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Europe : et si on faisait comme Roosevelt ?

En 1933, Roosevelt lance son New Deal, pour sortir l’Amérique de la plus grave crise financière de son histoire. En 2012, un collectif de personnalités prône pareil pour l’Europe. Leur crédo et l’avis de quatre experts belges.

Arrivé à la Maison Blanche en 1933, en pleine crise mondiale consécutive au krach de 1929, Franklin Delano Roosevelt entreprend en trois mois plus de réformes que son prédécesseur n’en avait initiées durant tout son mandat ! Réforme des banques et des marchés financiers, relance de l’économie, soutien des plus pauvres et de l’emploi, lancement d’agences d’investissement gouvernementales… C’est le fameux « New Deal », marqué par une politique de relance interventionniste qui s’étale jusqu’en 1938 et reprend au lendemain de la guerre, en 1944. Un programme aussi courageux qu’ambitieux, pas exempt d’erreurs mais qui offrit aux Etats-Unis plusieurs décennies de prospérité sans dette. Un tel sursaut, un groupe de personnalités voudrait le voir se reproduire aujourd’hui en France et en Europe, sous l’impulsion du président François Hollande. Emmenés par l’ancien Premier ministre Michel Rocard, le philosophe Edgar Morin, l’économiste Pierre Larrouturou ou le polémiste Stéphane Hessel, des milliers de signataires lancent un appel aux réformes en profondeur de nos systèmes économiques et financiers, sous le titre « Roosevelt 2012 ». Le contexte économique est comparable à celui de l’époque, estiment-ils, et la crise aussi dramatique. Leurs 15 réformes d’inspiration souvent keynésienne sont adaptées au contexte actuel. Celui d’une économie planétaire, d’une Europe solidaire et d’une crise aux multiples facettes : économique et financière, sociale, écologique, démocratique…

Sont-elles applicables, réalistes, efficaces ? L’avis de quatre économistes belges de renom, dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Mise en bouche, maintenant : Bruno Colmant (UCL, Vlerick), Eric De Keuleneer (Solvay Business School, ULB), Ivan Van de Cloot (Itinera Institute) et Paul De Grauwe (London School of Economics) ont retenu chacun 3 des meilleurs propositions, à leurs yeux, du collectif Roosevelt 2012. En voici une, pour chacun d’eux.

Philippe Berkenbaum

Le détail des 15 réformes est sur www.roosevelt2012.fr

Bruno Colmant – Professeur à la Vlerick School et à l’UCL

Négocier un autre partage du temps de travail C’est tout à fait possible, certains pays l’ont fait beaucoup mieux que nous, comme la Hollande : son taux de chômage est quasiment égal à celui de la Belgique, mais plus de gens travaillent. Parce qu’ils ont promu le temps partiel, qui facilite l’entrée des jeunes sur le marché du travail et la mise à l’emploi des plus âgés. Ils étalent mieux la masse de travail dans le temps et entre les gens. On doit revoir aussi la fiscalité des revenus. J’ai toujours plaidé pour une fiscalité beaucoup plus incitative pour les jeunes et pour les plus âgés, pour les stimuler à travailler. Cela implique de mieux répartir la masse de l’impôt vers les travailleurs en milieu de vie, qui gagnent bien leur vie.

Eric De Keuleneer – Professeur à la Solvay Business School (ULB)

Déclarer la guerre au dérèglement climatique Il faut aller plus loin et introduire de solides taxes carbone frappant les énergies fossiles. Une fiscalité environnementale ne se limite pas à donner des subsides aux panneaux solaires et aux voitures à faibles émissions de CO2, qui coûtent très cher et entraînent des gabegies. Elle doit à la fois décourager l’utilisation des énergies fossiles et encourager celle d’énergies renouvelables d’une façon progressive, naturelle et qui rapporte de l’argent.

Ivan Van de Cloot – Economiste en chef, Itinera Institute

Sécuriser les précaires L’exemple du Danemark, qui offre à la fois une sécurité et un réel accompagnement pour les personnes au chômage – ce qu’on appelle le « flexicurity » -, implique une action forte pour accompagner les chômeurs vers un nouvel emploi. C’est un des grands enjeux pour la Belgique aussi. Il y a loin chez nous de la théorie à la pratique. Dans bien des cas, on ne peut pas parler d’un vrai accompagnement. Il faut investir dans cette mesure, pour toutes les catégories de chômeurs, également les plus de 50 ans.

Paul De Grauwe – Professeur à la London School of Economics

Redonner de l’oxygène aux Etats en diminuant les taux d’intérêt sur la dette C’est important, surtout pour les pays que la crise met dans des situations insoutenables et qui pourraient provoquer l’implosion de la zone euro. On peut le faire avec le soutien de la Banque centrale européenne, c’est tout à fait réaliste. La BCE ne le fait pas pour des raisons obscures : il n’y a aucun risque inflatoire dans ces pays. Et l’argument selon lequel un tel soutien les conduirait à diminuer leurs efforts de réduction des déficits et de la dette est fort exagéré : ils font déjà des efforts énormes, à mon sens trop élevés. L’austérité y atteint ses limites.

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