donnent pour le moment battue à l’issue du scrutin.

Selon la dernière enquête sur le sujet réalisée par Harris Interactive, François Fillon devancerait Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle, prévue le 23 avril, avec 26% contre 24%, loin devant le président socialiste sortant François Hollande ou son Premier ministre Manuel Valls (9%).

« C’est une victoire de fond, bâtie sur des convictions (…) La France ne supporte pas son décrochage, la France veut la vérité et la France veut des actes », a déclaré dimanche soir M. Fillon, 62 ans.

Le nouvel homme fort de la droite a remercié ceux qui « ont trouvé en (lui) les valeurs françaises » et donné « rendez-vous à tous ceux qui ont dans le coeur la fierté d’être Français ».

« La gauche, c’est l’échec. L’extrême droite, c’est la faillite », a-t-il dit. Marine Le Pen, elle, voit comme un « très bon candidat » celui qu’elle qualifie de « porte-parole de ce que l’UE a produit de pire en terme d’idéologie ».

A gauche, les regards sont tournés vers le président Hollande, englué dans une impopularité record et contesté dans son propre camp. Il doit annoncer d’ici mi-décembre s’il brigue un second mandat, mais son Premier ministre Manuel Valls n’exclut pas de l’affronter.

« Fillon est capable de refabriquer du clivage gauche-droite avec un positionnement droitier et libéral », estime le politologue Frédéric Dabi, qui pointe cependant la « balkanisation » de la gauche.

Selon les résultats portant sur la quasi-totalité des bureaux de vote (10.008 sur 10.229), François Fillon, homme austère à la mise classique, a pulvérisé le second tour de la primaire avec 66,5% des voix, contre 33,5% pour l’ex-Premier ministre (1995-1997) Alain Juppé, 71 ans.

Le perdant a immédiatement souhaité la victoire de son rival à la présidentielle, tout en plaidant pour une « France apaisée et réconciliée ».

‘Renaissance’

Conservateur sur les questions de société, ardent défenseur des valeurs familiales et de l’autorité de l’Etat, M. Fillon est un catholique assumé. Celui qui n’a jamais caché son admiration pour la dame de fer britannique Margaret Thatcher veut « désétatiser » la France.

Les électeurs se sont pressés pour cette primaire inédite à droite, avec plus de 4 millions de votants au premier comme au second tour.

A la surprise générale, François Fillon était arrivé largement en tête au premier tour. Il avait depuis engrangé de nombreux soutiens, dont celui de Nicolas Sarkozy.

Longtemps donné favori mais lourdement battu à l’arrivée, Alain Juppé s’était montré offensif entre les deux tours, dénonçant la promesse « impossible » de son rival de supprimer un demi-million de postes de fonctionnaires en cinq ans et taclant son profil « traditionnaliste ».

François Fillon s’est engagé à ne pas revenir sur le droit à l’avortement, mais a émis des réserves personnelles sur le sujet compte tenu de sa foi. Il bénéficie du soutien des opposants au mariage homosexuel.

Son projet présenté comme « radical » a largement convaincu. « Il faut un changement complet de logiciel », a-il insisté dimanche. Tous les ténors de la droite se sont rassemblés derrière lui. Pour le quotidien français Libération (gauche) de lundi, sa victoire est d’ailleurs « adroite et très à droite ».

Selon le politologue Jean-Yves Camus, son programme devrait néanmoins « bouger un petit peu pour être plus rassembleur, moins clivant, notamment sur les aspects socio-économiques ».

Les centristes demandent des éclaircissements sur le volet social de son programme. L’ex-protégé de François Hollande, Emmanuel Macron, qui a quitté le gouvernement pour faire cavalier seul à la présidentielle avec un mouvement transpartisan, a lui appelé « tous les progressistes de droite » à le rejoindre.

La presse de lundi, à l’instar du quotidien économique Les Echos, dresse un parallèle ravageur: « une fusée décolle, l’autre s’autodétruit. Jamais la droite et la gauche n’auront paru autant aux antipodes qu’en cette journée du dimanche 27 novembre 2016 ».

Environ 150 Français ont fêté la victoire de François Fillon à Bruxelles

A l’initiative du comité de soutien de François Fillon en Belgique, environ 150 personnes se sont rassemblées, dimanche soir au Penta hôtel à Saint-Gilles, pour suivre les résultats de la primaire de droite.

Quelques représentants du MR étaient présents – parmi lesquels Delphine Bourgeois et Alain Destexhe – ainsi qu’André-Pierre Puget, député wallon liégeois indépendant anciennement du Parti populaire. A l’annonce des premiers résultats, les militants ont crié de joie « Fillon président ».

