L'église de Saint-Etienne-du-Rouvray © AFP

Un prêtre tué dans une église par « deux terroristes se réclamant de Daech »

Un prêtre a été tué mardi lors d’une prise d’otages dans une église à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans le nord-ouest de la France, une attaque qui accroît encore la tension dans ce pays qui a été la cible récente d’une série d’attentats jihadistes. Ce que l’on sait.

Les auteurs de la prise d’otage dans une église à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans le nord-ouest de la France, au cours de laquelle un prêtre a été égorgé, sont « deux terroristes se réclamant de Daech » (groupe Etat islamique), a annoncé mardi le président François Hollande, qui s’est rendu sur place.

« Ce sont les catholiques qui ont été frappés, mais ce sont tous les Français qui sont concernés », a déclaré le chef de l’Etat, en appelant les Français, déjà ébranlés par l’attentat de Nice du 14-Juillet, à la « cohésion » face au terrorisme et faire « un bloc que personne ne doit pouvoir fissurer ».

Le président François Hollande a décidé de se rendre immédiatement sur place, près de Rouen, la ville dont il est originaire.

Voici ce que l’on sait de l’attaque mardi contre une église en France dans laquelle un prêtre octogénaire a été égorgé et une autre personne très grièvement blessée.

Le déroulement des faits

Deux hommes sont arrivés dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Normandie, nord-ouest), une commune de 29.000 habitants située dans l’agglomération de Rouen, à l’heure de la messe matinale. Ils ont pris en otages cinq personnes qui se trouvaient à l’intérieur, ont tué un prêtre et grièvement blessé une autre personne.

En sortant de l’église, les deux preneurs d’otages se sont retrouvés face à face avec des policiers de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) de Rouen qui les ont abattus.

Le Raid, unité d’élite de la police nationale, réalisait en fin de matinée des opérations pour s’assurer que rien n’avait été piégé, qu’aucun dispositif explosif n’avait été placé à l’intérieur ou autour de l’édifice.

Les auteurs

L’attaque a été perpétrée par deux hommes, tués par les policiers. Il s’agissait de « deux terroristes se réclamant de Daech » (acronyme du groupe jihadiste Etat islamique), a affirmé le président François Hollande.

La section antiterroriste du parquet de Paris s’est saisie de l’enquête, confiée à la Sous-direction antiterroriste (SDAT) et à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

L'église de Saint-Etienne-du-Rouvray
L’église de Saint-Etienne-du-Rouvray© AFP

Les victimes

Le Père Jacques Hamel, prêtre auxiliaire de la paroisse, a été égorgé. D’après l’archevêque de Rouen, il est âgé de 84 ans, mais selon le site internet du diocèse de Rouen, il est né en 1930, à Darnétal, une commune proche de Saint-Etienne du Rouvray. Ordonné prêtre en 1958, il a fêté son jubilé d’or en 2008, peut-on lire sur le site du diocèse.

Auguste Moanda-Phuati, abbé titulaire dans cette église, l’a présenté sur la radio RTL comme un « prêtre à la retraite qui donne encore des coups de main ». Plutôt que de partir à la retraite, Jacques Hamel « a préféré rester sur place et continuer à travailler ». Le prêtre est « très bien connu parce que ça fait plusieurs années qu’il est là », a ajouté M. Moanda-Phuati.

L’archevêque de Rouen a évoqué une communauté paroissiale « très choquée ». La mairie de Saint-Etienne-du-Rouvray a ouvert une cellule psychologique.

La cible

Les lieux de culte, parmi lesquels les 45.000 églises catholiques en France, sont parmi les cibles de l’organisation Etat islamique.

L’attaque de mardi rappelle le projet d’attentat ayant visé une église catholique de Villejuif (banlieue sud de Paris), déjoué en avril 2015. Un étudiant algérien de 24 ans, Sid Ahmed Ghlam, soupçonné d’avoir voulu prendre pour cible cette église et d’avoir tué une jeune femme sur son passage, avait été arrêté.

« L’innommable arrive »

Le Vatican a réagi à l’attaque de mardi en se disant « particulièrement frappé parce que cette violence horrible est intervenue dans une église, un lieu sacré où s’annonce l’amour de Dieu ».

Le pape s’associe à « la douleur et à l’horreur », a indiqué le Vatican, en condamnant « un meurtre barbare » dans « un lieu sacré où s’annonce l’amour de Dieu ».

Cette prise d’otages dans un édifice religieux survient aussi le jour de l’ouverture à Cracovie (Pologne) des Journées mondiales de la jeunesse, grand rassemblement catholique auquel doit participer le pape François.

