Jacques De Decker

France et l’absentéisme: où est la démocratie dans tout cela ?

Des bureaux de vote où des bénévoles dévoués attendent le chaland. Des images de ruées sur les plages où les citoyens se prélassent, laissant leur sort se jouer entre naïfs qui y croient encore. La gigantesque tragi-comédie que la France s’est jouée durant des mois (qui ont suffi à un enchanteur pour hypnotiser une nation et l’engager dans une nouvelle ère politique) s’est close sur ces images de désertion citoyenne manifeste. La question évidemment s’impose : et la démocratie dans tout cela ?

Un penseur italien, Raffaele Simone, s’est posé la question dans un livre paru il y a deux ans chez Garzanti, à Milan, et traduit chez Gallimard dans la collection Le Débat, émanation de la revue du même nom, véritable laboratoire d’idées que dirigent Maurice Gauchet et Pierre Nora. Il s’intitule Si la démocratie fait faillite, titre formulé au présent et non sous forme de question, ce qui n’est certainement pas fortuit de la part d’un auteur qui est initialement linguiste. Comme Chomsky, il a été mené de l’étude du langage à celle de la société.

Et le thème de son livre, il reconnaît le devoir à l’Académie royale de Belgique (mieux connue sous son nom historique de  » Thérésienne « ) où il avait été invité, en 2013, à un colloque sur le thème  » La démocratie enrayée  » (les actes en ont été publiés par l’ARB). Hervé Hasquin l’a d’ailleurs accueilli comme membre de la compagnie pas plus tard que le 17 juin.

Dans cet essai aussi lucide que pugnace, il diagnostique une  » crise historique  » de la démocratie, hypothèse maintes fois évoquée, mais qu’il détaille avec finesse, distinguant les  » ennemis intimes  » de la démocratie, ceux qu’elle engendre elle-même au nom de ses idéaux de tolérance, de liberté d’opinion et de protection des minorités, et épinglant en particulier les forces financières de taille planétaire qui peuvent se servir de l’hypothèse démocratique pour l’infiltrer,  » si bien que cette générosité relève du suicide « .

De sorte que la démocratie comme nous la connaissons se situerait dans un des  » intervalles du drame de l’humanité « , exactement entre la fin d’une guerre mondiale et une autre, moins cernable parce que diversifiée et dont Raffaele Simone détaille les composantes : immigration incontrôlée, exploitation catastrophique de la planète, capitalisme financier, surpopulation mondiale, terrorisme politique et criminalité organisée.

L’absentéisme massif des électeurs lors des législatives françaises est bien le symptôme de ce qu’il appelle une  » démocratie de basse intensité  » qui peut mener à la délégation du pouvoir à des castes, à une perte d’autorité du Parlement, à un désintérêt apathique du citoyen, à une uniformisation des médias, facteurs divers qui pourraient déboucher sur ce qu’il appelle une  » démocratie despotique « , nourrie par  » le désir archaïque de l’homme fort « . Tout cela fut écrit il y a deux ans, au moment où, un soir à Amiens, se mettait en place un mouvement qui allait s’appeler  » En marche ! « …

Si la démocratie fait faillite, Raffaele Simone, trad. de l’italien par Gérald Larché, 2016, Gallimard, 272 p.

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