Des membres du GIGN. © REUTERS

France: après le 13 novembre, une riposte anti-terroriste musclée mais difficile à évaluer

Le Vif

État d’urgence, lois anti-terroristes: après les attentats du 13-Novembre, la France a musclé comme jamais son arsenal juridique et policier face une menace inédite et protéiforme, mais l’efficacité du dispositif, parfois contesté comme liberticide, reste difficile à évaluer.

Déjà engagé après les attaques de janvier 2015, le renforcement concerne chaque étape de la chaîne sécuritaire et pénale, avec de nouveaux outils d’investigation et de répression, une surveillance des sites sensibles et des peines aggravées. Si cela n’a pas empêché de nouveaux attentats, et notamment l’attaque au camion qui a fait 86 morts le 14 juillet à Nice (sud), d’autres ont pu être évités, près de vingt attentats et projets en 2016, selon une source proche du dossier.

« Dans la guerre contre le terrorisme, notre arsenal pénal est complet », a estimé début octobre François Hollande en réponse à ceux qui, à droite, réclament un nouveau tour de vis, avec des centres de rétention pour les fichés S (pour « sûreté de l’État »), un parquet national anti-terroriste ou l’incarcération systématique des personnes poursuivies pour terrorisme.

La France n’a cessé depuis le 9 septembre 1986 de renforcer ses lois anti-terroristes mais les attentats du 13 novembre et la multiplication des candidats au djihad en Irak ou en Syrie ont conduit l’État à changer de braquet.

Pour la première fois depuis la guerre d’Algérie, l’état d’urgence, régime d’exception qui permet à l’autorité administrative (préfet, police) de prendre des mesures restreignant les libertés sans passer par l’autorité judiciaire, a été promulgué sur l’ensemble du territoire français. Il est toujours en vigueur, un an après.

4000 perquisitions

A ce jour, plus de 4.000 perquisitions ont été réalisées dans ce cadre et 89 personnes sont encore assignées à résidence, selon le ministère de l’Intérieur. Mais l’efficacité du dispositif a été relativisé par la commission d’enquête parlementaire sur les attentats qui l’a jugé « utile mais limitée » et s’amenuisant avec le temps.

Certaines associations et des magistrats dénoncent même un recul des libertés et de l’Etat de droit. D’autres textes ont renforcé le dispositif anti-terroriste dont la loi du 3 juin, présentée comme un « relais » de l’état d’urgence. François Hollande a en revanche dû abandonner, faute de majorité, son projet très controversé d’extension de la déchéance de nationalité aux binationaux « nés Français » et condamnés pour terrorisme.

Parmi les nouvelles mesures, les policiers sont désormais autorisés à perquisitionner de nuit les domiciles de suspects en cas de risque d’atteinte à la vie. Ils peuvent fouiller des bagages, retenir un individu durant quatre heures avant toute garde à vue pour examiner sa situation ou encore recourir à de nouveaux outils d’interception de communications. Ils peuvent aussi conserver leurs armes hors service et bénéficient d’un nouveau régime d’irresponsabilité pénale s’ils en font usage dans le cadre d’une action terroriste.

Perpétuité « incompressible »

Au plan judiciaire, les pouvoirs et moyens du parquet anti-terroriste ont été renforcés et la répression des infractions terroristes aggravée. Ainsi, les peines encourues dans certains dossiers d’association de malfaiteurs à visée terroriste, considérés non plus comme des délits mais comme des crimes, sont passées de dix à 30 ans.

Les cours d’assises pourront prononcer une perpétuité « incompressible » contre les auteurs de crimes terroristes en portant la période de sûreté jusqu’à 30 ans (contre 22 actuellement). En prison, le gouvernement a changé de cap, optant pour l’isolement et la dispersion des détenus radicalisés après l’expérience avortée de leurs regroupements dans des unités dédiées.

Depuis début 2016, quelque 360 personnes ont été interpellées dans des enquêtes anti-terroristes et plus de 350 procédures judiciaires (concernant près de 1.400 personnes) sont en cours. La progression est exponentielle: on comptait 26 dossiers en 2013 et 136 en 2015.

Face à cette déferlante, des magistrats ont déjà tiré la sonnette d’alarme redoutant à terme un engorgement des audiences sans un renforcement des moyens. Rien qu’en 2017, le nombre de procès pour terrorisme aux assises va doubler, à sept ou huit par an. Et, s’il n’est pas encore programmé, le procès pharaonique des attentats du 13-Novembre devrait battre tous les records avec plus de 1.400 parties civiles déclarées.

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