Juppé et Fillon, adversaires de la primaire de la droite en France © Reuters

France: Sarkozy éliminé, la future candidature de droite à la présidentielle se joue entre Fillon et Juppé

Le Vif

Après la défaite cuisante de l’ex-président Nicolas Sarkozy, la campagne pour la primaire de la droite française, qui vise à désigner son candidat pour la présidentielle de 2017, reprend lundi avec un duel entre deux ex-Premiers ministres.

François Fillon, Premier ministre durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy (2007-2012), a été plébiscité au premier tour de la primaire avec plus de 44% des suffrages et fait désormais figure de favori.

Au second tour dimanche il affrontera Alain Juppé (28,6% des voix), lui aussi ancien Premier ministre, de 1995 à 1997 sous la présidence de Jacques Chirac (1995-2007). Mais celui-ci aura du mal à rattraper son retard.

La première primaire de la droite de l’histoire a été marquée par une forte mobilisation des électeurs, avec environ 4 millions de participants, attirés par l’enjeu crucial du scrutin.

Selon les sondages actuels, la gauche au pouvoir, en miettes, risque en effet d’être éliminée dès le premier tour de la présidentielle en avril 2017, et elle laisserait place à un duel au second tour entre le champion de la droite et la chef de l’extrême droite Marine Le Pen.

Les sondages donnent aujourd’hui le candidat de la droite vainqueur, mais la victoire surprise du républicain Donald Trump à la présidentielle américaine et le vote britannique pour le Brexit incitent à la prudence.

Sarkozy, la retraite à 62 ans

Nicolas Sarkozy lors d'un mééting le 14 février 2016
Nicolas Sarkozy lors d’un mééting le 14 février 2016© Reuters

Arrivé troisième de la primaire, M. Sarkozy a été éliminé sans appel (20,6%), actant son retrait de la vie politique. Il a immédiatement annoncé qu’il voterait pour François Fillon, laissant ses électeurs « libres » de leur choix mais en les exhortant à « ne jamais emprunter la voie des extrêmes ». « Nicolas Sarkozy, la retraite à 62 ans », s’amusait lundi le quotidien français Libération, titrant sur « la chute » de l’ancien président.

Longtemps distancé dans les sondages, auteur d’une fulgurante remontée dans les deux dernières semaines, François Fillon est arrivé en tête dans 87 départements sur 101.

Longtemps marginalisé par le duel annoncé Juppé-Sarkozy, cet homme discret de 62 ans, à l’image austère, a déjoué les pronostics. Lui qui avait dit en 2007 être à la tête d’un « Etat en situation de faillite » porte un projet très libéral sur le plan économique: suppression d’un demi-million de postes de fonctionnaires, resserrement des aides sociales,…

Ce catholique, père de cinq enfants, est très conservateur sur les questions de société. Il veut déchoir de leur nationalité les Français partis faire le jihad, fixer des quotas annuels d’immigrés et amender la loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels.

Face à lui Alain Juppé, 71 ans, distancé mais pugnace, a promis un « combat projet contre projet » avec François Fillon, dont il a tardivement attaqué le programme en fin de campagne. Jusqu’à récemment M. Juppé, favori des sondages, se consacrait surtout à se distinguer de Nicolas Sarkozy avec un discours pondéré, refusant de diviser ou de « dresser le peuple contre les élites », et avait sous-estimé François Fillon.

« Programme le moins crédible »

Ce dernier a « le programme le moins crédible », cinglait dès la semaine dernière le maire de Bordeaux (sud-ouest). Les deux hommes en découdront directement jeudi soir lors d’un ultime débat télévisé.

Les soutiens de M. Juppé ont déjà commencé à décocher leurs flèches. « Je suis frappé par les incohérences du projet économique de François Fillon, inquiet de ses orientations diplomatiques. Sa proximité avec (le président russe Vladimir) Poutine est contraire aux intérêts de la France et à ceux des chrétiens d’Orient », a par exemple lâché le député de droite Hervé Mariton.

Un sondage Opinionway diffusé dimanche soir donnait M. Fillon vainqueur à 54% face à M. Juppé (46%) lors du second tour.

Les résultats définitifs du premier tour seront connus lundi en fin de matinée, mais ne devraient plus beaucoup bouger.

La gauche et le FN ont également commencé à réorienter leurs attaques vers M. Fillon. Le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, voit en lui le tenant d’une « thatchérisation de la droite ». Pour le FN, David Rachline, le directeur de campagne de la candidate Marine Le Pen, a brocardé un « programme économique délirant ».

Alain Juppé, le comeback contrarié du vieux sage

France: Sarkozy éliminé, la future candidature de droite à la présidentielle se joue entre Fillon et Juppé
© Image Globe
L’ancien Premier ministre français Alain Juppé, finaliste de la primaire de la droite, est revenu au premier plan dix ans après avoir été enterré en politique, mais son comeback risque fort d’être contrarié par un autre Premier ministre, François Fillon.

