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Fin du monde: circulez, y’a rien à voir à Bugarach

Un insoutenable et aléatoire compte à rebours rapprochait Bugarach vendredi chaque minute davantage de l’élévation au salut cosmique ou de la rechute dans l’anonymat d’un petit village de l’Aude sans boulangerie et avec une agence postale ouverte seulement le matin. Au final: circulez, y’a rien à voir !

Après des siècles d’attente ou des mois de tapage médiatique selon qu’on croit ou pas à la fin du monde, une chose paraissait certaine: l’heure de la délivrance n’avait jamais été aussi proche en ce vendredi 21 décembre 2012 dans le petit village de Bugarach dans le sud de la France et cela se voyait sur les visages des habitants, plus détendus que les jours précédents.

Certains avaient pris leur parti de l’exaspérante frénésie en se déguisant en petits hommes verts, imités par des membres du club de 2CV de Perpignan venus en visiteurs après avoir, à l’évidence, anticipé la fin du monde et vidé leur cave à vin. Des militants locaux de la Confédération paysanne profitaient de la surreprésentation journalistique pour faire campagne contre l’aéroport de Notre-Dames-des-Landes.

Délivrés ! Du mal, des ondes négatives, de la fin du monde, pour ceux qui y croient. Les autres le seraient de la nuée de journalistes qui s’est abattue sur Bugarach et qui, pour un peu, leur ferait bel et bien croire à l’existence des maléfices.

Délivrés ! Oui, mais à quelle heure, se demandaient les uns comme les autres. Ce vendredi 21/12/2012 à 12H12, conjecturaient certains, à tort. 23H21, avançait un autre. Pas du tout, ce serait à 21H21, spéculait un habitant de Sougraigne, localité voisine. Le préfet Eric Freysselinard tablait plaisamment sur 0H32 samedi matin. Mais ce serviteur de l’Etat a assez montré, au cours des semaines écoulées, son incrédulité devant les prophéties qui faisaient de Bugarach et de son pic, point culminant du massif des Corbières avec ses 1.231 mètres, l’un des endroits du monde où il fallait être si l’on ne voulait pas disparaître le 21 décembre avec le reste de l’humanité.

Il a pris le parti que la continuité du service de l’Etat survivrait au 21 décembre en interdisant jusqu’à dimanche la montée au pic et en faisant filtrer les routes menant à Bugarach. Si quelques personnes ont été interpellées depuis le début de l’opération, les importantes forces de sécurité déployées pour parer à un éventuel afflux d’illuminés ou de curieux ont été plus fortes que la vieille peur apocalyptique ou l’éternel appétit de bizarrerie.

Deux individus ont été contrôlés en possession de machettes et de masques à gaz. Mais le préfet voulait croire qu’ils avaient voulu « tester le dispositif et jouer avec les forces de l’ordre ». Mais, décidément, samedi, soit 200 Bugarachois survivront dans un monde dévasté avec 300 journalistes, quelques dizaines de gendarmes pour les empêcher de vider les rancoeurs accumulées, et quelques inspirés qui auront eu raison contre tout le monde; soit ils seront débarrassés de cette notoriété importune.

Ils devraient reprendre alors le cours de leur vie bouleversée, au pied du pic, autour de l’église, entre le restaurant et la ferme-auberge ouverts à la belle saison, sans boulangerie, sans épicerie, avec ses querelles sur l’implantation d’éoliennes et les petites histoires d’un village comme tant d’autres, qui n’a cessé de se dépeupler depuis le millier d’âmes du 19ème siècle.

« Nous, on attend Noël », dit le maire Jean-Pierre Delord. Ceux qui croient aux forces supérieures auront beau jeu de dire aux agnostiques: vous n’avez rien compris, il n’a jamais été question de fin du monde, mais de révélation.

Belga

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