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Exécutions sommaires au nord du Mali, selon Human Rights Watch

De nombreux témoignages recueillis par l’ONG Human Rights Watch font état de procès sommaires et d’exactions subies par la population et perpétrées par les trois groupes islamistes contrôlant le nord du Mali

L’ONG Human Rights Watch a publié le 25 septembre un communiqué sur les exactions commises par les trois groupes islamistes armés -Ansar Dine, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi)- contrôlant le Nord du Mali.

Ce document, basé sur une centaine de témoignages réalisés dans la capitale malienne auprès de témoins ou victimes qui ont fui le nord du pays, fait état d’enrôlements de plusieurs centaines d’enfants dans les forces armées, d’exécutions sommaires, de lapidations et d’au moins huit amputations en guise de châtiment. L’ONG accuse les groupes rebelles d’imposer leur interprétation de la Charia à la population. « Les lapidations, les amputations et les flagellations sont devenues courantes dans une tentative évidente de forcer la population locale à adopter leur vision du monde. Pour imposer leur interprétation de la charia, ils ont également organisé une parodie de justice tragiquement cruelle et ont recruté et armé des enfants dont certains n’avaient que 12 ans », constate Corinne Dufka, chercheuse senior sur l’Afrique à Human Rights Watch pour qui « les groupes armés islamistes sont de plus en plus répressifs alors qu’ils resserrent leur emprise sur le nord du Mali. »

Parmi les multiples témoignages, l’ONG relate la lapidation à mort pour adultère, le 30 juillet à Aguelhoc, d’un homme marié et d’une femme avec laquelle il n’était pas marié, devant 200 personnes, d’après les informations disponibles. Beaucoup de châtiments seraient en effet pratiqués par la « police islamique » sur la place publique, alors que la police malienne, la gendarmerie et les responsables du système judiciaire ont fui le nord du Mali en avril. De nombreux témoins ont affirmé avoir vu des hommes et des femmes arrêtés et fouettés sur la place du marché pour avoir fumé, bu de l’alcool ou pour leur manière de s’habiller.

L’ONG a entre autres recueilli le témoignage d’ Alhader Ag Almahmoud, qui aurait subi une amputation de la main droite et du pied gauche après un procès sommaire pour « vol de bétail » dans la ville d’Ansongo: « En juillet dernier, un pick-up rempli d’hommes armés est arrivé chez moi. Les hommes ont expliqué qu’ils enquêtaient sur un vol de bétail et que leur enquête avait révélé des traces de motos près de l’endroit où les animaux avaient été volés et qui conduisaient à la maison. Ils m’ont installé moi et ma moto sur un camion avec cinq hommes armés. Ensuite ils m’ont placé dans leur prison à Ansango où je suis resté pendant deux semaines. Pendant ma détention, je n’ai jamais été interrogé, pas une seule question sur l’affaire. » Le 8 août, le villageois aurait subi un procès sommaire dans un palais de justice improvisé : « Le chef du MUJAO à Ansango a annoncé qu’ils devaient appliquer la charia, après quoi ils ont discuté de mon cas entre eux(…). Vers 15 heures, ils m’ont conduit sur la place publique, qui était pleine de monde. Ils m’ont lié les mains, les pieds et le torse fermement à une chaise (…). Le chef a lui-même coupé ma main comme s’il tuait un mouton. »

De nombreux témoignages relatent aussi l’interdiction de rassemblements publics : « En mai, nous étions assis dehors pour regarder la demi-finale de l’UEFA Champions League à la télé. Nous nous amusions, chacun encourageant son équipe et hurlant des « Allez ! ». Mais les islamistes sont venus et nous ont dit qu’il était interdit de regarder la télé en public », raconte un témoin qui a trouvé refuge à Bamako.

La publication de ce document intervient alors que la CEDEAO ( Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et Bamako ont conclu un accord en début de semaine sur le déploiement d’une force africaine au Mali. Un appui logistique et militaire de l’ONU a été discuté ce 26 septembre à New York lors d’une conférence internationale sur le Sahel, en marge de l’assemblée générale del’ONU.

F.I. (Stg.)

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