« Je crie vers Dieu, avec tous les hommes de bonne volonté. J’ose inviter les non-croyants à s’unir à ce cri », a indiqué dans un communiqué l’archevêque de Rouen, Dominique Lebrun, depuis Cracovie. « L’innommable arrive », a-t-il aussi affirmé en Pologne.

L’EI cible régulièrement dans sa propagande et ses communiqués de revendication les dirigeants « croisés » occidentaux et « le royaume de la Croix », expression semblant désigner l’Europe.

La menace d’une attaque contre un lieu de culte chrétien planait depuis plus d’un an en France, notamment depuis l’échec d’un projet d’attentat en avril 2015 contre une église catholique de Villejuif, en banlieue parisienne.

Un étudiant algérien de 24 ans, Sid Ahmed Ghlam, est soupçonné d’avoir voulu prendre pour cible cette église, et peut-être d’autres lieux de culte catholiques en région parisienne. L’homme avait été arrêté avant qu’il ne puisse mettre son projet à exécution.

Après le projet d’attaque à Villejuif, le gouvernement avait annoncé une « adaptation » du dispositif de lutte antiterroriste concernant les lieux de culte catholiques. Mais si les quelque 700 écoles et synagogues juives et plus de 1.000 des 2.500 mosquées sont protégées dans le cadre de l’opération militaire Sentinelle, il paraît illusoire d’appliquer un même niveau de sécurité à la totalité des 45.000 églises catholiques, auxquelles s’ajoutent 4.000 temples protestants, dont 2.600 évangéliques, et 150 lieux de culte orthodoxes.

Menace permanente

Frappée trois fois en dix-huit mois par des attentats sans précédent (17 morts en janvier 2015, 130 morts le 13 novembre, 84 morts le 14 juillet), la France vit dans la crainte de nouvelles attaques risquant de fracturer davantage la société.

Depuis l’attentat de Nice (sud-est), le gouvernement socialiste a été accusé par la droite et l’extrême droite de n’avoir pas assez pris en compte le niveau de la menace terroriste.

Dans l’opinion, la colère a aussi pris le pas sur le sentiment d’unité nationale qui avait prévalu lors des deux premières attaques de masse de 2015.

Depuis plus d’un an, plusieurs projets d’attentat de masse ont été déjoués mais des attaques ciblées, telles le double meurtre de policiers à leur domicile près de Paris en juin, ont profondément choqué la France. Manuel Valls a prévenu le 19 juillet que la France devait s’attendre à « d’autres attentats et de nouveaux innocents tués », donnant du grain à moudre à ses détracteurs qui l’accusent de « fatalisme ».

Depuis les carnages jihadistes de 2015, les autorités ont prolongé plusieurs fois l’état d’urgence, un régime d’exception permettant notamment des assignations à résidence, entré en vigueur dans la foulée des attentats de Paris en novembre 2015.

Ce régime court jusqu’en janvier.

Le groupe Etat islamique, qui perd du terrain en Irak et en Syrie où il a proclamé un califat en 2014, a menacé régulièrement la France de représailles pour sa participation à la coalition militaire internationale dans ces deux pays.

L’EI a appelé en outre à frapper les « mécréants » partout où cela est possible et le groupe cherche à s’exporter en Europe grâce aux jihadistes qui reviennent de Syrie avec pour mandat de mener des opérations sur le sol européen. Mais des attaques ont aussi été perpétrées par des hommes radicalisés ne s’étant jamais rendus en Syrie, comme l’auteur de la tuerie de Nice.

Deux perquisitions, au moins une interpellation

Deux perquisitions ont été menées mardi à Saint-Étienne-du-Rouvray, près de Rouen (Normandie), où un prêtre a été égorgé dans une église lors d’une prise d’otages, et au moins une personne a été interpellée, ont constaté des photographes de l’AFP.

Lors d’une première perquisition, à 300 mètres à peine de l’église où s’est déroulé le drame, au moins une interpellation a eu lieu, a constaté un photographe de l’AFP. Selon une source proche de l’enquête, il s’agit du domicile d’un des présumés auteurs de la prise d’otages. Selon des témoins sur place, une autre interpellation avait eu lieu précédemment, en début d’après-midi. Peu avant 18h00, le dispositif a été levé sur les lieux de cette première perquisition.

Une autre perquisition était en cours mardi soir dans une zone résidentielle des quartiers nord de la commune, a constaté un autre photographe de l’AFP.

Selon un voisin, il s’agirait du domicile des parents de l’un des deux présumés preneurs d’otage.

« Je l’ai vu pour la dernière fois vendredi. Il jouait au foot dans son jardin. Il ne nous parlait jamais. Il a un frère handicapé mental, je pensais qu’il l’était aussi. On savait qu’il voulait aller en Syrie », a expliqué à une journaliste de l’AFP ce voisin, qui a souhaité conserver l’anonymat.

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