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France : un médecin acquitté pour l’euthanasie de sept patients en fin de vie

Le Vif

Le médecin urgentiste français Nicolas Bonnemaison, poursuivi pour avoir abrégé la vie de sept malades en phase terminale, a été acquitté mercredi de l’ensemble des faits par la cour d’assises de Pau (sud-ouest).

Le docteur Bonnemaison « a été acquitté de la totalité des faits » qui lui étaient reprochés, a annoncé le président de la cour d’assises de Pau (sud-ouest) à l’issue de quelque quatre heures de délibéré, provoquant un tonnerre d’applaudissements dans la salle.

Ce verdict survient au lendemain d’une décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme ordonnant le maintien en vie de Vincent Lambert, un tétraplégique en état végétatif, à la demande de ses parents mais contre l’avis de son épouse et de ses médecins. Le Conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative en France, avait autorisé quelques heures plus tôt l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielle de Vincent Lambert. La décision de la CEDH, prise en urgence en attendant de se prononcer sur le fond – ce qui pourrait prendre plusieurs mois -, a suscité une vive émotion en France. « On peut parler d’acharnement judiciaire » a déploré Jean Léonetti, auteur d’une loi qui encadre la fin de vie en France en autorisant l’arrêt des traitement en cas d' »obstination déraisonnable ».

Mais les parents de Vincent Lambert invoquent le « droit à la vie » inscrit dans la convention européenne des droits de l’Homme. A ce jour, « la CEDH ne s’est jamais prononcée directement », en termes de valeurs, sur l’euthanasie ou la fin de vie, souligne l’avocat français Patrice Spinosi.

Alors que l’euthanasie reste interdite en France, Nicolas Bonnemaison, 53 ans, ancien médecin urgentiste à l’hôpital de Bayonne, était poursuivi pour sept « empoisonnements » de malades très âgés et en fin de vie en 2010 et 2011, en leur administrant des médicaments ayant accéléré leur mort, sans en référer ni aux familles ni à son équipe. Il risquait la réclusion criminelle à perpétuité.

A l’issue de onze jours d’audience, l’avocat général Marc Mariée n’avait requis qu’une peine de cinq ans de prison éventuellement assortie du sursis et n’avait pas demandé d’interdiction d’exercer la médecine. Dans son réquisitoire très modéré, il avait affirmé que l’accusé n’était « pas un assassin » « au sens commun du terme ».

« Vous avez agi en médecin, mais en médecin qui s’est trompé », avait-il ajouté. « J’ai agi en médecin comme je le conçois » a déclaré Nicolas Bonnemaison mercredi. « J’estime que cela fait partie du devoir du médecin d’accompagner ses patients jusqu’au bout du bout », a-t-il dit.
Un des avocats de la défense, Benoît Ducos-Ader, avait exhorté les jurés à imiter la « justice qui montre le chemin à la loi », comme jadis avant la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), quand les cours d’assises acquittaient les avorteuses, les « tricoteuses » ou « faiseuses d’anges » pourtant réprimées par le code pénal.

Ce procès intervient alors que le parlement français doit examiner avant la fin de l’année de possibles aménagements à la loi sur la fin de vie. Les avocats du Dr Bonnemaison ont estimé que son acquittement était une décision « énorme » qui obligera les politiques à « aller plus vite » sur la législation en matière de fin de vie. Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a estimé que l’affaire Bonnemaison « confortait » la volonté du gouvernement de « faire évoluer le cadre législatif ».

Bernard Kouchner, ex-ministre de la Santé et médecin, qui en son temps fit bouger les lignes avec ses « French doctors » sans frontières allant soigner en plein conflit sans autorisation, est venu à Pau défendre les « illégalités fécondes » et la « transgression » de médecins qui aident et soignent. Une autre ancienne ministre, la socialiste Michèle Delaunay, médecin dans un service de cancérologie, est venue dire qu’il y aurait toujours « un interstice libre pour la conscience » du médecin seul face à l’agonie.

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