L'objectif du "Free State Project" est, à terme, de pouvoir peser sur l'assemblée représentative du New Hempshire, la plus grande des Etats-Unis. © DR

Etats-Unis : Ces citoyens qui défient le pouvoir pour plus de liberté

Stagiaire Le Vif

Aux USA, 20.000 personnes sont prêtes à dire  » non «  au pouvoir politique de Washington, jugé oppresseur et totalitaire. Leur but ? Créer une communauté nouvelle dans l’état du New Hampshire, loin d’un système qui ne leur ressemble plus.

Le 3 février 2016 est une date à marquer d’une pierre blanche dans la courte et singulière histoire du Free State Project, littéralement le « Projet pour un état libre ». C’est en effet mercredi dernier que cette organisation libertaire américaine, totalement opposée à toute forme d’autorité en provenance de Washington, a passé la barre des 20.000 adhérents.

Le Free quoi ?

Pour mieux comprendre l’ampleur du phénomène, une remise en contexte s’impose. Né en septembre 2001 de l’esprit d’une poignée d’idéalistes américains, le Free State Project s’est donné comme objectif d’unir toutes celles et ceux ayant perdu la foi en l’establishment américain. Jugeant la société gangrénée depuis trop longtemps par l’omniprésence « des armes, de la religion et des impôts », ces free staters entendent créer dans quelques années un non-état au coeur de celui du New Hampshire. Un comble quand on sait qu’il s’agit ni plus ni moins de la prochaine étape des primaires présidentielles, prévues ce mardi.

Le Free State Project a basé son développement sur deux étapes bien distinctes. La première vient d’atteindre son objectif, à savoir rassembler 20.000 personnes désireuses de participer à l’aventure, comme l’a déclaré Carla Gericke, l’actuelle présidente du projet : « Aujourd’hui (le 3 février), nous pouvons annoncer que le ‘Free State Project’ s’est enclenché pour de bon ! » Ce défi, rendu en partie possible grâce à une vaste campagne de sensibilisation, Trigger The Move, lancée il y a à peine deux ans, marque le début de la seconde étape. Mme Gericke précise que « les participants sont invités, dans les cinq prochaines années, à déménager dans le New Hampshire et y bâtir la première communauté d’intention basée sur la liberté. Une communauté fondée sur les principes de liberté qui peuvent être facilement résumé par la mentalité du ‘vivre et laissez vivre' ».

Pourquoi le New Hampshire ?

La réponse à cette question remonte aux premières heures du projet, lorsque ses initiateurs devaient poser les fondements matériels de leur future communauté. Le New Hampshire, état du Nord-Est américain bordé par le Québec, fut choisi lors d’un vote en 2003 pour les nombreux avantages qu’il présente. En tête de liste, un taux de prélèvement d’impôts assez bas, une faible dépendance aux dépenses de l’état fédéral ou encore une législature locale où siègent 400 représentants, la plus large du pays. Citons également un faible niveau de criminalité et une dynamique économique globalement positive pour attraits principaux.

À ce jour, environ 2.000 personnes ont déjà rejoint l’état pour commencer à constituer ce qu’ils appellent affectueusement le « Shire », tiré du New Hampshire et en référence directe à la communauté des Hobbits (la Comté en français) dans la saga du Seigneur des Anneaux. Si la volonté première de ces minuscules créatures créées par J.R.R Tolkien est de vivre en harmonie sans nuire à autrui, la constitution du Free State Project souligne une certaine volonté de faire bouger les choses, à commencer par les mentalités. « Avec 3.000 voire 4.000 personnes, notre base serait déjà suffisante pour contester tout ce que l’état compte de groupes d’activistes idéologiques, même rassemblés,confie Jason Sorens, professeur au Dartmouth College et fondateur du Projet. « 20.000 membres, comme c’est désormais le cas, pourraient transformer le New Hampshire en une véritable Suisse de l’Amérique du Nord ». Et, selon Carla Gericke, « pouvoir défier les patrouilles de police comme les percepteurs d’impôts ». Toujours de manière pacifique, évidemment.

La capitale américaine du Bitcoin

Signe supplémentaire de sa volonté de marquer la différence, le Free State Project a opté en 2013 pour le Bitcoin en tant que monnaie d’échange, au point de s’autoproclamer avant l’heure « capitale américaine » de la devise électronique. Si, à l’heure actuelle, leurs principaux montages financiers ont tous été déclarés non-conformes par la législation US, les Free Staters espèrent à l’avenir prôner plus d’ouverture d’esprit auprès des politiques locales.

Une attention en hausse

Animés par cette volonté de « conquête » politique et idéologique du New Hampshire, les membres du Free State Projet suscitent de plus en plus d’attention médiatique, au point d’en être mal vus par certains représentants du pouvoir local. «  Ces ‘Free Staters’ constituent aujourd’hui une menace grandissante pour notre état, a déclaré Cynthia Chase, une démocrate siégeant au parlement local, sur un forum de discussion américain. Il n’y a rien, légalement, que nous puissions faire pour les empêcher de venir s’installer pour conquérir le New Hampshire, leur objectif avoué, poursuit-elle. Notre meilleure option serait de voter des mesures restrictives de certaines libertés qu’ils pensent trouver en s’installant ici. L’environnement deviendrait alors tellement hostile qu’il dissuaderait certains de venir tout en persuadant d’autres de partir. »

Reste à savoir désormais comment cet « exode » de population en quête de renouveau va réellement prendre forme. Si le scepticisme, voire l’hostilité au projet existe au sein de la classe politique, Carla Gericke et ses 20.000 Free Staters peuvent compter sur un soutien de poids en la personne d’Edward Snowden. L’ancien employé de la NSA, traître pour les uns, héros pour les autres, sera accueilli en vidéoconférence le 18 février prochain au Liberty Forum de Manchester, la plus grande ville de l’État. Une rencontre forcément très attendue par les libertaires, qui ont élevé la figure du désormais exilé russe au rang de symbole de leur cause ; la recherche d’une liberté que beaucoup estiment de moins en moins tolérée.

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Guillaume Alvarez

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