Anne Monseu-Ducarme, représentante du comité, explique cette victoire écrasante par le positionnement de son adversaire: « Juppé c’est tout en rondeur. C’est le compromis un peu comme en Belgique. On séduit la gauche, le centre et on ne sait plus où on va ». Georges-Francis Seingry, autre responsable du comité de soutien, estime que le pragmatisme de ses propos rompt avec toute langue de bois : « François Fillon a tenu un discours de vérité depuis le début. Cela lui a valu d’être mis à l’écart très longtemps par les médias, parce qu’il avait un discours politiquement incorrect, sur l’immigration, la fonction publique française, sur la dette française… Quand il a été nommé Premier ministre de Nicolas Sarkozy, la première chose qu’il a dite c’est que la France était en état de faillite. C’est la seule personnalité française qui a osé le dire. Il dit oui à l’immigration, mais avec des quotas pour qu’on puisse intégrer les immigrés et pas que ça se fasse dans tous les sens et qu’on aboutisse à des camps comme Calais où on ne gère plus rien. Je pense que c’est le discours que les Français voulaient entendre. La réponse a été que la France le suit lui et pas les relais d’opinion ». Il a bon espoir de le voir remporter l’élection présidentielle : « On verra en janvier avec les primaires de la gauche, mais si elle en ressort encore divisée, ce n’est jamais très bon pour gagner une élection. »

Anne Monseu-Ducarme répond des critiques sur ses croyances personnelles : « Il a des convictions religieuses, mais elles ne me gênent pas tant qu’elles ne rejaillissent pas sur l’Etat. Bien qu’il ne soit pas favorable à titre personnel à l’avortement, il a promu des lois pour le droit des femmes pour protéger la prise en charge de l’avortement. Dans un Etat laïque, chacun a le droit d’avoir des convictions religieuses ». Sur l’adoption par des couples homosexuels, elle ne voit pas de débordement de ses croyances catholiques : « Il veut le respect de la famille, et ce n’est pas antinomique avec le mariage homosexuel. Il n’est question que d’adoption plénière, mais il ne revient pas sur la possibilité d’adopter. »

Le programme de Fillon, libéral en économie, conservateur sur la société

Le candidat de la droite française à l’élection présidentielle de 2017, François Fillon, défend un programme conservateur sur les questions de société et très libéral en économie, avec une cure d’austérité sévère et un grand retour aux valeurs traditionnelles.

100 milliards d’euros d’économie

Son objectif est d’économiser 100 milliards d’euros en cinq ans sur les dépenses publiques, ce qui se traduira par une réduction de 500.000 postes dans le service public, sur un total de 5,4 millions dépendant de l’Etat. L’âge de la retraite serait repoussé de 62 ans à 65 ans.

François Fillon compte aussi s’attaquer au système de protection sociale publique, auquel les Français sont très attachés. Il veut concentrer les remboursements de l’assurance-maladie sur « les affections graves et de longue durée », le reste incombant aux assurances privées.

La fiscalité des entreprises serait allégée, dans l’idée de les rendre plus compétitives, l’impôt sur la fortune (ISF) supprimé et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) augmentée de deux points.

Fin des 35 heures, chômage dégressif

Son projet « radical » promet d’en finir très rapidement avec la durée légale du temps de travail de 35 heures hebdomadaires, mesure phare de la gauche, régulièrement contestée depuis son entrée en vigueur il y a plus de quinze ans.

Il prévoit un retour aux 39 heures -payée 37- pour les fonctionnaires et entend laisser à la négociation la durée du temps de travail dans les entreprises, dans la limite des 48 heures par semaine fixée par le droit européen.

Il veut diviser par deux le nombre de chômeurs. Le montant des allocations chômage sera dégressif.

La famille au centre

François Fillon, qui revendique sa foi catholique, promeut une vision traditionnelle de la famille. Il veut rétablir des avantages pour les familles les plus aisées supprimés par la gauche, il s’oppose à la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les lesbiennes, il rejette la gestation pour autrui.

François Fillon promet de ne pas toucher au droit à l’avortement, même s’il s’y oppose à titre personnel, compte tenu de sa foi.

Un Etat fort, une immigration contrôlée

Pour « rétablir l’autorité de l’Etat », une enveloppe de 12 milliards d’euros supplémentaires est prévue pour la police et la justice. François Fillon est favorable à une police municipale armée.

Il veut empêcher le retour en France des jihadistes partis combattre à l’étranger et leur retirer la nationalité française. Les étrangers « appartenant à la mouvance terroriste » seraient expulsés.

L’immigration doit être contrôlée, avec la mise en place de quotas, et l’accès des étrangers aux prestations sociales limitée.

François Fillon réfute l’idée d’une France multiculturelle: « en tout cas c’est pas le choix que nous avons fait, nous n’avons pas fait le choix du communautarisme, du multiculturalisme. »

L’ancien Premier ministre (2007-2012) considère aussi qu' »il y a un problème lié à l’islam », « une montée de l’intégrisme musulman dans la société française » et veut fermer les mosquées salafistes.

Se rapprocher de la Russie

Ardent défenseur d’une France « forte » au sein de l’Europe, M. Fillon, qui a de bonnes relations avec Vladimir Poutine, veut renouer le dialogue avec Moscou et voit la Russie comme une alliée face à la menace représentée par le groupe État islamique. Cela n’exclut pas de « renouer une relation franche et solide » avec les États-Unis. Sur le dossier syrien, il soutient l’idée de ne pas exclure le régime de Bachar el-Assad du règlement du conflit.

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