Cinq fois ministre, chef de gouvernement, député, eurodéputé, chef de parti et maire d’une des plus grandes villes de France, Bordeaux (sud-ouest): il ne manque que la présidence sur le curriculum d’Alain Juppé.

Mais pour porter les couleurs de la droite lors de la présidentielle de 2017, il devra battre François Fillon, arrivé en tête du premier tour de la primaire de ce camp dimanche. Et l’écart est tel que la tâche s’annonce difficile

A 71 ans, cet homme brillant – « c’est le meilleur d’entre nous », disait son mentor, l’ex-président Jacques Chirac – a réussi à gommer son image d’homme raide, froid et cassant, (« droit dans ses bottes », dit-il) et à incarner le vieux sage rassembleur.

Dans la campagne de la primaire, ce chantre de « l’identité heureuse » a tenu un discours pondéré, refusant de « dresser le peuple contre les élites », qui lui a valu le soutien de la droite modérée, du centre et d’une partie de la gauche.

Longtemps donné en tête dans les sondages, il a sans doute été pénalisé par sa « campagne un peu plan-plan » au fort goût de « tisane », selon ses détracteurs.

Mais il ne s’agit pas du premier revers pour cet homme, qui avait été donné pour mort en politique il y a une dizaine d’années.

Sa carrière, météorite dans les années 80, a buté sur la colère de la rue en 1995, quand il était Premier ministre. Des millions de personnes battent alors le pavé contre ses réformes sociales lors des plus grandes manifestations de l’après-guerre.

En 2004, son destin semble définitivement scellé quand il écope d’un an d’inéligibilité pour une affaire d’emplois fictifs à la mairie de Paris. Privé de ses mandats, il s’exile au Canada pour enseigner.

Redevenu éligible en décembre 2005, il récupère en 2006 la mairie de Bordeaux, qui devient la vitrine de son action et lui sert de base-arrière pour reconquérir le pouvoir.

Paradoxalement, c’est l’élection de son rival à droite Nicolas Sarkozy en 2007 qui le remet au premier plan, en tant que ministre de l’Ecologie, puis de la Défense et des Affaires étrangères.

En 2012, l’échec de Nicolas Sarkozy à se faire réélire entraîne une guerre des chefs au sein de la droite et il est appelé en médiateur.

Marié à deux reprises, il est père de trois enfants.

François Fillon, la revanche du « collaborateur »

Nicolas Sarkozy et François Fillon
Nicolas Sarkozy et François Fillon© AFP
L’ancien Premier ministre français François Fillon, largement arrivé en tête du premier tour de la primaire de la droite, a fait dimanche un pas majeur vers la conquête de la présidence en 2017.

« Le Premier ministre est un collaborateur, le patron c’est moi », avait lancé à son sujet le président Nicolas Sarkozy en 2007. Pendant cinq ans, François Fillon, peu friand des caméras, a dirigé le gouvernement français dans l’ombre de l’hyper-président.

Dix ans plus tard, cet homme discret, sérieux et austère qui se dit « inénervable », s’est émancipé de cette tutelle écrasante. A 62 ans, il a réussi à créer la surprise en s’imposant largement en tête dans une primaire qui s’annonçait comme un duel entre son ancien « patron » et l’ancien Premier ministre Alain Juppé.

Sûr de lui, François Fillon assurait cette semaine qu’il pouvait compter sur « un vote de fond, un vote d’adhésion à un programme carré », définit comme « la synthèse de la droite libérale et de la droite autoritaire ».

Lui qui, en 2007, se disait déjà à la tête d’un « Etat en situation de faillite » propose une cure d’économie radicale pour le pays: suppression d’un demi-million de postes de fonctionnaires, retour aux 39 heures de travail par semaine, etc.

Marié à une Galloise et père de cinq enfants, ce conservateur qui revendique sa foi catholique a également promis d’amender la loi ouvrant le mariage aux homosexuels. Il veut aussi réduire l’immigration « au strict minimum ».

Il jure n’avoir qu’une obsession, « la souveraineté nationale » et sa place sur la scène mondiale, ce qui le pousse à hausser le ton contre les Etats-Unis et à prôner un rapprochement avec la Russie.

Passionné de courses automobiles, ce fils de notaire diplômé en droit public, est entré dans le monde politique en 1976, en devenant assistant parlementaire d’un député. A la mort de celui-ci, quatre ans plus tard, il reprend sa circonscription et devient, à 27 ans, le plus jeune élu de l’Assemblée nationale.

Il sera ensuite plusieurs fois réélu dans son fief de la Sarthe (ouest) et prend peu à peu du galon dans son parti. De 1993 à 2005, il a été de tous les gouvernements de droite, à l’Enseignement supérieur, à l’Education et aux Affaires sociales.

Quand Nicolas Sarkozy échoue à se faire réélire en 2012, il tente de prendre les rênes du parti de droite UMP, mais son rival Jean-François Copé est déclaré vainqueur sur fond d’accusations de tricherie. Il envisage un temps d’entrer en dissidence, rentre finalement dans le rang et prépare méthodiquement sa revanche.

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