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France: la justice se saisit au plus haut niveau de la polémique sur le burkini

Le Vif

L’interdiction du burkini sur plusieurs plages françaises, très critiquée en France comme à l’étranger, doit être examinée jeudi par la plus haute juridiction administrative du pays, alors qu’au moins une musulmane portant un simple foulard a déjà été verbalisée.

Rattrapé par le dernier épisode du débat récurrent sur la place de l’islam en France, le Conseil d’Etat doit réunir trois juges qui devraient trancher dans les 48 heures et fixer ainsi un cadre légal très attendu.

Le Conseil a été saisi par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ainsi que le Collectif contre l’islamophobie (CCIF), après un arrêté anti-burkini pris dans une commune de la Côte d’Azur (sud-est), qui à l’instar d’une trentaine d’autres stations balnéaires françaises a décidé de bannir des plages les tenues non-respectueuses « des bonnes moeurs et de la laïcité ».

L’arrêté en question ne comporte pas noir sur blanc le terme « burkini », mais vise avant tout cette tenue de bain islamique, recouvrant le corps des cheveux aux chevilles.

Le texte a été validé par un tribunal administratif local, qui a jugé cette interdiction « nécessaire, adaptée et proportionnée » pour éviter des troubles à l’ordre public après la succession d’attentats en France, dont celui de Nice le 14 juillet (86 morts).

La juridiction locale a fait valoir que le port de ces tenues de bain pouvait « être ressenti comme une défiance ou une provocation exacerbant les tensions ressenties par la population ».

Ces arrêtés, publiquement soutenus par le Premier ministre Manuel Valls, « contribuent à légitimer ceux et celles qui regardent les Français musulmans comme un corps étranger à la nation », avait tempêté la LDH mi-août, en décidant de faire appel auprès du Conseil d’Etat.

En tant que plus haute juridiction administrative, cette institution a le dernier mot pour dire si les municipalités font bon usage du pouvoir de police prévu par le droit français pour « assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ».

La controverse a connu un nouveau souffle cette semaine alors qu’au moins une femme portant un simple foulard sur les cheveux a été verbalisée sur une plage de la Côte d’Azur.

– ‘Stigmatisations’ –

Cette mère de famille de 34 ans a reçu une contravention à Cannes alors qu’elle était sur la plage, en legging et tunique, coiffée d’un voile. Selon un témoin de la scène, la jeune femme a été invectivée par des passants. Elle a l’intention de contester l’amende.

Mercredi, la publication par un quotidien britannique de photos d’une femme, turban sur les cheveux, contrôlée sur une plage de Nice et soulevant sa tunique devant les policiers municipaux a encore jeté des braises sur le feu, soulevant l’indignation sur les réseaux sociaux et dans la presse étrangère.

Le Collectif contre l’islamophobie en France assure avoir, à ce jour, constitué 16 dossiers concernant des femmes voilées verbalisées alors que, selon l’association, aucune ne portait de vrai burkini.

A l’issue d’une rencontre sollicitée mercredi « en urgence » par le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech, le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a tenté de calmer le jeu en affirmant que ces arrêtés anti-burkini ne devaient pas conduire à « des stigmatisations » ou à dresser les Français « les uns contre les autres ».

En 2010, le Conseil d’Etat avait rendu son avis sur un autre projet polémique, émanant cette fois de l’exécutif: l’interdiction de la burqa. Il avait estimé qu’une « interdiction générale et absolue du port du voile intégral en tant que tel ne pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable ». Le gouvernement était passé outre.

La loi française interdit aujourd’hui sur tout le territoire de dissimuler son visage dans l’espace public, et de porter des signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

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