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Etat d’urgence en Equateur, le président Correa blessé

Le gouvernement a décrété l’état d’urgence jeudi en Equateur, où le président Rafael Correa a dénoncé une « tentative de coup d’Etat » de militaires et de policiers, qui mécontents de la suppression de certaines primes, se sont emparés de l’aéroport et du Congrès à Quito.

« Ceci est une tentative de coup d’Etat menée par l’opposition et certains secteurs des forces armées et de la police », proches de l’ancien président Lucio Gutierrez renversé en 2005, a déclaré M. Correa à une télévision locale, après la prise de l’aéroport et du Congrès par des membres des forces de l’ordre.

« Des policiers tentent d’entrer dans ma chambre par le toit (…) Au cas où il m’arrive quelque chose, je veux dire que mon amour pour la patrie est sans limites et que j’aimerai toujours ma famille, où que je sois », a-t-il ajouté, alors que son hôpital était encerclé par des policiers rebelles.

Ces derniers ont ensuite envoyé une délégation pour discuter avec le chef de l’Etat socialiste, confronté à sa plus grave crise depuis son arrivée au pouvoir en 2007, selon l’agence officielle Andes.

Le vice-président équatorien, Lenin Moreno, a déclaré à la télévision locale que des policiers rebelles avaient tenté de séquestrer Correa.

Des dizaines de sympathisants de Correa se sont aussi rendus à l’établissement hospitalier, à l’appel du chef de la diplomatie Ricardo Patino. Le président y a trouvé refuge après qu’une bombe lacrymogène eut explosé à ses pieds, au moment où il sortait de la principale caserne de la capitale où il avait tenté de ramener à la raison les rebelles.

« Nous avons déclaré l’état d’urgence et les forces armées ont reçu pour instruction d’assurer l’ordre public en respectant et en garantissant les droits des citoyens », a annoncé le ministre de la Sécurité, Miguel Carvajal, au cours d’une conférence de presse.

Le chef de l’armée, le général Ernesto Gonzalez, a pour sa part ordonné aux policiers rebelles de se rendre. « Je ne ferai pas un seul pas en arrière, si vous voulez prendre les casernes, si vous voulez laisser les citoyens sans défense, si vous voulez trahir votre mission de policiers, faites-le », leur avait auparavant lancé Rafael Correa.

« Si vous voulez tuer le président, il est là, tuez-le si vous en avez envie! »


Tuez-le si vous en avez le pouvoir! Tuez-le si vous en avez le courage au lieu de vous cacher lâchement dans la foule! « , a-t-il ajouté dans un discours enflammé.

Des policiers ont également pris possession de plusieurs commissariats à Guayaquil, la grande ville portuaire du sud-ouest, et Cuenca (sud), ainsi que du Congrès à Quito après des heurts avec certains parlementaires, tandis que des membres de l’armée de l’air bloquaient l’aéroport de la capitale.

2 morts et 37 blessés lors du sauvetage du président Correa

L’opération militaire pour sortir jeudi soir le président équatorien Rafael Correa de l’hôpital encerclé par des policiers rebelles a fait deux morts et 37 blessés, a déclaré à l’AFP un porte-parole de la Croix-Rouge, Fernando Gandarillas. « Deux policiers sont morts après avoir été transférés à l’hôpital », a déclaré Gandarillas. Il a ajouté que 37 personnes avaient également été blessées dans les échanges de tirs entre forces fidèles au gouvernement et agents rebelles protestant contre une loi supprimant certaines de leurs primes.

Plus tôt dans la journée, la Croix-Rouge avait déjà fait part d’au moins 50 blessés dans des heurts entre policiers et partisans de Correa tentant d’approcher de l’hôpital où il s’était réfugié.

A l’aéroport de Guayaquil, aucun policier n’était visible et aucun vol n’a atterri dans l’après-midi, selon un témoin. « Ils ont pris l’assemblée parce qu’ils ne sont pas d’accord avec un article qui supprime des décorations et des primes », a déclaré à l’AFP la porte-parole du Parlement, Julia Ortega, depuis l’intérieur du bâtiment.

