Emmanuel Macron. © AFP

France: gauche et droite craignent un raz-de-marée pro-Macron aux législatives

Le Vif

Les partis de gauche et de droite, qui se partagent le pouvoir en France depuis 60 ans, craignent d’être balayés dimanche au premier tour des législatives par un raz-de-marée des candidats du centriste Emmanuel Macron, un mois après sa large victoire à la présidentielle.

Au lendemain de son élection le 7 mai face à la dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen, les observateurs s’interrogeaient sur la capacité de cet homme de 39 ans, jamais élu auparavant, à obtenir une majorité aux législatives des 11 et 18 juin, avec un mouvement créé un an plus tôt.

Les sondages donnent désormais le parti de la majorité présidentielle, La République en Marche (REM), largement en tête avec 30% des intentions de vote, devant le parti de droite Les Républicains (20%) et le Front national (extrême droite, 18%).

La France insoumise du tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon obtiendrait 12,5%, loin devant le Parti socialiste de l’ancien président François Hollande (8%), plombé par une défaite historique au premier tour de la présidentielle.

Le parti REM, avec son allié centriste, le Modem de François Bayrou, obtiendrait ainsi une confortable majorité de 385 à 415 sièges dans la future Assemblée nationale, bien plus que la majorité absolue de 289 sièges (sur 577), selon les différents sondages.

Chez les adversaires d’Emmanuel Macron, on brandit la menace d’un « parti unique », de « l’absolutisme », du « chèque en blanc ».

« C’est pas facile de bien expliquer qu’on n’élit pas un empereur, qu’on élit un président (…). Un jeune président, ça a donné au pays un forme de respiration qui n’est pas inutile. Mais maintenant, il ne faut pas qu’il gouverne tout seul, il ne faut pas qu’il y ait un parti unique », a ainsi souligné l’ancien Premier ministre de droite Jean-Pierre Raffarin.

« Macronmania »

Le candidat malheureux du parti socialiste à la présidentielle, Benoît Hamon, a pour sa part dénoncé une « Macronmania » – formule reprise par l’hebdomadaire de droite l’Express qui ironise sur un président « qui marche sur l’eau » et vit depuis son élection « en état de grâce ».

Plus à gauche, Jean-Luc Mélenchon appelle les électeurs à ne pas donner à Macron « le pouvoir absolu » en dénonçant le flou de ses réformes.

Pour le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis, une « majorité absolue » de pro-Macron, comme celle qu’annoncent les sondages, « finit toujours dans l’absolutisme car il n’y aura plus de Parlement, le Parlement votera au canon et ça sera une chambre d’enregistrement ».

Pourtant, les derniers présidents élus (François Hollande en 2012, Nicolas Sarkozy en 2007, Jacques Chirac en 2002) ont eux aussi aussi bénéficié d’une majorité absolue aux législatives – les Français tendant logiquement à confirmer le choix exprimé à la présidentielle.

Mais la configuration du nouveau parlement sera très différente, du fait du renouvellement attendu: plus de 200 députés sortants sur 577 ne se représentent pas: c’est près du double de 2012 et le bouleversement pourrait être d’une ampleur comparable à celui de 1958, au tout début de la cinquième République (310 nouveaux députés élus).

« Face à une majorité législative atomisée et à des novices, vous aurez un pouvoir exécutif hyper-compétent », met en garde le politologue Jérôme Sainte-Marie, sondeur chez PollingVox.

« Dans ce gigantesque groupe parlementaire peuvent surgir des difficultés internes, différentes sensibilités » chez les députés, nuance Pascal Perrineau, chercheur au Cevipof. « Dans un premier temps cela peut apparaître comme un cadeau du ciel, mais dans un second comme une difficulté. Les députés novices comprendront-ils la logique de discipline du parti ? ».

Le désir de renouvellement exprimé par les Français et l’image positive du nouveau président semblent compenser le déficit de notoriété des nouveaux candidats présentés par REM et leur campagne très brève – beaucoup ont été investis après la présidentielle, ce qui leur a donné trois semaines pour labourer le terrain de leur circonscription.

Plusieurs ténors politiques sont mis en difficulté par ces nouveaux venus dans leurs fiefs, comme l’ancienne ministre écologiste Cécile Duflot, défiée par un candidat REM de 28 ans ou l’ancienne ministre de droite Nathalie Kosciusko-Morizet, donnée perdante au premier tour face à un entrepreneur sans expérience électorale.

« Si j’ose dire, aujourd’hui, on prend une chèvre avec une étiquette Macron et elle a de bonnes chances de se faire élire », ironisait cette semaine l’éditorialiste Christophe Barbier.

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