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France : décryptage de l’affaire du bébé retrouvé dans un coffre

Le Vif

Une enfant d’au moins 15 mois a été retrouvée dans le coffre de la voiture de sa mère en Corrèze. Déshydratée, sale et nue. Son existence était ignorée de tous. Serge Hefez, pédopsychiatre, décrypte pour L’Express ce fait-divers hors du commun.

Un couple a été mis en examen en Corrèze après un cas invraisemblable de dissimulation d’enfant (une fille d’au moins 15 mois dont personne ne connaissait l’existence) dans un coffre de voiture. Avez-vous déjà eu affaire à des cas similaires dans votre carrière?

Serge Hefez: Si ce bébé a vraiment passé toute sa vie dans un coffre, c’est du jamais vu, une première.

Ce cas n’est pas comparable aux « enfants du placard »?

Ces enfants-là grandissent enfermés dans un placard. Ils sont donc physiquement dans la maison. Ils entendent, notamment, ce qu’il s’y passe et ont à proprement parler une fonction familiale: celle de bouc émissaire. Ces enfants maltraités cristallisent toute la haine du groupe, y compris celle des frères et soeurs qui, d’ailleurs, participent aux violences sur le modèle de leurs parents.

La dimension supplémentaire dans ce cas corrézien repose sur le fait que la fillette aurait été totalement dissimulée et mise hors champ de la famille, et surtout de la fratrie. Par rapport à Véronique Courjault, qui avait congelé ses bébés morts chez elle, c’est un cran au-dessus de la folie maternelle. Cette mère devait considérer cet enfant comme une mauvaise partie d’elle-même. A ce titre, elle ne pouvait ni le tuer, ni s’en débarrasser, ni l’élever. Elle le faisait « survivre ».

Quels liens unissent ces mères et leurs enfants boucs émissaires?

Le rapport de la mère à ces enfants est très particulier. Elle les garde pour les maltraiter. C’est une partie de soi que l’on maintient en vie pour s’exorciser. Cet attachement haineux est réciproque: tous les enfants maltraités, quel que soit le degré des violences infligées, cherchent à trouver un sens à ce que leurs parents leur ont fait subir. Ils se disent que ces mauvais traitements sont en quelque sorte leur façon à eux de les aimer.

Dans le cas dont on parle, on peut imaginer que mère et fille ont noué une relation très privilégiée dans ce coffre maudit. Peut-être cet espace clos était-il la représentation pour la mère de son espace à elle? Un peu comme si elle n’avait jamais accouché et que l’enfant était toujours à l’intérieur d’elle-même…

La seule certitude, à cette heure, est que ce bébé a, dès la naissance, été soumis à une succession de fusions et d’abandons. La mère était tantôt présente, tantôt absente. Et quand elle était absente, personne ne venait pallier ce manque.

Les séquelles seront nombreuses pour cette fillette de 15 mois…

Oui, il n’y a qu’à voir l’exemple des orphelinats roumains… Sans relation affective minimale avec un adulte, un enfant est privé de toutes ses capacités aussi bien psychiques qu’intellectuelles. Il part avec un gros handicap. C’est en effet dans le cadre du maternage (à l’initiative d’un homme ou d’une femme) que l’enfant se développe. S’il n’a pas d’existence, il s’expose à d’énormes problèmes affectifs mais également à un retard intellectuel.

Ces conséquences sont-elles irréversibles?

S’agissant de la reconstruction, il n’y a pas de règle. Tout dépend de la façon d’intégrer des éléments à son histoire. Certaines personnes se construisent solidement avec des histoires horribles, d’autres restent parasitées par des « petits » traumatismes de l’enfance. Une chose est sûre, on peut toujours se reconstruire de tout.

Et les frères et soeurs? En admettant qu’ils n’étaient pas courant de l’existence de cette petite soeur, peuvent-ils, à long terme, la reconnaître en tant qu’individu à part entière?

Pour cela, il faudrait d’abord qu’ils reconnaissent le côté effrayant de leur mère (ou de leur parent, en fonction de ce que dira l’enquête) mis à jour par cette affaire de dissimulation de quatrième enfant…

Autre paramètre à prendre en compte: ont-ils eux aussi été victimes de maltraitances [une enquête est en cours pour le déterminer, et en attendant les enfants, deux garçons de 9 et 10 ans, et une fille de 4 ans ont été confiés aux services sociaux?

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