Une loi approuvée par l’assemblée supprime certaines primes à l’ancienneté pour les membres des forces de l’ordre. La loi de « service public » a également entraîné une crise entre le gouvernement et le Parlement, la majorité ayant refusé d’adopter certains articles du projet réduisant les émoluments des fonctionnaires de l’Etat. Mercredi soir, la ministre des relations avec le Parlement, Doris Solis, avait affirmé que Rafael Correa envisageait de dissoudre l’assemblée.

Soutien des pays de la région

Les principaux pays de la région, du Brésil au Venezuela, ont apporté leur soutien au chef de l’Etat et le président vénézuélien Hugo Chavez, grand allié de Correa, a annoncé l’organisation imminente d’un sommet sud-américain à Buenos Aires. Madrid a condamné une « tentative de coup d’Etat » et l’Union européenne a exprimé son soutien aux « institutions démocratiquement élues » du pays. Les Etats-Unis ont condamné toute tentative de violer l’ordre constitutionnel en Equateur au cours d’une réunion de l’Organisation des Etats américains (OEA) à Washington.

La Colombie ferme sa frontière avec l’Equateur

Le président colombien Juan Manuel Santos a annoncé jeudi la fermeture des frontières de son pays avec l’Equateur, comme l’avait fait plus tôt le Pérou, en raison de la « tentative de coup d’Etat » . « Nous souhaitons condamner de manière énergique, claire et sans équivoque la tentative de coup d’Etat en cours en Equateur et apporter tout notre soutien au président Correa, qui a été élu président par le peuple équatorien », a déclaré M. Santos avant son départ pour un sommet sud-américain organisé en urgence à Buenos Aires. La Colombie et l’Equateur partagent une frontière longue de 600 km. Auparavant, le chef de l’Etat péruvien Alan Garcia avait aussi annoncé avoir ordonné la fermeture des frontières de son pays avec l’Equateur, son voisin du Nord, et l’arrêt de tout échange commercial à la frontière « jusqu’à ce que soit éclaircie et rétablie l’autorité duprésident Correa ». Equateur et Pérou partagent près de 1.500 km de frontière commune.

Rafael Correa, 47 ans, au pouvoir depuis janvier 2007, a été réélu en avril 2009 lors d’élections organisées après l’adoption d’une nouvelle Constitution. Son mandat s’achève en 2013. L’Equateur, 14 millions d’habitants, est un pays notoirement instable sur le plan politique. Les trois prédécesseurs de Rafael Correa ont été renversés ou destitués par le Parlement.

Evitez de voyager en Equateur

Le SPF Affaires Etrangères préconise aux ressortissants belges d’éviter tout voyage vers l’Equateur qui ne serait pas essentiel. « Il y a eu une amélioration de la situation jeudi soir, mais il convient de rester prudent », a déclaré le porte-parole, Bart Ouvry. Le ministre des Affaires Etrangères, Steven Vanackere, se joint à la Haute représentante de l’UE pour réclamer le respect des institutions démocratiques.

Quelque 400 Belges sont présents en Equateur, indiquent les Affaires Etrangères. « Aucun citoyen belge n’est pour l’instant signalé en difficulté », précise M. Ouvry. « Notre ambassade à Lima et notre représentation à Quito suivent la situation de près et veillent à la sécurité de nos compatriotes en Equateur. »

Le ministre Vanackere se rallie à l’appel de la Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires Etrangères, Catherine Ashton, pour que cessent les violences et appelle chacun à respecter l’état de droit et les institutions démocratiques, indique-t-il vendredi dans un communiqué. Le ministre a demandé à la Haute représentante de réunir le comité politique et de sécurité afin d’évaluer comment l’Union européenne peut réagir.

LeVif.be, avec Belga


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